Grandeur nature

Destination Ciotat, au TOP 50 des plus belles baies du monde

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Depuis 2019, la baie de la Ciotat dans les Bouches-du-Rhône figure dans le Top 50 des plus belles baies du monde. Elle le doit notamment à ses calanques et à la géologie particulière d’une partie de sa côte rocheuse, couleur ocre. Mais pas seulement. Des ciotadens et ciotadennes vivent ici leur passion à travers une flore et faune généreuses, précieuses mais fragiles. En mer comme sur terre, des sentinelles de l’environnement veillent.

En plus du cœur terrestre, le Parc national des Calanques posséde un cœur marin couvrant 90% du territoire. Alors autant en profiter en respectant les gestes barrière ; comme naviguer à la voile, pagayer en silence et en rythme… Si certaines zones sont interdites à la navigation ou au mouillage, aujourd’hui nous appareillons du port de plaisance de La Ciotat.

Amarres arrière larguées ", Laetitia débute la manœuvre pour sortir son voilier du lieu chargé d’histoires maritimes, et toujours habité par les grues géantes des chantiers navals voisins. Le profilé blanc voilier SY Eileen 1938 est un sloop Marconi. Dans son jus d’origine, ou presque, il ne porte qu’une seule voile sur un long mat central, ainsi qu’une voile d’avant monté sur son étai.

" Bienvenue à Grandeur Nature dans le Golfe d’Amour ", lance Laeititia Morand-Monteil enthousiaste au micro d’Adrien Joveneau. Notre skipper du jour exerce aussi la profession de journaliste au bureau local du quotidien La Provence. Nous filons à tribord vers le magistral Bec de l’Aigle, la plus haute falaise maritime d’Europe avec ses 394 mètres de haut. Pour ensuite longer les calanques de La Ciotat vers celle de Figuerolles. Ce bateau blanc de classe, en forme d’épée effilée, construit en Norvège il y a 73 ans pour une championne scandinave du patinage, est une bête de course. Il se fond en silence dans l’écume le long de cette côte qui fait face au Parc national des Calanques. Ce dernier s’étend sur 80 kilomètres de littoral et subit une importante pression touristique que les défenseurs de l’environnement et l’administration protègent à coups de réglementation et de bon sens. Créé en 2012, au cœur de la métropole Aix-Marseille Provence, ce parc national est à la fois terrestre et marin. Le seul en Europe à être péri-urbain et, en Méditerranée, le seul à être à la fois continental, insulaire et marin.

L’Eileen et Hélène la greeter

" Notre voilier Eileen, qui bat pavillon hollandais, appartient à l’association Carènes qui lutte pour la sauvegarde le patrimoine maritime traditionnel. Comme les barquettes locales ou les pointus marseillais ", poursuit Laetitia attentive à la barre.  Nous contournons l’île verte, ainsi nommée car elle est une des rares à ne pas avoir vus ses pins coupés pour la construction de maisons locales : " On visite l’île verte en empruntant une navette ", confirme Hélène, membre également de l’association Carènes. Enfant de la Ciotat, cette bénévole amoureuse de nature et d’authenticité, vit maintenant à Marseille. Elle y propose ses services de greeter. " J’habite dans les quartiers Est de la cité phocéenn,  en lisière du parc des Calanques près de l'Huveaune. Un fleuve qui prend sa source dans la grotte de Castelette à Nans-les-Pins, dans le Var, à 590 m d'altitude sur un versant de la Sainte-Baume. L’Huveaune se jette dans la Méditerranée, près des plages du Prado. J’aime faire découvrir aux touristes que j’accueille ce coin sauvage et trop méconnu de Marseille. "

Fidèle repère pour les marins de l’antiquité, le Bec de l’Aigle qui protège le mouillage des plaisanciers et marins de La Ciotat des vents dominants, s’efface peu à peu maintenant derrière nous. Cette formation géologique date d’une époque où les lieux n’étaient qu’un vaste delta fluvial. Certains s’adonnent à l’escalade sur ce fier promontoire unique au monde, et qui change de teinte au fil de la course du soleil. Un agglomérat minéral roulé et figé par un ciment gréseux, où les renards courent parfois sur ses flancs garnis de galets de grès, de calcaire et de quartz, pour y gober des œufs de goëland. A vérifier les sors de lune !

