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DJ Pone : “PNL, je trouve ça exceptionnel, c’est hyper punk dans la façon de faire”

© Landry A

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Par Guillaume Scheunders

1978 a vu le monde dire adieu à Jacques Brel, danser sur Ça Plane pour moi de Plastic Bertrand, découvrir Dire Straits, Kate Bush ou Toto, mais a aussi vu naître, du côté de Meaux, un certain Thomas Parent, qui deviendra par la suite DJ Pone. À près de 45 ans, le fondateur de Birdy Nam Nam ayant accompagné sur scène ou sur disque les Svinkels, les Casseurs Flowters, Gringe, Suprême NTM, TTC ou la Scred Connexion, sort un album manifeste compilant le meilleur de lui-même, entouré autant de valeurs sûres (Oxmo Puccino, Jeanne Added, Disiz) que de la nouvelle garde (Blasé, Awir Leon…). Un disque pertinent faisant le pont entre moderne et classique, cachant entre autres des instrumentales typiques 2000, des sursauts pop ou des envolées électroniques. Pour l’occasion, on a eu l’occasion de discuter un bon moment avec lui pour évoquer cet album, sa carrière ou encore l’évolution du hip-hop.

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Hello DJ Pone ! 1978, c’est l’année de ta naissance. Dans la bio de l’album, rédigée par Frédéric Beigbeder, ce dernier en parle comme “l’album de ta vie”. C’est comme ça que tu le vois aussi ?

Elle est bien cette bio de Frédéric Beigbeder. Je suis super content qu’il ait accepté de la faire. Je pense que chaque projet que je fais, j’y mets tout mon cœur. Je ne sais pas si c’est le projet de ma vie, mais là j’arrive quand même à un passage. En avril, j’aurai quand même 45 ans, c’est un peu l’autre monde, même si j’ai encore plein de vitalité et que je rigole encore beaucoup. Mais je suis très content de ce disque parce que j’ai réussi à faire ce que je voulais, c’est-à-dire des chansons, plus de featurings… Je suis content d’avoir eu des newcomers comme des plus confirmés comme Oxmo Puccino ou Jeanne Added que j’admire énormément. Je voulais aussi faire un album plus solaire que Radiant qui était quand même un peu deep.

L’album est peut-être plus abordable pour le grand public que tes précédents projets ?

J’ai toujours l’impression que ma musique est abordable. Mais c’est sûr que quand je crée un morceau comme All I Want, je sais exactement ce que je fais dans le sens où je le calibre pour qu’il soit écoutable le plus facilement, avec une structure de morceau faite pour que ça rentre tout de suite. Je n’avais pas envie de faire un truc trop élitiste, sans prostituer ma musique non plus.

L’album représente aussi un peu ta vie en termes de genres représentés avec du hip-hop, de l’électro, de la pop, etc ?

J’ai tout mis dedans, tout ce qui me faisait kiffer. Je voulais qu’il y ait des chansons, du rap français, des instrus, de la matière électronique, du scratch, des trucs lents, des cordes, du violon… J’ai bossé avec un arrangeur pour ça. C’était difficile pour moi d’arriver à conjuguer tout ce qui me passe par la tête sans tomber dans le cliché du fourre-tout.

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Tu l’as construit comme un pont entre tout ce qui te caractérise, toutes tes influences ?

Oui, même s’il n’y a pas de hardcore et de guitares dedans (rires). Mais oui, c’est un album très inspiré, chaque morceau me fait penser à quelque chose que je connais.

Sur cet album, tu as fait appel à des noms bien implantés et d’autres plus émergents comme Blasé ou Mélissa Laveaux, comment se sont opérés ces choix ?

J’aime bien l’idée d’avoir des gens connus et en même temps des gens beaucoup moins connus, comme j’avais fait sur Radiant. Awir Leon par exemple, c’est une bonne surprise. Ils m’ont fait confiance, ils sont tous rentrés dans mon univers, ont pris les morceaux comme ils étaient et ensuite j’ai refait des arrangements et beaucoup travaillé les voix.

Autour de cet album, il y a une série d’interviews qui sont sorties où on te voit revenir sur ton parcours. C’est important pour toi cette transmission du vécu, de ton expérience, aux plus jeunes générations ?

