Du côté de l’AFCN, on tempère ces inquiétudes. "L’AIEA a rassemblé des experts chargés de contrôler l’impact environnemental et sanitaire de tout ce que fait l’opérateur. Cette task force a donné son avis sur le traitement et le rejet des eaux usées de la centrale. Les contrôles sont bien plus pointus que dans n’importe quelle autre centrale nucléaire dans le monde", pointe Geert Biermans. Il précise également que tous les pays membres de l’AIEA ont accès aux données enregistrées à Fukushima. "Que ce soit pour le tritium ou le strontium, la concentration est connue, respecte les normes internationales et a été validée par l’AIEA". Ces normes internationales, Greenpeace les juge trop élevées. L’organisation avertit sur les "conséquences irréversibles" de ces substances pour l’environnement.
A Fukushima en tout cas, les contrôles ne sont pas terminés. "Nous travaillerons en étroite collaboration avec le Japon avant, pendant et après ces opérations", annonce en 2021 Rafael Grossi, le directeur général de l’AIEA. "La méthode retenue par le Japon est à la fois techniquement réalisable et conforme à la pratique internationale même si la grande quantité d’eau en fait un cas unique et complexe", poursuit-il.
C’est pour cela que Tepco a prévu de déverser l’eau progressivement, de l’ordre de 500 tonnes maximum par jour, selon un employé de l’entreprise interrogé par l’AFP. L’opérateur va veiller à plafonner la radioactivité du tritium rejeté en mer à 22.000 milliards de becquerels par an, la règle au Japon pour le rejet d’eau tritiée par les centrales nucléaires du pays avant la catastrophe de Fukushima. "Cela va prendre des années", commente Geert Biermans. Mais pour lui, il n’y a pas d’autre option réalisable. "On ne peut pas continuer à stocker l’eau éternellement. Le rejet est la meilleure solution parmi les techniques disponibles sans engendrer un coût exorbitant et sans mettre en péril le reste du projet", estime-t-il.
Il n’y a en effet pas que la question des eaux usées. C’est toute la centrale nucléaire qui doit être démantelée. Le gouvernement japonais et Tepco estiment qu’il faudra quarante ans pour le faire. Un agenda jugé trop serré par de nombreux spécialistes, y compris Jan Vande Putte : "Il y a de nombreuses incertitudes sur la faisabilité dans les délais prévus. Il faut encore développer des technologies pour y parvenir".
Au final, de nombreuses inquiétudes sont renforcées par le souvenir de la catastrophe. "L’incident a toujours un impact sur la perception des habitants. De plus, au Japon, la chaîne alimentaire est très orientée vers le milieu marin. Donc dès qu’on y touche, il y a des craintes. Il faut les prendre en compte pour rassurer la population", analyse Geert Biermans.