" Il y a quelque vingt millions d’années, des pierres emportées par les fleuves se sont entassées pour former ce rocher appelé poudingue. Comme nous sommes dans une zone de subduction, le soulèvement de ces fonds a créé cette fusion entre le sable et les alluvions. Et l’érosion lui a donné cette forme bizarre ". C’est Raphaelle qui nous parle. On vient de la croiser tout en douceur à bord de son kayak de mer qu’elle peut utiliser jusqu’à 6 miles des côtes. Si elle peut aussi débarquer librement n’importe où, pas question de fouler le lithophyllum par exemple. Cette algue calcaire, teintée de rouge, rose et blanc, s’établit en corniches le long des rochers, là où déferlent les vagues. Elle forme ainsi des " trottoirs " solides comme de la roche. Raphaelle, qui a quitté sa Normandie pour travailler ici à La Ciotat même dans les activités plein air, prépare l’ouverture de la saison pour Expénature. Elle n’hésite pas non plus à proposer des randonnées palmées au cœur des calanques. Comme au Bec de l’Aigle, où on visite des cavités appelées taffoni creusées par le vent et le froid.

Quelque 10% du territoire marin du Parc national des Calanques est classé en zones de non prélèvement, de façon permanente et définitive. Que ce soit pour la pêche professionnelle ou celle de loisir. Une zone de protection renforcée a également été mise en place : seule une liste limitative de navires de pêche professionnels aux petits métiers y est autorisée.

Laetitia habite et vit en bordure des calanques : " Je vous invite à grimper ce soir avant le coucher du soleil jusqu’à la chapelle Notre Dame de la Garde. La vue est magnifique, surtout quand la roche se colore sur le Bec de l’Aigle. "

Construite au début du 17ème siècle par les pénitents bleus, cette chapelle renferme de petits tableaux de marins et pêcheurs reconnaissants à la Vierge Marie. Derrière la chapelle, un petit escalier grimpe jusque sur le sommet de la colline, offrant d'un côté une vue dégagée sur la Ciotat et le Bec de l'Aigle. Et de l'autre, sur des falaises puis au loin l’archipel de Riou, zone ultra protégée où on ne peut débarquer.

Eilen, le symbole du voilier !

Gérard Carrodano, pêcheur de nature et par nature

" Entre Marseille et Toulon, on a davantage de thons ". Gérard Carrodano est une sentinelle de la Grande Bleue pour l’Agence de l’eau qui a fort à faire en Méditerranée. A La Ciotat, ce pêcheur-artisan à part, mais toujours représentant de la corporation en voie de disparition, a d’abord été chasseur sous-marin. Avec son arbalète, chaussé de palmes, il traquait le poisson par besoin et passion. Désormais, il a troqué son lance-flèches contre l’épuisette et la nasse pour des captures tout en douceur. Aujourd’hui, il caresse les murènes en faisant attention à ses doigts, car elles sont myopes.

Un quart des poissons relâchés

" Un poisson mort est un échec ", affirme Gérard. Il fournit désormais quelque quatre-vingt-dix variétés et espèces de poissons et invertébrés pour les fermes aquacoles, les musées océanographiques et aquariums géants. " En Belgique, l’aquarium-museum de l’université de Liège et pairi daiza sont des clients. Il faut montrer ce qui est beau pour protéger ce qui est beau. On capture et on stabule, c’est-à-dire qu’on nourrit à la main. On libère un quart de nos prises ciblées après les expositions par exemple. Ou lorsque les poissons ont trop grossi, prennent trop de place dans les bassins ou ne trouvent pas de client. "

Les grands fonds de la baie d’Amour en face de La Ciotat garantissent une eau très claire propice aux concombres et araignées de mer. " J’ai la chance de vivre de ma passion, en famille parmi quatre générations toutes passées par l’école des pêches et la plongée. " L’expérience acquise permet à Gérard de fournir notamment des cerniers. Des poissons qui vivent à 400 mètres de fond et qui voient leur tête explosée par la décompression lorsqu’ils sont remontés d’une traite. Pour la famille Carrodano, l’espèce en voie de disparition est le marin-pêcheur artisan. " On recense davantage de mérous, de barracudas, d’éperlan… mais moins de lamproies par exemple. Les vers tubicoles et les oursins crayons très présents sont de bons indicateurs de la qualité de l’eau. "

