Pas de condamnation sans témoignage des victimes, et parfois ces témoignages sont difficiles à recueillir. Le contexte du commissariat peut être intimidant, tout comme les policiers en train de rédiger leur PV. Face à certaines victimes, la police veut recourir plus souvent aux interrogatoires filmés, réalisés dans des lieux plus neutres. C’est déjà de cette manière que l’on procède pour interroger des enfants ou des adolescents.
Nous l'appellerons "Anja", elle a 17 ans. Elle ne sera pas entendue dans une salle d’interrogatoire "classique", mais un peu plus à l’écart, dans un espace sans ordinateur, sans armoire pleine de dossiers, sans affiche sur les murs. Cet espace, au commissariat de Grammont, est équipé de caméras discrètes et de micros. Avantage de cette technique d’audition ? "Tout d’abord, nous nous concentrons exclusivement sur la victime, à qui nous posons des questions ouvertes", explique Michel Carmans, coordinateur du projet audition des mineurs à la police fédérale. "Nous ne devons pas sans arrêt nous interrompre pour compléter un PV". Deuxième atout, selon lui : le caractère plus "informel" des échanges. "Nous ne préparons pas cet interrogatoire, nous écoutons ce que la victime a à nous dire, ce qui va nous permettre, ensuite, de qualifier ce qu’elle a subi". L’enregistrement permet d’analyser, par la suite, le non-verbal, les émotions, la moindre hésitation : autant d’indices supplémentaires pour les enquêteurs.