Hainaut

"Dites, les propriétaires de kot, vous pensez qu’on a tous gagné à l’Euromillions ?"

Par Charlotte Legrand

C’est le coup de gueule d’une étudiante. Pour qui trouver un kot à un tarif raisonnable est synonyme de galère. Lucie cherche depuis 3 mois, sans succès ! Les tarifs proposés sont bien au-delà du budget auquel elle s’attendait. Gros plan sur des difficultés rencontrées par bon nombre d’étudiants, et leurs parents. Et conseils pour dénicher un logement abordable.

 

Le témoignage de Lucie

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À 21 ans, Lucie termine un Bac en haute école à Tournai. En septembre, elle entamera un master à Bruxelles. 50 minutes de trajet entre son domicile et l’école : cela justifie la location d’un kot, ont estimé ses parents. "Et donc je cherche plus ou moins depuis le mois de janvier. Je m’inscris énormément sur des groupes Facebook, où on propose des appartements, des kots, des chambres… Je regarde tout !" Et les prix font juste "halluciner" notre étudiante montoise. "C’est parfois exorbitant ! Avec mes parents, on s’attendait à… 400 euros de loyer ? Plus des charges de 100-150 euros : déjà un fameux budget ! Sauf que… Ce n’est pas encore suffisant. Pour une chambre, une salle de bains, on me réclame 650 euros. Sur une autre annonce, plus de 800 euros. Mais… On n’a pas tous gagné à l’Euromillions ! On n’a pas tous des parents qui ont fait fortune !". Lucie ne se décourage pas, "même si c’est très stressant". Elle avoue ressentir un peu de colère, face aux tarifs réclamés par certains propriétaires. "Evidemment entre guillemets, ils en profitent parce qu’ils savent que ça va être loué, ils savent qu’il y a de la demande. Mais on est é-tu-diants !".

© Lucie Fagniard

Un budget conséquent pour les familles

"Dans la mienne, j’ai de la chance : on m’a toujours dit que les études c’était une priorité, qu’on ferait ce qu’il faut", confie Lucie. Reste qu’il faut de solides finances pour assumer plusieurs kots, en plus des frais de minerval, alimentaires et autres. Nicolas, un habitant de Soignies, a 4 enfants, dont deux inscrits dans l’enseignement supérieur. "Nous avons des jumeaux qui ont commencé en supérieur en septembre dernier. L’un à Bruxelles, l’autre à Mons. Loger en kot n’était pas prévu cette première année. Mon fils sur Bruxelles commençant toutefois quasi tous les jours à l’ULB à 8 heures, il devait se réveiller à 5h30… Je vous passe les déboires de la ligne Mons - Bruxelles. Bref, depuis le 1er février, il a son kot". Il a trouvé très facilement : une chambre se libérait dans l’immeuble où loge un de ses amis. Coût du logement : près de 500 euros. Dès septembre, son deuxième fils ira koter aussi à Mons. "Malgré la possibilité qu’offre le train, les retards sont tellement fréquents qu’il loupe des tonnes de cours. Le dernier train est à 22h19. Impossible de faire un minimum la fête. Cela fait partie de la vie estudiantine aussi…" Le budget kot va donc quasiment doubler, en septembre. "On sait l’assumer. Mais comment font les familles peu aisées ?" se demande ce papa.

Les kots les moins chers

On trouve généralement les logements les plus abordables dans les résidences universitaires. Exemple, à l’UMons : 880 logements pour étudiants sont disponibles, répartis dans une dizaine de résidences. "Ces kots sont loués à des prix allant de 290 euros à 440 euros", précise Isabelle Brumagne, du service U-Help (service d’aide pour les étudiants). Attention toutefois aux délais pour s’inscrire et/ou bénéficier d’une priorité (pour les étudiants à faible budget). Pour poursuivre sur notre exemple montois, l’ouverture des inscriptions a eu lieu en février déjà. Des listes d’attente sont désormais de mise, pour les étudiants qui espèrent un logement en résidence universitaire. Notre famille sonégienne s’était renseignée aussi, du côté de l’ULB. Sans succès. "L’offre est très inférieure à la demande, malheureusement", explique Nicolas.