Notre interlocuteur ciotaden collabore régulièrement avec Laurent Ballesta de Montpellier, biologiste-naturaliste et photographe marin. De même qu’avec un confrère portugais expert pour d’autres espèces océaniques. " Ces brins d’herbes dans ces bassins, c’est de la posidonie. Les labridés vivent à l’intérieur. On en ramasse après mauvais temps. Le prélèvement en milieu naturel est interdit, de même que le mouillage agressif des bateaux dans certaines zones. "

La fréquentation estivale intensive des plans d’eau et les nouvelles activités nautiques comme le jet-ski modifient, selon lui, le comportement des poissons. " De 0 à 50 mètres, les espèces interagissent avec l’homme. Quand vous plongez avec une arbalète, les poissons gardent leur distance. Sans arme, ils vous mangent dans la main. Sur le littoral corse où je plonge de temps à autre, les poissons sont restés farouches, car moins habitués à la présence humaine. "

Les raies, comme les hippocampes, se reproduisent dans ses bassins d’où rien ne sort sans documents et certificats.

http://www.poissons-vivants.com

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Des abeilles à l’heure du pique-nique

L’homme enfile sa combinaison taillée d’une pièce dans un tissu naturel par une couturière locale. Grégory Orsini est apiculteur professionnel depuis cinq ans. Il vit et travaille au bord des Calanques qui bordent La Ciotat. La mer, il connaît, lui qui a servi plus de vingt ans dans la marine nationale française. Redevenu civil, il a repris l’activité apicole transmise par son père.

" Dans les calanques, le relief est atypique, les fleurs aussi ", décrit Grégory heureux de transmettre sa passion. Il compte sur la biodiversité locale pour fournir aux abeilles le précieux nectar qu’il vendra, une fois transformé en miel, gelée ou cire sur les marchés provençaux, trois à quatre fois par semaine. " J’aime le contact intergénérationnel. L’abeille est un insecte totem à ce propos. Le principe du rucher est le bien commun autour de la reine. Une pour toutes, toutes pour une. J’apprend des abeilles en étant près de leurs besoins. "

En 20 000 et 90 000 insectes occupent ses 150 ruches éparpillées dans les jardins et collines voisines. " Je récupère également des essaims en ville. Je les destine à des ruchers de réensauvagement. Notre abeille domestique était sauvage. J’ai envie d’en voir une partie revenir à cet état pour bien dissocier la production de miel et la pollinisation. "

Première miellée fin avril

Début de saison printanière ; le miel des garrigues s’élabore déjà dans les cadres qui se chargent. Si les sites sont propices, il faut parfois le partager avec des sangliers. " Avec la transhumance, j’arrive à recueillir 5-6 miellées par an. Je n’hésite pas à transporter de nuit ou très tôt mes ruches en utilisant une barque ou mon vélo triporteur. " Un modèle à assistance électrique, cela aide vu le poids et l’encombrement.

Grégory Orsini nous fera goûter son miel. Mais d’abord il déballe le pique-nique préparé avec amour par le proche restaurant-brasserie-hôtel de la Calanque de Figuerolles. Foccacia et panisse, tapenade verte, salade de pois-chiche, brandade, fromage frais de brebis de chez avec un filet d’huile. Panacotta. Un régal, manque que le chant des cigales attendu autour du 20 juin. Sans oublier l’eau et surtout le vin rouge " Domaine de la Chrétienne ". On ne se fait pas prier.

Gregory, apiculteur professionnel, nous explique tout sur les abeilles !
Gregory, apiculteur professionnel, nous explique tout sur les abeilles ! © Lex

Mugel, parc vert et un atelier bleu

Orchidées, arbousiers, lauriers tins, chênes kermès, pins… Entre terre et mer, en face du Bec de l’Aigle, maquis et garrigue accueillent des végétaux tolérants aux deux types de sol, acide ou alcalin. Petites feuilles, croissance en boule, épineux… ces plantes méditerranéennes s’adaptent à la sécheresse et aux vents parfois violents. Nous sommes dans un coin du parc du Mugel plantés de collections végétales indigènes ou exotiques. Cinq hectares acquis par la municipalité de La Ciotat dès 1950. Depuis quelques années, on s’y balade gratuitement, avec ou sans guide, avec ou sans éducateurs à l’environnement. Sauf par vent fort et en cas de risque d’incendie. Entre le 1er juin et le 30 septembre, il peut être fermé par arrêté préfectoral !

