Quand vous réfléchissez au passé, il vous arrive peut-être de vous dire que c’était mieux "avant", que le monde était plus beau, qu’il tournait plus rond, quitte à passer pour un vieux grincheux. Hé bien rassurez-vous, c’est assez normal d’avoir ce type de pensées… Même si elles ne reflètent pas toujours la réalité. Le point avec Nicolas Evrard, journaliste pour "Plus Magazine" et chroniqueur dans "La Grande Forme."
Pour expliquer le concept, Nicolas Evrard, journaliste pour "Plus magazine", nous demande de faire appel à notre mémoire : "Rappelez-vous, quand vous étiez ado ou jeune adulte... Suivant votre âge, vous aviez peut-être un veston à épaulettes dans les années 80 ou un pantalon pat d’eph’ bien moulant dans les années 70. À cette époque de votre vie, vous avez certainement croisé - à un moment donné - quelqu’un de 50, 60 ans, qui vous a fait tout un laïus pour vous dire que du temps de sa jeunesse, on savait rire, on était plus heureux, on avait des valeurs, du respect et on écoutait pas de la musique de sauvage comme vous. Bref, il vous expliquait que c’était mieux avant. De votre côté, vous rangiez cette brave personne dans la catégorie de ce que Brassens appelait poétiquement "les vieux cons" et vous vous juriez que vous ne deviendriez jamais comme ça..."
Mais ça, c’était en théorie…
Et oui, parce qu’avec les années qui passent, il arrive toujours bien un moment où on se dit que, oui, quand même, c’était peut-être mieux avant. Pas sur tout, mais globalement. Et cette pensée, elle est universelle et intemporelle. On la retrouve chez les auteurs de l’antiquité : en vieillissant, l’humain se met généralement à penser que c’était mieux avant. Certains plus que d’autres, mais c’est une tendance générale. Et cette pensée recouvre énormément d’aspects de votre vie. La musique, par exemple, même si vous vous tenez à la page de ce qui sort actuellement, vous allez souvent garder une petite préférence pour ce que vous écoutiez ado ou jeune adulte.
À quoi est-ce dû ?
Pour la musique, c’est simple, c’est parce que c’est lié à des moments importants de la construction de votre identité. C’est la musique qui a accompagné le moment où vos goûts se sont créés, où vous vous êtes construits et ça s’est un peu cristallisé. Mais pour le reste… Hé bien c’est en grande partie parce que notre mémoire, ce n’est pas un disque dur d’ordinateur. Elle ne conserve pas des vidéos du passé, archivées une bonne fois pour toute. Ca ne fonctionne pas pareil. En réalité, la mémoire, c’est un processus dynamique. C’est-à-dire qu’un souvenir, ce n’est pas la réalité, c’est une reconstruction que notre cerveau fait d’une réalité passée. C’est pour ça que deux personnes qui étaient présentes à un même événement peuvent en avoir un souvenir complètement différent.
Notre mémoire a plutôt tendance à se focaliser sur le positif. Alors, ici, on fait abstraction des événements très négatifs et traumatisants (comme un viol ou un décès), mais pour le reste, on se rappelle beaucoup plus facilement, on raconte beaucoup plus facilement des anecdotes du passé rigolotes, des souvenirs heureux ou positifs, que des trucs ennuyeux, neutres ou tristounets. Ce faisant, ces souvenirs positifs sont beaucoup plus frais dans nos mémoires et ils ont tendance à prendre le dessus sur les autres. Si vous ne parlez pas d’un souvenir, vous finissez par l’oublier. Si vous le racontez, vous le faites vivre et plus vous le racontez, plus il devient clinquant, brillant. Et ça vous donne une image tronquée du passé. Il y a plein de trucs qui n’étaient pas cool avant, qui sont mieux maintenant, mais ce n’est pas ça qui vous vient directement à l’esprit quand vous pensez au passé. Donc il existe un " biais de positivité " dans vos souvenirs. Et plus le temps passe, plus ce biais va devenir grand, souligne Nicolas Evrard.