Santé physique

Diphtérie, polio : Médecins Sans Frontières vaccine les demandeurs d’asile délaissés

© Pierre Fromentin (MSF)

Nous sommes des privilégiés. Nous ne devons pas nous demander, lors d’une atteinte cutanée, d’un nez qui coule ou d’une angine, si nous avons la diphtérie. Simplement parce qu’après notre naissance, nous avons été vaccinés. Depuis 1959, la Belgique a généralisé la vaccination contre cette maladie due à une bactérie, grâce à un vaccin trivalent contre la diphtérie, le tétanos et la coqueluche.

Historiquement, pourtant, la diphtérie a été une grande cause de mortalité en Belgique. En 1943, elle provoque encore 982 décès et pas moins de 16.157 cas dans notre pays. En 2016, un cas de trop, mais seulement un cas : un enfant de 3 ans non vacciné.

Pas de toit, pas de vaccin

Les demandeurs d’asile actuellement sur le carreau en Belgique à cause du manque de places dans le réseau d’accueil n’ont pas eu cette chance. La double peine : dans leur pays d’origine, les systèmes de santé souvent défaillants ne leur ont pas permis cette protection sanitaire. Et ici, l’Etat belge, censé prendre en charge l’accueil et leur proposer lors de l’enregistrement à Fedasil une vaccination automatique contre la diphtérie, est débordé.

"Ces personnes ont déjà été victimes dans leur pays, parce que leur système de santé publique était défaillant, soit parce qu’il y avait la guerre, soit parce que c’était un système qui n’a jamais fonctionné. Ils n’ont pas reçu ces vaccins que tout le monde reçoit en Belgique gratuitement à la naissance", appuie Jean-Paul Mangion, médecin coordinateur chez MSF.

"Donc, elles ont déjà été victimes, et dans le fonctionnement normal du système belge, tout demandeur d’asile qui vient et qui demande l’asile est accueilli et pendant le premier screening qui est fait, on lui fournit ce vaccin. On ne parle pas de vaccins qui sont très rares et qui coûtent très cher, mais de vaccins qu’on trouve dans toute pharmacie. Le problème, c’est vraiment l’accès à ces soins de santé, parce que pour le moment, le gouvernement ne les prend pas en charge."

© Pierre Fromentin (MSF)

Les ONG font le boulot

Les ONG viennent donc à la rescousse. Depuis lundi, Médecins sans Frontières s’est lancée dans une campagne de vaccination contre la diphtérie à destination de ces personnes venues d’ailleurs. Car dans les squats, ou au hub humanitaire à Bruxelles, les cas de diphtérie se multiplient. "Au niveau des chiffres des patients qui viennent chez nous, à la clinique à Pachéco, on est à plus de 100 cas probables de diphtérie cutanée", explique Jean-Paul Mangion, médecin coordinateur chez MSF.

Les cas confirmés en laboratoire sont au nombre d’une dizaine, mais il y a une sous-détection, explique le médecin. "Ce qui est un peu plus interpellant, c’est que les deux dernières semaines, il y a eu deux cas qui ont été hospitalisés, et là on parle de diphtérie plutôt ORL (avec des symptômes oreilles-nez-gorge), donc, de diphtérie laryngée, respiratoire. Ce sont des patients qui n’ont pas juste des petites plaies. Ils sont fort malades. Ils doivent être hospitalisés pour une prise en charge à l’hôpital", ajoute le médecin humanitaire.

L’accueil des patients par MSF, pour recevoir une injection de vaccin contre la diphtérie et le tétanos, dans le squat de la Rue des Palais à Bruxelles.
L’accueil des patients par MSF, pour recevoir une injection de vaccin contre la diphtérie et le tétanos, dans le squat de la Rue des Palais à Bruxelles. © Pierre Fromentin (MSF)

Diphtérie, tétanos, coqueluche + polio

Deux vaccins différents sont proposés par MSF aux migrants : l’un trivalent, le Boostrix, qui couvre le tétanos, la diphtérie et la coqueluche, et l’autre, contre la polio. "On a commencé par des vaccinations dans les hébergements pour les mineurs non accompagnés boulevard Général Jacques à Bruxelles, où 11 mineurs n’étaient pas vaccinés sur 45", détaille le Dr Mangion.

"Puis on est allés à l’hébergement de la plateforme citoyenne Van Belle, où on a vacciné une cinquantaine de personnes. Et puis, lundi et mardi, on était dans le squat rue des Palais à Bruxelles, où on a pu vacciner 250 personnes sur deux journées."

Le squat est connu pour accueillir 700 occupants. Cependant, la journée, beaucoup de ces migrants quittent les lieux et retournent y dormir le soir. "Il y a eu très peu de refus", ajoute Jean-Paul Mangion. "Après discussion avec toute personne qui se posait des questions, ils ont quasi tous accepté d’être vaccinés."

La vaccination se poursuivra ce jeudi au hub humanitaire à Tour et Taxis.

Vaccin trivalent tétanos-diphtérie-coqueluche
Vaccin trivalent tétanos-diphtérie-coqueluche © Pierre Fromentin (MSF)

Transmission par contact et par l’air

La diphtérie est provoquée par une bactérie qui se transmet à la fois par contact et de façon aérienne. C’est la transmission par contacts qui paraît la principale voie, dans le cas des migrants abrités dans les squats ou les hébergements temporaires.

"Ce sont des gens qui ont des plaies qui sont infectées. Vu les conditions dans lesquelles ils vivent, dans une absence totale d’hygiène, ils s’infectent aussi par contacts via les plaies, via les draps de lit, via les sacs de couchage etc.", décrit le coordinateur médical de MSF.

© Pierre Fromentin (MSF)

Il n’y a aucun danger pour la santé publique en Belgique, étant donné la couverture vaccinale, mais ce sont des soins de santé de base qui doivent être assurés, si pas par l’Etat, par des ONG.

La Croix-Rouge de Belgique vient également d’ouvrir ce mercredi une clinique mobile dans un conteneur rue des Palais à Schaerbeek, là où 700 demandeurs de protection internationale ont investi un ancien immeuble de bureau, à défaut de place dans le réseau d’accueil saturé. Deux médecins et un infirmier y seront présents du lundi au vendredi, et ce, jusqu’au 15 janvier.

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