Ce mardi débute un sommet européen qui réunira les chefs d’Etat et de gouvernement jusqu’à vendredi. Au menu du sommet, les migrations, les liens avec la Russie, le plan de relance, mais aussi un sujet qui s’est invité en dernière minute : une loi hongroise discriminant les personnes LGBTQIA + Autant de dossiers évoqués avec la ministre des Affaires étrangères Sophie Wilmès (MR).
Encore une fois, ces événements soulèvent la question du respect de l’Etat de droit et la capacité de l’Union européenne à faire valoir sa voix. Si la présidente de la Commission européenne Ursula Von der Leyen a déjà condamné cette loi en la décrivant comme une "honte", toute la question est de savoir ce que l’Europe va pouvoir faire à l’égard de cette mesure.
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Si la ministre des Affaires étrangères Sophie Wilmès espère que cette loi va être discutée au sein du sommet, elle a rappelé qu’elle s’est déjà invitée au Conseil des affaires européennes ce mardi. Alors que l’article 7 (relatif au respect des droits de l’homme) a été évoqué pour la Hongrie et la Pologne, "on a rappelé à la Hongrie à quel point nous sommes en désaccord total avec cette loi qui a été votée".
La Belgique condamne la loi hongroise
Si la Belgique exprime haut et fort sa condamnation, il semblerait qu’au sein des pays de l’Union, cette position ne soit pas partagée par tous. En effet, l’adoption de cette législation controversée a conduit 17 pays européens à soutenir une déclaration pour appeler la Commission à réagir. Or, tous les autres pays ne semblent pas prêts à la soutenir.
S’agit-il d’un symptôme d’une Europe qui peine à faire valoir son point de vue ? Sophie Wilmès tempère : "D’une part, ce n’est pas parce que certains pays n’ont pas signé qu’ils ne sont pas d’accord avec son contenu. Du reste, au début, on comptait 13 signataires. Aujourd’hui, on en compte 17 et avec la présidence portugaise, en juillet, on arrivera à 18. Et je n’exclus pas que d’autres pays se joignent à nous. Pourtant, on est quand même toujours surpris de voir, lorsqu’on se prononce sur des valeurs qui devraient nous unir en tant qu’Européens, qu’on ne soit pas beaucoup plus nombreux à demander une action forte de la Commission européenne".
Le débat autour de la question menée mardi au conseil des Affaires européennes a été très intense, voire douloureux, par moments. "Parfois, ce que j’ai entendu me rendait presque malade", a-t-elle avoué. En revanche, elle s’est dite "soulagée" d’entendre la condamnation ferme de la présidente de la Commission Ursula Von der Leyen. "Cela m’a soulagée parce que ce sont les valeurs en lesquelles nous croyons et si vous fragilisez ce sur quoi on s’est construit, que va-t-on faire demain ?"
Pourtant, malgré les difficultés, l’heure n’est pas à la résignation. "Il y a de vraies difficultés à se rejoindre sur ces points-là. Mais je crois qu’il est fondamental de se respecter et de continuer à affirmer, avec respect, que cela ne va pas, tout en expliquant pourquoi. J’espère qu’on ne va pas simplement condamner, mais qu’on va réussir aussi à convaincre".
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Reste à voir, désormais, quelle est la marge de manœuvre de l’Europe "unie" vis-à-vis de la Hongrie. A ce propos, Sophie Wilmès a voulu rappeler que la Commission européenne est "gardienne des traités" et que son rôle est de vérifier que cette loi n’entre pas en confrontation avec les valeurs européennes. "Elle peut le faire de manières diverses, mais nous lui proposons d’aller à la cour de Justice européenne pour trancher ce litige. Et si elle devait ne pas le faire, il y a d’autres actions possibles"
Quelles sanctions à adopter vis-à-vis de la Hongrie ?
Parmi les autres options, la possibilité de sanctionner la Hongrie en matière d’aides économiques. Un enjeu capital, alors que les pays européens se penchent déjà sur la relance d’après-covid. "Il faut d’abord convaincre", a martelé Sophie Wilmès. "L’application de l’article 7 prévoit une procédure extrêmement lourde, qui rend l’aboutissement des sanctions trop difficile. C’est pour cela que l’on veut d’abord aller vers la cour de Justice pour avoir un jugement et puis des sanctions. N’oublions pas que l’objectif n’est pas celui de mettre la Hongrie sur le côté, mais d’aboutir à un changement de comportement et à un retour à nos valeurs fondamentales. Nous sommes une union et nous avons envie de continuer à le rester."
Cette semaine, la polémique autour de la loi hongroise a gagné même le terrain sportif, avec le refus de l’UEFA d’autoriser l’illumination du stade de Munich aux couleurs de l’arc-en-ciel à l’occasion du match de l’Euro Allemagne-Hongrie. L' "apolitisme" ainsi adopté par l’UEFA a été très décrié. A ce propos, pour Sophie Wilmès, "il faut que chacun et chacune puisse prendre à cœur cette histoire et pouvoir se positionner là-dessus. On a le devoir de laisser chacune et chacun exprimer son attachement à ces valeurs fondamentales de la manière qu’ils et elles le souhaitent. Quant à l’UEFA, j’aurais préféré qu’ils autorisent l’illumination du stade, mais ce n’est pas à moi de lui dire comment exprimer leur attachement à ces valeurs. Ils ont un règlement intérieur et ils ont pris une décision. Au-delà de la polémique, je souhaite saluer la mobilisation européenne au sein de l’Union, tant au niveau politique que des citoyens, parce qu’elle a été formidable."
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Or, ce dossier semble faire émerger des faiblesses déjà manifestes au sein de l’Union européenne, en matière d’application des sanctions. C’était il n’y a pas longtemps, lorsque la Biélorussie a dérouté un vol Ryanair afin d’arrêter un journaliste critique du pouvoir. Bien que des sanctions aient été prises, les décisions européennes se sont fait attendre.
L’ancienne Première ministre belge l’admet : "C’est vrai que l’Europe a parfois du mal à s’exprimer d’une même voix. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’on a des traités. Lorsqu’on ne s’entend pas sur certains sujets, il faut retourner à l’essentiel et voir ce autour de quoi on s’est réuni".
La coopération entre l’Europe et l’Onu
Dans l’agenda de la semaine figure également une rencontre entre le secrétaire général de l’Onu Antonio Guterres et plusieurs dirigeants et personnalités européens, dont notamment le roi Philippe et la reine Mathilde, le Premier ministre Alexander De Croo et la ministre des Affaires étrangères Sophie Wilmès. Lors d’un discours au Parlement européen ce jeudi, Antonio Guterres devrait souligner l’importance du partenariat entre l’Onu et l’Union européenne "pour relever les défis auxquels nous sommes collectivement confrontés".
Encore une fois, cette rencontre met sur la table le rôle de la coopération et du dialogue international, ainsi que les attentes de la Belgique dans le mode d’après-covid : "La Belgique est un petit pays, mais il met très haut dans l’agenda le respect des droits de l’homme. Au sein de l’Onu, on est dans une structure très large, qui compte 193 pays, dont certains ont un droit de véto. C’est l’endroit idéal pour trouver un consensus, même s’il s’agit d’une machine très large."