Alors que les chiffres de l'épidémie de coronavirus en Belgique entament une stabilisation, certains craignent que la rentrée scolaire ne fassent repartir les indicateurs. Cette rentrée des classes est moins risquée ou plus risquée que la rentrée de l’année passée ? Dimitri Van der Linden, médecin aux Cliniques universitaires Saint-Luc à Bruxelles, spécialisé en infectiologie pédiatrique, répond à nos questions.
"Il y a des choses positives, notamment le fait que dans nos hôpitaux, on voit très peu de cas de Covid pour l’instant. Quand on voit l’ensemble depuis le début de la pandémie, le nombre d’hospitalisations en pédiatrie représente 1 à 2% de l’ensemble des hospitalisations. Quand je dis pédiatrie, c’est de 0 à 18 ans. C’est donc déjà quelque chose de très positif."
Autre point positif, il n'y a pas plus d'enfants malades du covid dans les hôpitaux aujourd’hui que lors des précédentes vagues. "Pour l’instant, nous avons fait une overview des principaux hôpitaux avec la Task Force pédiatrique en Belgique et tout le monde constate la même chose. D’autre part, l’autre point positif, c’est les camps. Nous avons reçu des informations de la Fédération des scouts qui montrent que 98% des camps, sur plus ou moins 1 800 camps, se sont passés normalement, sans cas de Covid, et n’ont pas dû être fermés. Alors certes, ça semble être plus que l’année passée, qu’en 2020, mais en 2020, nous partions d’une situation épidémiologique beaucoup plus favorable après le confinement. Et de plus, souvenez-vous, le nombre de participants état limité à 50. Ici, c’était limité à un nombre de 100, donc ce n’est pas tout à fait comparable."
Des premières données rassurantes
Mais la grande inconnue cette année, c'est le variant Delta, et ses capacités à circuler dans les populations les plus jeunes. "Nous devrons avoir du recul dans quelque temps parce qu’on n’a pas encore connu de rentrée scolaire avec ce variant étant prédominant et nous avons quelques données d’Angleterre. La santé publique anglaise a rapporté en juin, ils ont testé massivement en primaire, et ils avaient un taux de positivité de 0,27% en primaire. Or, en période hivernale, ils allaient à des taux de 1%. Ces données anglaises sont donc rassurantes, mais de nouveau, nous n’avons pas encore assez de recul en Belgique pour les prochaines semaines. Nous allons voir ce qui va se passer."
Selon les derniers chiffres de Sciensano, 20% des contaminations se font actuellement chez les moins de 10 ans : cela veut dire que le virus continue bien de circuler, analyse l'infectiologue. "Les moins de 12 ans ne sont pas vaccinés, donc il est logique qu’on voie une circulation virale un peu plus importante dans ce groupe d’âge. Maintenant, il faudrait voir aussi, selon les régions, si ça change selon le niveau d’endémicité. Par exemple, on sait effectivement qu’à Bruxelles, le virus circule plus que dans les autres régions. La couverture vaccinale est également moindre. Donc, il faudrait un peu pondérer cela selon les régions et selon la situation épidémiologique locale."
Ne pas devoir vacciner les moins de 12 ans ?
Dimitri Van der Linden fait également partie de la Task force pédiatrique belge, qui n'a pas encore pris position concernant la vaccination des moins de 12 ans. "C’est certain que ces questions-là vont devoir être débattues, notamment au Conseil supérieur de la santé. Vous savez que nous avons émis un avis sur les plus de 12 ans en mai-juin. À titre personnel, j’espère qu’on ne va pas devoir en arriver là. Les moins de 12 ans représentent plus ou moins 13% de la population, donc si tous les adultes se font vacciner et qu’on encourage également la vaccination chez les plus de 12 ans, parce qu’on est quand même assez rassuré des données, notamment de tolérance chez les enfants... À titre personnel, j’ai deux enfants de plus de 12 ans qui ont été vaccinés. Donc, à ce niveau-là, je pense que nous devons d’abord intensifier les efforts pour persuader et convaincre la population, notamment les adultes qui freinent à se faire vacciner, de se faire vacciner."
Peut-on alors imaginer une couverture vaccinale à 100% des plus de 12 ans, afin de ne pas avoir besoin de vacciner les moins de 12 ans ? "Tout dépend du but que nous voulons atteindre. Voulons-nous une société zéro Covid, ce qui est très compliqué chez nous, puisqu’on n’est pas une île ? Ou veut-on tolérer une certaine circulation virale ? On sait que les enfants de moins de 12 ans sont très peu atteints par la maladie, 50% d’entre eux sont asymptomatiques, ne présentent aucun symptôme. Par contre, ce qui est très important pour moi, pédiatre, c’est que les vaccins classiques du calendrier vaccinal soient bien administrés à ces enfants — la rougeole, etc. Ça, c’est beaucoup plus important parce que ces maladies-là sont beaucoup plus sévères chez l’enfant."
Sous certaines conditions, le masque pourra être enlevé dans les écoles wallonnes, un assouplissement que le GEMS (le groupe d’experts qui conseille les autorités, ndlr) aurait voulu voir arriver plus tardivement. "Nous avions proposé au GEMS encore un mois de prudence pendant le mois de septembre, parce qu’avec le retour de vacances, dans certains pays, le taux de PCR positifs est plus élevé et certaines populations ne sont pas vaccinées, et les gens vont se retrouver, vont se remixer. Nous avions donc suggéré de garder des mesures comparables à juin pour ce mois de septembre afin d’observer ce qui va se passer, parce que personne ne sait. Il y a un certain degré d’incertitude. Mais tout de même, je pense qu’il faut envisager ce début d’année scolaire de façon positive pour les enfants."
Dimitri Van der Linden envisage donc ce début de rentrée d'un œil positif, mais prudent, "pas uniquement chez les enfants, mais dans tous les milieux professionnels et dans tout ce qui touche la société en général."