Disques vinyls, baxters, revêtement de sol : PVC n’est pas forcément synonyme de châssis à Jemeppe-sur-Sambre

Les visiteurs doivent porter des manches longues, un casque, des lunettes de protection et un gilet fluo. Ils n’ont le droit de descendre du bus spécial qu’à certains endroits bien précis de la chaîne de production. La mécanique est bien rodée.

Les visiteurs sont d’emblée impressionnés par le site. "Je ne m’attendais pas à ce que ce soit aussi immense", s’étonne une riveraine du site, rejointe dans sa surprise par d’autres passagers du bus.

Ce site a 126 ans. En entrant, on repère sur la gauche les bureaux de la direction qui datent de l’après-guerre. Un peu plus loin sur la droite, les plus vieux bâtiments du site construits au tout début du 20e siècle servent aujourd’hui de hangar. Une partie d’entre eux seront bientôt remplacés par des bâtiments tout neufs et accueilleront le département recherche de Dirk Dompas, qui doit s’attaquer à de grands défis environnementaux.

En plus de sa taille, le site est particulièrement bien situé : en bord de Sambre, près des voies de chemin de fer "et non loin des autoroutes", ajoute le directeur du site Philippe Taranti.

"Depuis l’an dernier, Jemeppe est devenue, avec sa capacité de 570.000 tonnes, le premier producteur de PVC en Europe. Et pour un site qui produit annuellement tous produits confondus, plus d’un million et demi de tonnes de produits, la logistique est très importante, enchaîne-t-il. On transporte plus de 70% de nos produits par la Sambre".

Notre regard est attiré par un tapis roulant couvert d’une grosse couche de poudre blanche. La poudre se déversant dans un bateau, prêt à partir pour Anvers, en contrebas. "C’est du sel", nous explique Philippe Taranti. En cherchant d’où vient ce sel, on tombe sur un gigantesque tas de sel dans l’entrepôt voisin. "Je ne m’attendais pas à un tas aussi énorme", s’exclame une visiteuse. "Et moi, je ne savais pas qu’il fallait du sel pour fabriquer du PVC", s’étonnent plusieurs voix.

On ne les voit pas, mais deux pipelines amènent, l’un de la saumure directement depuis des mines de sel d’Allemagne (270 kilomètres de long), l’autre de l’éthylène, directement depuis Anvers. "Celui-là traverse carrément la Belgique. Cela évite de fameux charrois routiers."

"La matière première, c’est du sel, puisqu’à partir du sel, nous produisons du chlore et l’autre partie, c’est de la pétrochimie, c’est de l’éthylène. Et depuis assez récemment, nous utilisons aussi de l’éthylène vert produit à partir de déchets de bois et de papier en Finlande et cet éthylène vert suit le même circuit que l’éthylène classique."

Le sel produit à partir de la saumure qui n’est pas utilisé sur le site lui-même repart vers Anvers en bateau.

Quant au PVC produit ici, il est emballé sous forme de poudre "et transformé par nos clients".

Dans une salle d’exposition, l’entreprise expose ce qui est produit à partir du PVC qui sort de l’usine de Jemeppe. On y découvre les bien connus châssis en PVC, des tuyaux, ainsi que des baxters, du papier peint, du vinyl (revêtement de sol), des vinyls (disques).

"On est assez fiers d’avoir réussi à mettre au point une nouvelle résine pour fabriquer des disques vinyls qui ont de nouveau beaucoup de succès depuis quelques années", se réjouit Dirk Dompas, le responsable du département recherche, qui donnerait un bon son. "On a créé aussi une résine utilisée pour l’intérieur des pales d’éoliennes, une mousse très légère qui devient très solide."

"Il y a trois grands défis :

- La neutralité carbone, donc trouver des technologies qui permettent de ne pas utiliser d’énergies fossiles ;

- On a lancé récemment un business hydrogène. On devra continuer à se développer ;

- Le recyclage du PVC, un grand défi mais on est convaincu qu’on va y arriver. Même si on recycle déjà à peu près 800 kilos-tonnes de PVC par voie mécanique en Europe, il y a encore à peu près le double pour lequel on doit trouver de technologies pour le recycler. On devra passer par une unité pilote et ensuite une unité de démonstration."

Pour Dirk Dompas, le fait que la Belgique recycle beaucoup pourrait être un argument pour que ces unités trouvent leur place sur le site de Jemeppe-sur-Sambre.

C’est ce que nous a confié en tout cas un ingénieur, employé d’Ineos Inovyn. "C’est valorisant de travailler sur un site performant qui se développe beaucoup", nous dit-il en montrant la nouvelle ligne de production installée l’an dernier. "Avoir la chance de travailler sur un site comme celui-ci, un site intégré, ça donne de la confiance en l’avenir. Le fait d’être intégré rend le site plus performant et résistant."

Une grande partie des employés du site vient "du grand Namur", nous a-t-on expliqué.

Parmi les visiteurs que nous avons rencontrés ce samedi, au moins trois étaient intéressés professionnellement par le site. "Je suis impressionnée par les efforts en termes d’environnement", a réagi l’une d’entre eux. "La cogénération, les hectares de panneaux photovoltaïques… En 2023, je trouve qu’on doit tous prendre notre part. J’ai trouvé à qui envoyer mon CV", conclut-elle avec un clin d’œil en fin de visite.

Et ça tombe bien l’entreprise cherche du personnel. "Avec et sans formation ! Ce n’est pas parce qu’on travaille dans la chimie qu’on ne cherche que des chimistes", insiste le directeur Philippe Taranti.

À bon entendeur…