Oui, parce que je m’aperçois qu’aujourd’hui il y a toute une génération qui a la vingtaine et qui ne sait pas qui je suis. Et c’est tout à fait normal. J’ai envie d’aller chercher des plus jeunes avec mon disque, ce pour quoi je fais des petites piqûres de rappel, même si ici ce n’est pas un reportage à la Orelsan. Je trouvais que c’était bien de resituer certaines choses. Même dans mon label, je pense qu’il y a des gens qui découvraient que j’avais été DJ pour untel ou untel.

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À ce stade de ta carrière, c’est quoi qui te fait le plus vibrer ?

Là, c’est quand même bien le rap. Même si ça commence à m’épuiser. J’ai l’impression que tout se ressemble. Mais je me retrouve pas mal dans la drill, je m’oriente beaucoup vers l’Angleterre dans les voix et la façon de rapper. Et pas mal de trucs afro aussi. Mais je suis un peu en transition, quand je mixe j’essaye d’aller chercher d’autres trucs.

On t’a beaucoup connu comme sampler, comme digger. C’est quelque chose que tu continues à faire ?

Acheter des vinyles, non. Sur l’album, il y a quelques samples que j’ai pris en achetant des morceaux sur internet. Ça a tellement été un calvaire pour moi les vinyles, pour les déménagements, etc. Là, j’ai envie de recommencer à faire de la musique, repréparer un album et j’ai envie de sampler à mort. Maintenant, il y a des sites où tu t’abonnes et où tu peux avoir des morceaux de tous styles de musique, des trucs chanmés et c’est infini et libre de droit. Donc oui je pense je vais faire un truc bien samplé.

1978, ça évoque aussi les débuts du hip-hop. Toi qui as évolué en même temps que le genre, quel constat tires-tu de cette évolution ?

C’est une culture très jeune. Aujourd’hui, c’est complètement normal qu’il y ait des concerts de rap partout. Avant, il y avait des types dans les villes qui n’en voulaient pas car ils savaient qu’il allait y avoir des caïras et que ça allait partir dans tous les sens. Ce qui n’était pas faux. Vu qu’il n’y avait pas beaucoup de shows, tout le monde s’y retrouvait, des types de différents quartiers, parce que le hip-hop était un truc de quartier, c’était la seule culture qui parlait des mecs d’en bas. Et souvent, ça se passait mal, donc les types des mairies ou des salles avaient peur et essayaient de bloquer le truc. Donc je suis ravi de voir que le rap a émergé à un niveau mondial tellement abusé où maintenant tu as l’impression que tout le monde en écoute. Alors que plus personne n’écoute du rock. Regarde Orelsan, le type est au niveau de Johnny Hallyday. Et pareil dans le graffiti, des types comme Mode 2 exposent aujourd’hui dans des galeries ou sur des toiles de fou. Et puis il y a toujours ce truc de débrouillardise où ce sont des mecs qui montent des empires tout seuls, avec un instinct de survie qui fait que tout devient plus simple. Un groupe comme PNL, je trouve ça exceptionnel, c’est hyper punk dans la façon de faire, un peu à la Bérurier Noir, complètement dans l’indépendance. C’est une culture qui a été rachetée forcément, mais qui s’en est sortie un peu toute seule. Et ce que je trouve aussi intéressant, c’est que ça a débordé sur tout le monde, ce n’est plus un truc de mecs ou de meufs de quartier, tout le monde peut y trouver son compte. C’est ça la force d’une culture, pas d’être dans une niche.

J’ai grandi dans les années 2000 quand les Neptunes sont arrivés et c’était la révolution, maintenant c’est ultra old school. Et ce sera pareil pour Metro Boomin, ce sera un vieux producteur comme DJ Premier dans dix ans.

La série “Le Monde de Demain” diffusée il y a peu sur Arte rend bien hommage à cette époque. Ayant tourné avec NTM lors de leur dernière tournée, j’imagine que c’est une série qui a dû te plaire ?

Cette série est vraiment ouf. J’ai tout regardé d’un coup. Tous les mecs dont ils parlent ont été hyper importants. On ressent toujours cet instinct de survie qu’il y a dans le rap. Il y a plein de groupes qui font tout tout seuls. Aujourd’hui, avec un ordinateur, un soundcloud et des bonnes oreilles, ton morceau il sort. C’est ça que j’admire, il y a toujours de la débrouillardise. Et une culture de la gagne aussi. Ce truc de “on vient d’en bas et on va taper très fort”. Il y a cet esprit de compétition qui tire cette culture vers le haut.

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