Et en dehors de ces logements en résidence ? A quoi s’attendre, côté tarifs ? "C’est très variable", constate Stéphanie Barbieux, chez Infor-Jeunes Mons. "Mais quand un étudiant vient nous dire qu’il a un budget de 300 euros, on doit bien lui avouer qu’il y a très peu d’offres à ce tarif-là. Beaucoup de propriétaires ont augmenté les charges aussi, en raison de la crise énergétique".

Des aides au logement disponibles ?

Il n’existe pas d’aide financière en tant que telle pour aider les étudiants à se loger. Néanmoins, une série de "coups de pouce" sont mis en place, à différents niveaux. Dans les services sociaux des universités et des hautes écoles, il sera parfois possible – si on entre dans les conditions – d’obtenir des réductions de loyer. "Chez nous, pour les étudiants éligibles, ce sera une réduction de 20% de loyer", précise Isabelle Brumagne. "Elle pourra être cumulée avec d’autres aides financières, ou une aide à la garantie locative". Cela peut sembler anecdotique dans un budget, mais cette "caution" à payer d’entrée de jeu au propriétaire est un véritable frein pour une partie des étudiants. Chez Infor-Jeunes, Stéphanie Barbieux conseille les prêts à 0% de la Région Wallonne. Logement étudiant : prêt à 0% pour financer la garantie locative – (mesetudes.be) "C’est facile de s’inscrire, on peut le faire en ligne. Une série de conditions doivent être remplies, un bail de minimum 10 mois par exemple. En 7 jours, le jeune obtient une réponse. Les CPAS peuvent aussi aider pour la garantie locative, ou les garanties bancaires".

Stéphanie Barbieux
Stéphanie Barbieux © CHarlotte Legrand

Attention aux abus

Le phénomène des marchands de sommeil existe aussi, sur le terrain des kots et studios. "On a des propriétaires qui choisissent de mettre des loyers exorbitants, sachant qu’ils vont quand même louer leur bien", admet Stéphanie Barbieux. Les plus susceptibles d’être victimes d’arnaques ? "Par exemple les étudiants qui ont besoin de se domicilier dans un kot. C’est quelque chose qui est assez peu permis par les propriétaires et ceux qui le permettent parfois en profitent pour augmenter le loyer. Cela concerne notamment des étudiants étrangers hors Union européenne qui ont besoin de se domicilier pour que leur séjour soit en ordre, ou les étudiants qui bénéficient d’un revenu intégration sociale du CPAS. Eux aussi ont besoin de se domicilier". Les témoignages de certains étudiants "mal logés", ou leurs photos, peuvent faire froid dans le dos. "Clairement il y a des marchands de sommeil ! Certains jeunes se retrouvent dans des logements insalubres, des châssis qui ne ferment pas, des chaudières en panne, des propriétaires complètement démissionnaires qui disent 'oui, je vais passer réparer ça' et puis ça traîne et l’étudiant passe parfois des mois sans, sans chauffage, sans eau chaude".

Des alternatives

Face au désarroi de certains jeunes, qui se trouvent dans des "voies sans issue", Stéphanie Barbieux propose des alternatives aux recherches de kot ou de studio "classiques". "Exemple : le logement intergénérationnel. C’est habiter chez un senior, ou dans une famille, et contre certains services (à hauteur de 5 à 6 heures semaine), bénéficier d’un loyer plus modéré. On est alors aux alentours de 200 €". Tout le monde n’adhère pas à la formule. Stéphanie sort alors la carte "colocation". " Finalement, être trois amis et louer un appartement de trois chambres peut revenir moins cher que de louer séparément chacun un kot, tout en bénéficiant d’un espace suffisamment grand. On voit vraiment un développement de la colocation. On a de plus en plus de demandes de colocation".

©Getty

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