Belgique

Des indemnités à l'étude pour les propriétaires de panneaux photovoltaïques décrochés du réseau

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Par Lucie Dendooven

Depuis plus d’une semaine, il fait plein soleil. De quoi réjouir les propriétaires de panneaux photovoltaïques qui produisent, en ce moment, beaucoup d’électricité. Une électricité qu’ils consomment, en partie, mais qu’ils injectent aussi sur le réseau. C’est là que le bât blesse. Le phénomène, anecdotique jusqu’il y a peu, prend de plus en plus d’ampleur avec la multiplication des panneaux photovoltaïques.

Certains particuliers, auto-producteurs d’électricité, voient leur onduleur arrêté net et leur installation décrochée du réseau au moment le plus ensoleillé de la journée. "C’est un phénomène d’auto-défense naturel du réseau", explique Jean-Michel Brébant, porte-parole d’Ores. Il enchaîne : "Les réseaux ont été conçus pour amener de l’électricité dans les foyers et pas pour autre chose. Aujourd’hui, le nombre croissant d’installations de panneaux photovoltaïques qui injectent de l’électricité entraîne une saturation du réseau. Résultat : les onduleurs décrochent pour protéger le réseau mais aussi pour protéger nos appareils électriques (électroménagers, TV, ordinateurs) connectés au réseau et qui ne supportent pas cette surtension".

Un cadastre des décrochages impossible à réaliser

D’après Ores, gestionnaire du réseau, les victimes de ces décrochages ne sont pas nombreuses. En 2022, ils ont dénombré 1590 plaintes (sur 185.000 installations) soit un pourcent des propriétaires de panneaux photovoltaïques. Un constat similaire chez Resa, l’autre gestionnaire de réseau en province de Liège. Chez lui, 700 plaintes ont été enregistrées en mai 2023 sur 45.000 prosumers déclarés (c’est-à-dire des propriétaires de panneaux photovoltaïques).

Mais le problème n’est-il pas plus important qu’il n’apparaît ? Selon Régis François, Président de Beprosumer, l’ASBL de défense des propriétaires de panneaux photovoltaïques wallons, c’est évident. Il estime que, pour une plainte enregistrée, il y a, au moins, dix autres foyers concernés dans la même rue.  

Combien de foyers ont-ils leurs onduleurs qui décrochent? Récemment, le cabinet du ministre de l’Énergie, Philippe Henry, a chargé la Cwape, le régulateur wallon du marché de l’électricité, de réaliser un cadastre de la situation. Mais comment objectiver une situation, sans avoir les outils pour le faire ? Régis François ne décolère pas : "La Cwape n’est pas une magicienne. C’est impossible de faire un cadastre sans mesures concrètes, et donc, sans placer des compteurs intelligents dans chaque foyer pour mesurer quart d’heure par quart d’heure, la production et la consommation de chacun d’eux."

Une indemnisation des foyers lésés envisagée

Le président de Beprosumer va plus loin encore : "Aujourd’hui, on est occupé à éteindre un incendie avec de l’essence. Les Pays-Bas, par exemple, ont limité la puissance d’installation à 5 KW. Pour les endroits où le problème est déjà détecté, il faudrait tout simplement stopper l’installation de panneaux photovoltaïques pour ne pas amplifier le problème des décrochages. Enfin, il faut encourager le stockage de l’électricité à domicile pour différer le renvoi sur le réseau. C’est ce qui passe en Flandre, qui a beaucoup moins de décrochages".

Dans l’immédiat, le cabinet du ministre de l’Energie Philippe Henry et la Cwape envisagent une indemnisation des prosumers lésés par le phénomène de décrochage. Elle sera à la charge des gestionnaires de réseau.  Chez Ores, on n’est pas contre, mais à certaines conditions, comme l’explique Jean-Michel Brébant : "Là où il n’est pas possible de réaliser les aménagements du réseau nous sommes tout-à-fait prêts à assumer les indemnisations, c’est clair".

Autrement dit, partout où Ores et Resa pourront améliorer l’utilisation des phases du réseau dans certains quartiers ou renforcer les cabines, ils le feront. Mais si l’investissement requiert un remplacement de lignes et un investissement massif, ils indemniseront. Quant au montant de l’indemnité, c’est le flou le plus total. Pas de quoi rassurer Régis François : "Combien, à qui, quand ? Cela reste nébuleux. Quelles seront les conditions d’indemnisations car il ne s’agit pas seulement d’indemniser pour les heures où les panneaux photovoltaïques n’ont pas produit mais aussi des heures où son propriétaire a dû consommer de l’électricité car il n’avait pas le choix !".

Des investissements dans le réseau de distribution futur importants

À terme, tous les interlocuteurs en ont conscience, un investissement massif dans le renforcement du réseau sera nécessaire. Ores prévoit un investissement de 4 milliards d’ici 2035 mais le gestionnaire compte aussi sur des soutiens financier wallons et européens. La Wallonie n’aura pas vraiment le choix, à l'avenir, car elle est face à une véritable révolution copernicienne de ses réseaux comme le souligne Damien Ernst, professeur en ingénierie électrique et spécialiste des réseaux à l’U-Liège : "Nous aurons, non seulement, un problème de tension avec la multiplication des panneaux photovoltaïques mais aussi un problème de congestion du réseau à terme avec l’apparition des véhicules électriques et les pompes à chaleur qui remplaceront la chaudière au mazout/gaz. Un ménage moyen consomme, actuellement, 3500 KWH mais avec l’arrivée de ces deux éléments, la consommation va au moins tripler".

La question en suspens est de savoir qui paiera, à terme, la facture de ce changement radical du réseau de distribution. il devra non seulement être renforcé mais aussi digitalisé, de manière à gérer, en continu, le sacro-saint équilibre entre consommation et production.

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