L'échappée musicale

Deux minutes de musique pour rassembler l’Iran

© Getty Images - Andy Catlin / EyeEm

Durant les vacances de Toussaint, Xavier Flament cède sa place à Pierre Solot pour une échappée musicale. Et ce matin, Pierre Solot nous parle de ce que peuvent signifier deux minutes de musique.

Il y a un mois et demi, le 16 septembre dernier, une jeune étudiante iranienne de 22 ans décède dans un hôpital de Téhéran. Elle s’appelait Mahsa Amini. Trois jours plus tôt, elle avait été arrêtée par la police des mœurs pour "port de vêtements inappropriés" : quelques cheveux dépassaient de son voile. Si les autorités prétendent que la jeune fille est décédée d’un malaise cardiaque, il semble plus probable qu’elle ait succombé aux coups de ses bourreaux autorisés.

Des protestations ont commencé à jaillir un peu partout en Iran, des manifestations se sont formées, réprimées violemment, des élans de colère par et pour le peuple, des élans menés avant tout par des femmes, brimées par le régime depuis la révolution de 1979. Les femmes d’Iran enlèvent leur voile, les femmes d’Iran se coupent les cheveux en public. Les femmes d’Iran lèvent le poing vers le guide suprême Ali Khamenei. Les rugissements de la foule se concentrent sur le port du voile, mais au-delà de l’écrasement moral et culturel, c’est une situation économique désastreuse, des sanctions et de la corruption qui déploient les cris des Iraniennes et des Iraniens.

Le 27 septembre dernier, un jeune chanteur iranien de 25 ans, Shervin Hajipour, poste sur son compte Instagram une chanson qu’il a écrite et qu’il interprète. Il intitule sa chanson Baraye, qui signifie "pour" ou "à cause de" en persan. Sur la vidéo, Shervin Hajipour chante les yeux fermés tandis que défilent à l’écran les paroles, qui sont en fait une succession de tweets écrits par des manifestants, rassemblés ici en une chanson qui devient contestataire : "pour danser dans la rue, parce qu’on a peur de s’embrasser, pour nos sœurs, pour les femmes, la vie, la liberté…"

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En deux jours, la vidéo atteint les 40 millions de vues, les manifestants s’en emparent. La voix et la musique de Shervin Hajipour résonnent dans les rues, dans les écoles, un peu partout dans le monde. Baraye devient l’hymne de la révolution.

"Pour la liberté. Pour les femmes, la vie, la liberté…" : les voilà les dernières paroles de cette chanson Baraye qui valent à son auteur Shervin Hajipour d’être chanté dans tout l’Iran et un peu partout dans le monde et qui lui valent aussi d’être arrêté le 29 septembre dernier à Sari dans le nord de l’Iran.

Le 4 octobre à midi, Shervin Hajipour est libéré. Son compte Instagram, qui avait été fermé, a été rouvert. Le jeune chanteur iranien y présente des excuses. Il va bien, dit-il et rajoute : "Je suis désolé que certains mouvements particuliers basés en dehors d’Iran, avec lesquels je n’ai aucun lien, aient fait un usage politique détourné de la chanson […]. Je n’échangerais mon pays contre aucun autre et je resterai pour ma patrie, mon drapeau, mon peuple, et je chanterai."

On se demande évidemment par quels moyens ces propos ont été extirpés de la plume du jeune chanteur. De nombreuses personnes proposent d’ailleurs d’ajouter à Baraye quelques mots sur les publications Instagram forcées, sur ces mots qu’on écrit sans jamais les penser, sous la menace. Quoi qu’il en soit, c’est trop tard. La musique s’est engouffrée dans la brèche et désormais il y a cette chanson Baraye qui porte la parole du peuple et qui continue de résonner pour les femmes, la vie et la liberté. 

Echappée musicale

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