Escape Game, pour éteindre le feu

" Notre association accueille des groupes que nous sensibilisons au développement durable et à la protection de l’environnement, par des ateliers, des stages et des jeux notamment ", explique Servane Tarot, directrice de l’Atelier Bleu. Ses bureaux occupent la Bastide du Mugel, au cœur du parc.  Servane nous décrit alors son Escape Game, un jeu motivant mais un peu stressant. " Un mégot abandonné par un promeneur dans le parc du Mugel vient d’enflammer des épines de pins sèches jonchant le sol... Le feu se propage à toute vitesse. Une véritable catastrophe pour le parc qui risque de perdre l’héritage d’un siècle d’histoire végétale. A vous de jouer ! Il vous faut accéder aux anciens systèmes d’irrigation alimenté par l’impluvium recueillant le ruissellement des eaux sur la colline, pour stopper l’incendie et sauver le parc en résolvant différentes énigmes. Faites vite car vous avez 1 heure avant que le feu ne soit plus maîtrisable. "

En 1982, un terrible incendie dévala les collines de La Ciotat pour se précipiter sur le Mugel. Le terrain était une suite de squelettes de pins morts. Le site a été réhabilité, les cônes de pins fermés ont relâché leurs graines protégées par leurs écailles fermées lors du passage du feu. Le risque d’incendie reste présent. " Regardez ce canadair qui plonge dans la baie de La Ciotat pour écoper. C’est un entraînement, il relâche directement ses tonnes d’eau ", explique Grégory animateur de l’Atelier Bleu en nous dévoilant le sentier sous-marin, autre activité proposée. Ce parc, ces calanques et plages sont des terrains de jeux et de découvertes propices.

Après le passage ravageur des flammes, le ciste est la première espèce à se régénérer dans la foulée des graminées. Ses graines offrent une meilleure germination après avoir été exposées à de hautes températures. Le chêne kermès s’adapte également. Ses racines profondes, quasi indestructibles, assurent une repousse rapide après le passage du feu. La complexité et la fragilité de cette végétation en bord de Méditerranée et plus loin, au cœur même des terres provençales, sont devenues un souci permanent. L’Atelier Bleu l’a compris depuis 1984 déjà.

Transport : Pour se rendre à La Ciotat à, la vitesse de l’éclair en 5 heures, TGV INOUI Bruxelles Midi – Marseille Saint Charles.

Infos : www.cpie-coteprovencale.org

https://www.destinationlaciotat.com/

Partager et protéger les sites du Parc National des Calanques

Soyez acteur de votre sécurité : prévoyez de l'eau en abondance, protégez-vous du soleil et chaussez-vous bien.

Pour se protéger du risque d’incendie tout usage du feu est interdit (cigarette, barbecue, chicha, feu de camp...). Cette interdiction vaut également lorsque vous êtes près de l'eau. La majorité des départs de feu sont des accidents, ne pensez JAMAIS que vous maîtrisez la situation.

Ramenez vos déchets. Vous ne trouverez pas de poubelle dans les Calanques. Et ne vous débarrassez pas de vos déchets dans la première poubelle que vous trouvez si celle-ci déborde. Jeter dans une poubelle pleine = jeter par terre. Et pour aller plus loin, challengez-vous avec un pique-nique zéro déchet !

Restez discret. La diffusion de musique, à terre comme en mer, est interdite. Les animaux ont besoin de quiétude et les autres visiteurs n'ont pas forcément envie d'écouter votre son.

Restez sur les sentiers balisés pour éviter l'érosion des sols. Respectez également les zones de régénération de la végétation matérialisées par des petits poteaux.

Renseignez-vous bien sur les accès et les temps de parcours. Marcher dans les Calanques est souvent plus difficile qu'on ne le croit. Ne vous fiez pas à Google Maps qui raconte pas mal d'âneries. Téléchargez l'appli Mes Calanques ou explorez notre site Internet.

Privilégiez les transports en commun. C'est meilleur pour la planète et pas forcément plus long en TGV Bruxelles-France !

Source : www.calanques-parcnational.fr

La Ciotat, un décor magnifique…
La Ciotat, un décor magnifique… © Lex

Une émission à écouter en replay sur RTBF Auvio et sur Apple Podcast !

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