"Suzan, l’héroïne cachée de Bir Hakeim", diffusé ce 29 octobre dans " Retour aux sources ", c’est l’histoire d’une femme, Suzan Travers, une Anglaise élevée dans le sud de la France, la première femme admise dans la Légion étrangère. Une héroïne de la Seconde Guerre mondiale… En Belgique aussi, il y eut des héroïnes, durant le même conflit mais aussi le précédant… En voici deux qui ont bien des points communs dans leur malheur…
Edith Cavell
C’est à Swardeston, dans le Norfolk, en Angleterre, que naît Edith Cavell, le 4 décembre 1865. Diplômée institutrice en 1884, elle arrive à Bruxelles six ans plus tard pour travailler en qualité de nourrice pour la famille François, avenue Louise, pendant cinq ans. Rentrée dans son village natal pour soigner son père, le révérend Frederick Cavell (1824-1910), en 1896, elle entreprend la formation d’infirmière au Royal London Hospital avant de travailler dans plusieurs implantations hospitalières.
En 1907, Edith revient à Bruxelles où le Docteur Antoine Depage lui demande d’organiser et de prendre la direction de son " École Belge d’Infirmières Diplômées ", installée à l’Institut Berkendael, à Ixelles. En 1914, l’école déménagera à Uccle. Le 1er août, jour de la déclaration de guerre de l’Allemagne à la Russie, Edith est à Norwich, chez sa mère. Elle sait qu’elle va être utile et, le 3 août, elle est de retour à Bruxelles, avec ses élèves infirmières, elle ne tardera pas à signer les blessés alliés et allemands à la clinique du Docteur Depage.
Rapidement, Edith va s’occuper de faire passer des centaines de soldats vers les Pays-Bas. Le réseau qui s’occupe de cette tâche a pour nom " Yorc ", lettres inversées de " Croy ", du nom de la princesse Marie de Croÿ qui en faisait partie, avec la comtesse Jeanne de Belleville et l’architecte bruxellois Philippe Maucq, entre autres.
Hélas, dès la fin juillet 1915, les membres du réseau se font progressivement arrêter. Le 5 août, c’est au tour d’Edith. Incarcérée à la prison de Saint-Gilles, elle est jugée en octobre. Reconnaissant les accusations portées à son encontre, elle ne se défend pas et est condamnée à mort le 11 octobre. Le soir même, Edith peut parler avec le révérend anglican Stirling Gahan et communier, elle lui dira :
Le patriotisme n’est pas assez, je ne dois avoir ni haine ni amertume envers quiconque.
Des protestations internationales s’élèvent, de la part, entre autres de l’ambassadeur des Etats-Unis en Belgique, Brand Whitlock. Pour les éteindre, dès le lendemain, le conseil de guerre fait exécuter Edith, avec Philippe Maucq, au Tir national, aujourd’hui occupé par la RTBF et la VRT. Elle y sera inhumée. Après-guerre, son corps sera rapatrié au Royaume-Uni. Un service funèbre, en présence de George V aura lieu à Westminster avant que ses restes ne soient enterrés au pied de la cathédrale de Norwich.
Gabrielle Petit
Née le 20 février 1893, à Tournai, Gabrielle Petit sera précocement orpheline de mère, elle sera placée dans diverses institutions religieuses à Ath, Mons, Brugelette. Elle s’y révélera une enfant intelligente, pleine de gaîté, studieuse. Sa sœur Hélène lui trouvera une place de gouvernante, à Bruxelles.
Alors que l’Allemagne envahit la Belgique en août 1914, Gabrielle réside au 61 de la chaussée de Mons, chez Madame Collet, elle fait aussi partie de l’antenne de Molenbeek-Saint-Jean de la Croix-Rouge. La jeune femme est fiancée à Maurice Gobert depuis trois mois et n’hésite pas à lui dire :
Notre devoir est clair. La Patrie nous appelle ! Nous la servirons tous deux en soldats. Tu te battras. Je vais à l’ambulance
À Liège, son fiancé sera blessé tandis que Gabrielle se voit séparée de l’armée belge en retraite par la soldatesque allemande. Elle cache Maurice et l’aide à passer la frontière des Pays-Bas pour rejoindre l’armée du roi Albert. Gabrielle est une ardente Patriote, elle voit les méfaits commis par l’ennemi sur le sol de sa Patrie, elle ne peut demeurer inactive.
Elle se fait engager au Service des renseignements, elle sera espionne, bien qu’elle déteste ce mot ! Elle entame alors une existence exaltante, faisant passer la frontière à ceux qui veulent rejoindre les tranchées de l’Yser, convoyant des renseignements jusqu’à Londres où elle se fait engager par les Anglais ! Rapidement formée, elle rentre en Belgique où, pour remplir ses missions, elle est bonne d’enfants, voyageuse de commerce, porteuse de journaux… Elle s’appellera " Melle Legrand "
Une première fois arrêtée en juin 1915, elle est relaxée mais se rend compte qu’elle est pistée par des espionnes allemandes. En décembre, elle est à nouveau arrêtée à Hasselt : elle s’évade ! Le 20 janvier 1916, elle est arrêtée au 19 de la rue du Théâtre, un lieu secret où elle travaillait à la rédaction de ses courriers. A la prison de Saint-Gilles, elle sera torturée, mais ne dira strictement rien.
Le 3 mars, elle est condamnée à mort. Elle pense que son âge permettra de commuer sa peine en travaux forcés. Malgré les démarches de ses proches, la condamnation est confirmée. La veille de son exécution, elle dira :
Je serai fusillée demain. Je leur montrerai comment une femme belge sait mourir.
Le 1er avril 1916, c’est au Tir national qu’elle refusa qu’on lui bande les yeux. Elle s’écrie " Vive le Roi ! Vive la… "…Une détonation. Gabrielle Petit, 23 ans, n’est plus… Les deux soldats qui ont refusé de tirer sont immédiatement fusillés.
Gabrielle sera enterrée sur place. En 1919, le corps est exhumé et, en mai, elle aura droit à des funérailles nationales lors desquelles la reine Elisabeth déposera la croix de l’ordre de Léopold sur son cercueil. Cette héroïne belge repose depuis lors au cimetière de Schaerbeek.
Découvrez "Suzan, l’héroïne cachée de Bir Hakeim", ce 29 octobre dans "Retour aux sources", présenté par Elodie de Sélys.