Selon les chiffres du cabinet IHS Markit, 2000 milliards de dollars de dividendes pourraient être distribués aux actionnaires, dans le monde, en ce début 2022. Plus globalement, les marchés galopent de nouveau vers des records depuis quelques mois et semblent avoir déjà oublié la crise. Comme expliquer une telle santé ? Sont-ils déconnectés de l’économie réelle ? Déclic a voulu y voir clair.
L’insolente santé des bourses
Un petit dézoom sur les résultats des principaux indices boursiers permet directement de le mesurer : les marchés ont déjà tourné la page de la crise et volent aujourd’hui vers des niveaux bien plus élevés qu’avant le début de la pandémie de Covid. + 21% pour l’indice Eurostoxx 50 en 2021 et des performances du même tonneau pour le Dow-Jones aux Etats-Unis. Sur les 5 dernières années, l’indice vedette de la bourse de New-York a gagné 80%, dépassant les 36.000 points.
Les dividendes devraient eux aussi battre des records en ce début d’année. Selon une étude du cabinet IHS Markit, 2000 milliards de dollars pourraient être versés aux actionnaires, 18% de plus qu’en 2019, avant la crise.
Comment expliquer le décalage avec l’économie réelle ?
Pour l’économiste Etienne de Callataÿ, Chef économiste chez Orcadia Asset Management, cela témoigne d’une évolution du capitalisme financier. "Ces dernières années, on voit que règne parmi les dirigeants des états et des banques centrales l’idée qu’il faut maintenir " l’effet richesse ", il faut que les gens se sentent riche pour qu’ils aient confiance, qu’ils aient envie de consommer et qu’ils entreprennent. Avec l’idée qu’il faut soutenir la bourse pour ne pas qu’en chutant trop fort elle mine la confiance". On a donc vu les états intervenir pendant la crise pour soutenir et sauver des entreprises, on a vu aussi les Banque Centrale racheter des dettes, créer de la monnaie pour soutenir l’activité au travers des banques… Des éléments qui ont permis aux marchés de se redresser, de rapidement oublier la crise et repartir vers des sommets.
Une concentration qui permet des bénéfices très important
Etienne de Callataÿ pointe aussi une autre évolution de l’économie de marché : "dans certains secteurs vous n’avez plus qu’un ou deux acteurs qui dominent le marché et qui ont donc toute latitude pour fixer des prix et donc dégager des marges importantes". De quoi verser ensuite de copieux dividendes.
Une privatisation des bénéfices ?
Reste que ces dividendes records vont être versés au sortir d’une période ou l’économie a été soutenue à bout de bras par des états qui ont dépensé sans compté, et creusé les déficit des finances publiques. Une nationalisation des pertes avant la privatisation des bénéfices ? "Il y a effectivement aujourd’hui un problème d’asymétrie dans notre économie. Quand ça va bien c’est largement au bénéfice des actionnaires et quand ça va mal on fait appel à la collectivité… Certaines entreprises sont " too big too fail " trop grandes pour qu’on les laisse tomber. Mais alors le corolaire serait que, quand ça va bien, il y ait un partage de la bonne fortune avec la collectivité, en revoyant, par exemple, l’impôt des sociétés."
La flambée des inégalités
Et puis il y a aussi un débat plus fondamental. Cette politique de "surchauffe économique organisée", crée certes de l'activité, de l'emploi et des opportunités y compris pour les plus pauvre, les travailleurs moins qualifiés. Mais c'est au prix d'un enrichissement de plus en plus conséquent de ceux qui ont du capital, qui ont les moyens d'investir sur les marchés.
Une dynamique qui ne cesse, ces dernières années, de creuser les inégalités dans nos pays développés. La pandémie a même accéléré la dynamique, pour les super-riches. Selon OXFAM, la fortune des milliardaires dans le monde a plus augmenté en 19 mois de pandémie qu’au cours de la dernière décennie.