Il en avait fait la promesse pendant sa campagne. Nous y sommes, plus d’un an après. Le président américain Joe Biden réunit virtuellement ces deux jours une centaine de pays pour un "sommet pour la démocratie". L’événement se veut selon la Maison Blanche révélateur du combat entre les démocraties et les régimes autocratiques, au cœur de la politique étrangère de Biden.
Seulement voilà, les intentions polarisantes de Washington et la liste des 111 pays invités suscitent la polémique. Exit la Chine, la Russie, la Turquie, l’Iran et la Hongrie – seul pays européen à avoir été exclu – en revanche le Brésil de Jaïr Bolsonaro et le Pakistan ont reçu leur carton, pour ne citer qu’eux.
Selon quels critères ces 'Happy Few' ont-ils été invités ? En tout cas, le groupe est hétérogène, selon Freedom house, parmi les pays invités, 77 sont ‘libres’, 31 ‘partiellement libres’, 3 ‘pas libres du tout’.
En réalité, cette liste reflète les intérêts stratégiques et économiques des Etats-Unis, face à la Chine et la Russie. "Ce sommet a une vocation intérieure et certainement pas universelle", analyse Jean-Jacques Kourliandsky, chercheur associé à l’Iris (Institut de relations internationales et stratégiques). "La démocratie est un argument en politique intérieure, pas en politique extérieure".
L’invitation à ce sommet est d’autant plus anachronique que le dernier rapport de Freedom House classe les Etats-Unis parmi les "démocraties en recul", depuis dix ans. En cause, notamment, des faits de corruption et de conflits d’intérêts, un manque de transparence au sein du gouvernement fédéral, des violences policières contre les manifestants qui plaident pour la justice raciale et des politiques d’asile et d’immigration particulièrement sévères. L’ère Trump n’a fait qu’accélérer la tendance.
Le département d’Etat américain a défini trois axes de discussion : la ‘défense contre l’autoritarisme’, la ‘lutte contre la corruption' et la ‘promotion des droits humains’. Chacun doit prononcer un bref discours, de manière unilatérale.
Nos démocraties libérales sont fragiles
Le Premier ministre Alexander De Croo a prononcé le sien. "C’est un discours particulièrement court qui ne permet pas de développements", note Benjamin Biard, politologue au CRISP (Centre de recherche et d’information sociopolitique), "mais un discours qui souligne d’une part que la transition démocratique n’est pas un processus facile et rapide. Ensuite, que nos démocraties sont fragiles, sans pour autant donner d’exemple".
Pas d’exemple de cette fragilité, mais on pense à la prise du capitole l’an dernier aux Etats-Unis, par des partisans du président Trump pour contester les résultats de l’élection présidentielle. L’événement reste traumatique pour beaucoup d’Américains, un symbole fort pour le monde entier.
Mais c’est surtout le constat, visible bien au-delà des États-Unis, que nos démocraties peinent à satisfaire l’ensemble des citoyens.
"Ce discours dénonce ceux qui veulent mettre en place des démocraties illibérales", analyse encore Benjamin Biard, "ceux qui remettent en cause le droit des minorités ou l’équilibre des pouvoirs. Alexander De Croo affirme un positionnement clair par rapport à d’autres leaders".