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Des outils pour réussir l'éducation bilingue à la maison

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Avec le développement des écoles en immersion, du programme d’échanges européen Erasmus, et même l’apparition de crèches qui proposent un début d’apprentissage de l’anglais aux tout-petits, de plus en plus de familles utilisent désormais plusieurs langues au sein du foyer. Mais comment fonctionner au mieux au sein d’une famille bilingue ou multilingue ? Certains parents ont parfois besoin de soutien !

Catherine Bouko nous dit tout sur le multilinguisme à la maison. Elle est maître de conférences en communication multilingue à l’Université de Gand et coordinatrice du projet européen Erasmus + /PEaCH.

Tout comme l’UNESCO, l’Union européenne a en effet décidé de soutenir le multilinguisme, pour préserver la richesse des langues. Il faut savoir qu’à l’échelle de l’Union européenne, 8% des personnes qui y vivent n’y sont pas nées et 18 millions d’Européens vivent dans un pays européen différent de leur pays d’origine.

Une langue, c’est aussi l’accès à une culture et donc, en aidant les parents à transmettre leur langue, on leur permet aussi de transmettre leur culture. Le programme PEaCH a pour mission d’offrir des conseils et des ressources aux parents et aux professionnels de l’éducation et de la petite enfance sur la manière de soutenir, de maintenir et de développer la ou les langues parlées à la maison. Il déconstruit aussi les mythes et propose des outils concrets, à télécharger ici.

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6 ans, l’âge charnière

Aujourd’hui, le monolinguisme apparaît plutôt comme une exception. D’ailleurs, seuls 29 pays dans le monde sont monolingues. Tous les autres, sur les 200 pays, sont multilingues. Les familles sont donc très souvent multilingues, beaucoup plus qu’on ne peut le penser. En Belgique déjà, où nous avons l’obligation d’apprendre une deuxième langue à l’école.

Le bilinguisme peut être vu de deux façons très différentes :

  • soit on le voit comme un idéal selon lequel une personne parlerait deux langues de manière équivalente. Très peu de personnes atteignent en réalité ce niveau de maîtrise parfaite de deux langues.
  • soit on en a une vision plus pragmatique, qui considère qu’une personne est bilingue du moment qu’elle parle deux ou plusieurs langues de façon régulière dans sa vie quotidienne, même si le niveau n’est pas à 100% parfait. Cela fait baisser la pression auprès des parents qui ne se sentiraient pas à la hauteur pour transmettre leur langue à leurs enfants !

Plus tôt on installe ce bilinguisme, plus vite on permet à l’enfant de développer certaines capacités.

"On considère que 6 ans, c'est l’âge charnière. Cela se situe surtout au niveau de l’altération phonique. Jusqu’à 6 ans, un enfant va plutôt apprendre une langue de façon intuitive, notamment par imitation. Cela a un impact très fort au niveau des sons, de la phonétique : un enfant a une capacité incroyable à percevoir les sons et à les reproduire. Pour maîtriser une langue étrangère sans accent, l’idéal c’est de commencer avant 6 ans. Après on perd cette faculté", explique Catherine Bouko.

La bonne nouvelle, c’est qu’il n’est jamais trop tard pour apprendre une langue. Mais ce ne sera plus avec cette approche intuitive.
 

L’ouverture à l’autre et au monde

Les avantages du multilinguisme sont énormes : une grande flexibilité cognitive, une curiosité affirmée, une ouverture au monde par l’accès à plusieurs univers culturels.

On considère en outre que les bilingues ont une sensibilité communicative accrue, parce qu’ils doivent être capables d’identifier quelle langue parler avec telle personne et sont donc plus attentifs aux besoins de leur interlocuteur. Les bilingues sont aussi plus créatifs dans leurs représentations et dans leur pensée.

