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Diffuser des parties de jeux vidéo en ligne, est-ce légal ?

© Jakub Porzycki – Getty Images

Par Hippolyte Jongen via

Frédéric Lejeune, avocat au barreau au Bruxelles, s’est penché sur la question du streaming de jeux vidéo au regard du droit d’auteur. Dans son article, il rappelle le principe selon lequel, en droit belge, il est interdit de reproduire et de communiquer un jeu vidéo au public sur base du droit d’auteur. Il s’est donc posé la question suivante : est-il légal de diffuser ses sessions de jeux vidéo sur Internet ?

Le speedrun de Ponce sur Super Mario Odyssey serait-il en danger si on appliquait le droit belge ? |
Le speedrun de Ponce sur Super Mario Odyssey serait-il en danger si on appliquait le droit belge ? | © Ponce – TWITCH

A cette question, l’avocat apporte une réponse assez claire sur le papier. Le secteur du jeu vidéo est couvert par le droit d’auteur, car un jeu peut s’analyser comme la combinaison de plusieurs œuvres : graphique, scénaristique, musicale, etc.

En Belgique en tout cas, le droit d’auteur s’oppose à la diffusion de toute partie live ou de tout enregistrement d’un jeu vidéo original sur Internet. La simple diffusion de gameplay ou de musiques du jeu est en effet considérée comme une reproduction et une communication de l’œuvre au public au sens du droit d’auteur.

Et il est possible d’aller encore plus loin dans cette idée du respect à la lettre du droit d’auteur. En effet, selon le droit d’auteur, la diffusion d’une image d’un personnage de jeu vidéo par exemple est d’ores et déjà considérée comme une infraction au droit d’auteur si l’on n’a pas obtenu préalablement l’autorisation de l’auteur.

© Peter Dazeley – Getty Images

Le droit d’auteur étant a priori harmonisé au niveau européen, la Belgique se trouve dans la même situation que ses voisins européens. Frédéric Lejeune nous explique lors d’un entretien :

La notion d’œuvre est la même dans toute l’Union européenne car il s’agit d’une notion harmonisée. Il en va pareillement pour la notion de streaming.

L’avocat ajoute : "Le streaming, c’est une forme de communication au public au sens du droit d’auteur et la communication au public est harmonisée à l’échelle européenne. En principe, donc, le streaming de jeu vidéo sera appréhendé et réglé de la même façon dans tous les pays de l’Union européenne, sous réserve de l’une ou l’autre exception qui existerait au niveau national."

Retour sur le cas de l’article 13

En 2018 et 2019, une disposition européenne avait fait beaucoup parler d’elle sur les réseaux sociaux et les plateformes de diffusion : l’article 13 de la nouvelle directive sur le droit d’auteur. Cette disposition avait pour objectif de faire peser sur les plateformes la responsabilité des contenus diffusés, et non pas uniquement sur les utilisateurs qui postent ces contenus.

Beaucoup de personnalités et d’utilisateurs présents sur ces différentes plateformes ont craint qu’à cause de l’article 13 et de son interprétation, les fournisseurs de services de partage de contenu en ligne censureraient tout contenu pour éviter d’être tenus responsables. Il y avait une peur que les plateformes comme Twitch et YouTube, par exemple, procèdent à un filtrage extrême du contenu pour éviter de devoir payer des droits d’auteur.

Qu’en est-il aujourd’hui ?

Même s’il fait moins parler de lui aujourd’hui, cet article 13 existe toujours, désormais comme article 17 de la directive européenne qui est entrée en vigueur : ce texte dispose que les fournisseurs de services de partage de contenus en ligne tombent sous le droit d’auteur quand ils donnent accès à du contenu téléversé par ses utilisateurs. Ils sont donc responsables du contenu diffusé par les utilisateurs, à condition que ce contenu soit protégé par le droit d’auteur bien entendu.

Cependant, il existe une série de conditions qui permettent à ces plateformes d’échapper à toute responsabilité. Et tout l’enjeu de cet article 17 est de détailler ces conditions. Ceci explique aussi pourquoi il y a eu autant de débats en 2019. Pourtant, même si la directive est d’application aujourd’hui, il est toujours possible de regarder ses streamers et vidéastes préférés jouer à des jeux.

La raison à ce "non-respect” des lois sur le droit d’auteur est simplement que la diffusion de leur jeu au public est extrêmement bénéfique pour les éditeurs et auteurs qui ont travaillé sur le jeu vidéo. Le partage de contenus autour d’un jeu est une aubaine pour les personnes ayant travaillé sur ce jeu puisque c’est de la publicité gratuite pour leur produit.

Et c’est comme ça que notre Amphirae nationale peut streamer du Rocket League tous les lundis sur la chaîne Twitch d’iXPé ! |
Et c’est comme ça que notre Amphirae nationale peut streamer du Rocket League tous les lundis sur la chaîne Twitch d’iXPé ! | © RTBF iXPé

Le buzz autour d’un jeu et la publicité créée autour de celui-ci par les streamers et vidéastes qui y jouent apportent énormément de visibilité et augmentent considérablement les chances du jeu de mieux se vendre. Un bon exemple de ce succès est le jeu Hogwarts Legacy qui à sa sortie, a été très fortement diffusé sur Twitch et a généré tout un buzz (parfois négatif mais buzz quand même) à cause du débat autour de J.K. Rowling.

Actuellement, oui : il est juridiquement interdit, selon le droit d’auteur, de diffuser du contenu sans autorisation de l’auteur sur les plateformes. Les streamers et vidéastes belges sont donc théoriquement dans "l’illégalité" s’ils n’obtiennent pas l’autorisation au préalable de l’auteur ou que la plateforme de diffusion n’a pas un accord avec celui-ci.

Néanmoins, et même si les choses peuvent changer d’un jour à l’autre, les streamers et vidéastes ne doivent pas se faire trop de soucis. Jusqu’à aujourd’hui, la collaboration entre plateformes de diffusion, créateurs de contenus et éditeurs de jeux vidéo n’a pas posé trop de problèmes. De plus, si l’on se fie aux guidelines actuelles de ces détenteurs de contenu (par exemple Nintendo), beaucoup d’entre eux n’ont pas de problèmes avec le fait qu’on diffuse leurs jeux vidéo pour autant que les règles qu’ils ont édictées au préalable soient respectées.

A moins donc d’un changement d’avis, les vidéastes et streamers ne doivent donc pas trop se faire de soucis, même s’il reste important pour eux d’avoir conscience de la situation.

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