Il y a 30 ans de cela, André Bonzel faisait en compagnie de Rémy Belvaux et Benoît Poelvoorde un coup d'éclat — le fameux "C'est arrivé près de chez vous", dont le pouvoir corrosif ne s'est pas érodé au fil des années. Depuis, le réalisateur n'a guère été présent sur les écrans de cinéma, faisant le plus souvent office de directeur de la photographie : les projets se mettent en place et puis s'effilent sans se concrétiser, les espoirs prennent de l'ampleur avant d'être déçus.
Cette longue traversée du désert est un des sujets de "Et j'aime à la fureur", un documentaire autobiographique réalisé par ses soins. Pour son deuxième long-métrage en tant que réalisateur, le cinéaste a en effet choisi de s'attarder sur sa vie, ses amis, ses amours, ses emmerdes, avec un lyrisme appréciable, et une franchise saisissante. Puisant les images de son film dans les bobines qu'il collectionne depuis des années, Bonzel nous raconte avec un certain goût du romanesque et de la confession ce qu’a a été son existence jusqu'à maintenant. Au travers de cette rétrospective, il est évidemment question de ses galères — son père, ses peines, ses défaites professionnelles —, mais le réalisateur se penche aussi bien volontiers sur son riche historique sexuel. À l'excès ? Peut-être. L'affection des spectatrices et spectateurs pour le film dépendra beaucoup de leur regard sur les vignettes lubriques qui rythment le long-métrage, prétextes aux images coquines de jeunes femmes dénudées, glanées de-ci de-là.
Il est tentant de comparer "Et j'aime à la fureur" à de récents documentaires comme "Carré 35" et "Quand j'étais dictateur", qui ont eux aussi recours à des vidéos amatrices pour raconter une histoire personnelle, mais recenser les parallèles ne serait pas faire justice au film, qui suit indéniablement sa propre route, c'est-à-dire celle de son auteur. Se livrant tout entier, André Bonzel fait du récit de sa vie un roman — quitte à distiller un peu de fiction dans sa vérité, pour mieux sublimer sa généalogie. Au milieu d'anecdotes et de souvenirs émus de sa jeunesse, il prête à ces ancêtres de truculentes biographies.
À force d'allers-retours entre différentes époques et d'inventions en tout genre, la confusion guette, d'autant plus que toutes les séquences du film ne présentent pas le même intérêt. Il est néanmoins assez plaisant d'avoir le cinéaste comme narrateur. Guide volubile dans le labyrinthe de son existence, il est épaulé dans sa tâche par Benjamin Biolay. L'univers mélodique et lyrique du chanteur français colle plutôt bien à la nostalgie poétique de Bonzel, et ses compositions (originales, le musicien ayant même produit un album des morceaux enregistrés pour le film) donnent une saveur supplémentaire à ce documentaire autobiographique, singulier et ludique.
"Et j'aime à la fureur" est à découvrir au cinéma à partir du 13 juillet.