Il n’est toutefois pas prouvé que, du point de vue cognitif, le bilinguisme offre beaucoup plus de facilités, à moins d’une exposition extrême à l’autre langue. Mais il semble que les personnes bilingues souffrent moins vite de déficiences mentales, à l’âge adulte, que les non-bilingues. Les premiers symptômes de la maladie d’Alzheimer, par exemple, seraient retardés de 5 ans.
 

Mille façons d’être bilingue

Il y a eu une époque où il était courant de ne choisir qu’une langue à parler à la maison. Aujourd’hui les choses ont changé. Il faut surtout se demander quel sera le besoin de communication de l’enfant, souligne Catherine Bouko.

Les études montrent qu’il vaut toujours mieux parler à l’enfant sa langue maternelle, plutôt qu’un français mal maîtrisé. Certains parents pourraient décider d’abandonner leur langue, pour diverses raisons, parce qu’ils ne s’en sentent pas capables, ou parce que la langue n’est pas assez prestigieuse, ou pour mieux s’assimiler à la culture d’accueil. Pourtant, l’enfant baigné dans sa langue maternelle apprendra plus facilement ensuite le français à l’école.

En réalité, il y a mille façons d’être bilingue. La famille doit réfléchir aux objectifs qu’elle veut atteindre, sans viser la perfection. Les objectifs doivent être réalistes. Il faut identifier la quantité et la qualité de l’exposition et de l’interaction avec l’autre langue. On peut aussi se demander si on veut que l’enfant développe des compétences orales, communiquer avec un bon accent ou si on veut aussi qu’il puisse lire et écrire dans l’autre langue.

Il ne faut pas non plus confondre le rôle de parent avec celui d’enseignant, car il faut veiller à la relation que l’on veut avec son enfant et connaître ses limites.

En tant que parent, il n’est pas impératif de maîtriser la langue à 100%, ce n’est pas grave si l’on fait quelques fautes. Ce qui est important, c’est de toujours maintenir la dimension affective de la langue. Il faut que le parent soit capable de transmettre ses émotions, de communiquer, de façon affective, spontanée et naturelle, avec son enfant.
 

Un risque de mélanger les langues ?

Il est frappant de voir qu’un tout petit enfant, dès 6 mois, sait faire la différence entre la langue maternelle et d’autres langues, explique Catherine Bouko. Il reconnaît la mélodie de la langue de sa maman, grâce à ses oreilles, mais aussi grâce à ses yeux : le mouvement des lèvres l’aide à identifier la langue parlée.

Certains parents ont peur que leurs enfants ne mélangent les langues et ne parlent bien aucune des deux langues. "Il est vrai que les enfants ont parfois tendance à un peu mélanger les mots, mais il ne faut pas s’inquiéter. C’est plutôt un signe d’ingéniosité linguistique, puisqu’ils vont compenser leur lacune dans une langue par un mot qu’ils connaissent dans l’autre."

Il est par contre conseillé aux parents d’appliquer la méthode OPOL : 'one person, one language'. Pour plus de cohérence, chaque parent parle toujours la même langue avec son enfant. Mais d’autres stratégies sont possibles, comme la stratégie 'temps et lieu' : on décide de parler une langue la semaine et une autre le weekend.

Ceci dit, tous les enfants n’apprennent pas une langue au même rythme et cela peut être une difficulté dans la famille. Beaucoup de parents craignent pour leur enfant un retard en termes d’expression. A priori, ces retards ne sont pas vraiment liés au bilinguisme. Certes, un enfant connaîtra peut-être moins de mots dans chacune des langues, mais au total il en connaîtra le même nombre.

Le multilinguisme peut aussi avoir un impact sur le bégaiement, par l’effort qu’il peut induire, parfois source de stress. La dyslexie n’empêche pas forcément le bilinguisme à la maison, mais un enseignement bilingue n’est peut-être pas l’idéal. Mieux vaut alors se focaliser sur l’oral.

 

Ecoutez ici le dossier complet sur le bilinguisme à la maison

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