Conditions effroyables
En étudiant leurs trajectoires sur une dizaine d’années, combinées aux données climatiques sur les dépressions hivernales, les chercheurs ont pu déterminer les zones dans lesquelles les oiseaux rencontrent les cyclones.
Ils ont ensuite fait appel à un modèle mathématique qui permet de mesurer leur dépense d’énergie face aux conditions météorologiques. Et découvert, à leur grande surprise, que leur dépense énergétique n’augmentait pas avec les cyclones.
Donc s’ils ne meurent pas de froid, ni d’épuisement face aux vents violents, "l’hypothèse est que les conditions météorologiques sont si effroyables qu’ils n’arrivent pas à se nourrir", suggère David Grémillet.
La fréquence des cyclones va augmenter
"Il faut imaginer des vents soufflant jusqu’à 120 km/heure, des vagues de 8 mètres, des turbulences dans la colonne d’eau qui perturbent le plancton et les bancs de poissons dont ils se nourrissent… Les oiseaux sont pris dans une grosse machine à laver", décrit cet océanographe.
Ne pouvant voler assez loin pour fuir, ils se retrouvent piégés dans la tourmente, condamnés à attendre qu’elle se calme. Et donc probablement empêchés de plonger dans la mer pour pêcher leurs proies, ou bien de les voir dans des eaux troublées…
Or ces oiseaux aux petites ailes ont peu de réserves de graisse, et "un mergule nain meurt s’il ne mange pas pendant 48 heures".
Les carcasses qui jonchent les côtes, comme ces dizaines de milliers de macareux et guillemots ramenés par les flots à l’hiver 2014 sur les plages françaises, sont d’ailleurs "particulièrement amaigries", ajoute Manon Clairbaux.
C’est important de comprendre les dangers qui menacent les oiseaux marins
"C’est important de comprendre les dangers qui menacent les oiseaux marins", estime la chercheuse. Car leur population mondiale a déjà diminué de moitié depuis les années 1970. De multiples facteurs expliquent ce déclin, comme les captures accidentelles par les bateaux, la compétition avec les pêcheries, la pollution sur leurs habitats de reproduction…
Les cyclones viennent s’ajouter à la liste et inquiètent d’autant plus que selon les experts climats de l’ONU (Giec), "leur fréquence et leur intensité vont aller en augmentant avec le réchauffement climatique", souligne David Grémillet.
Mieux cartographier les zones où les oiseaux les subissent va permettre de définir en amont des aires marines protégées de toute activité humaine.