Donner un nom aux canicules et inondations, une perte de temps ou une manière de mieux les garder en mémoire ?

Glissement de terrain en Allemagne suite aux inondations de juillet

© Belga IMage

Katrina, Irma, Grace… Il est fort probable que ces noms vous évoquent le souvenir d’un ouragan. Et pour cause, les cyclones tropicaux sont traditionnellement surnommés avant leur passage, ce qui facilite leur identification auprès des populations.

Cette technique n’est pas vraiment d’application concernant les autres phénomènes météo… à moins que la Grèce ne soit suivie par d’autres pays. D’après le Guardian, les scientifiques grecs songeraient en effet à nommer les vagues de chaleur qui frappent le pays. Mais dans quel but ? Et est-ce bien utile ?


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Cet été, la Grèce a dû faire face à des épisodes de canicule extrême. Cette "longue et historique" vague de chaleur a fait grimper les températures jusqu’à 46 degrés et a provoqué plus de 580 incendies à travers le pays. Entre le 29 juillet et le 12 août, 100.000 hectares de terres sont partis en fumée.

Selon le directeur de recherche à l’Obervatoire national d’Athènes, Kostas Lagouvardos, que l’on peut lire dans le Guardian, "cet été très chaud nous a donné un instantané d’un climat futur dans 20 ou 30 ans, lorsque nous aurons probablement de très longues périodes de températures très élevées."

A ses yeux, il devient donc essentiel de conscientiser autorités et citoyens. Comment ? En surnommant ces vagues de chaleur, comme nous le faisons déjà pour les tempêtes. "Nous pensons que les gens seront mieux préparés à faire face à un événement météorologique à venir si cet événement a un nom." Mais est-ce vraiment pertinent dans le cas de fortes chaleurs ?

Faciliter le message

Il faut tout d’abord comprendre pourquoi nous nommons les tempêtes. D’après l’Organisation météorologique mondiale, cela servirait à "faciliter leur identification rapide dans les messages d’alerte, les noms étant censés être beaucoup plus faciles à retenir que les chiffres et les termes techniques."

Par ailleurs, "nombreux sont ceux qui s’accordent à dire que le fait d’attribuer un nom aux tempêtes permet aux médias de rendre compte plus facilement des cyclones tropicaux, d’accroître l’intérêt pour les alertes ainsi que de renforcer la préparation des communautés."

D’un point de vue communicationnel, cela fait donc sens. "Le nom peut rendre l’événement plus facile à traiter par les médias, dans le cadre d’une communication de crise. Ce phénomène de naming est très important", réagit Andrea Catellani, professeur à l’Ecole de communication de l’UCLouvain.

Est-ce transposable à tous les phénomènes ?

D’un point de climatologue, par contre, l’intérêt semble moins présent. En effet, le nom d’une tempête est donné préalablement, à l’approche du phénomène. Et non a posteriori.

"Le but principal que l’on poursuit pour les cyclones tropicaux, c’est de donner un nom à une menace qui va arriver et qui se déplace dans l’espace. On sait qu’elle va faire autant de kilomètres tel jour, qu’elle va arriver à tel endroit, etc.", explique Jean-Pascal van Ypersele, professeur de climatologie à l’UCLouvain.

Pour nommer ces cyclones tropicaux, "il y a donc des critères clairs définis par l’Organisation météorologique mondiale et qui sont basés sur l’intensité, l’ampleur, etc. Ce sont des choses quantifiables."


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Or, les tempêtes tropicales sont davantage prévisibles que les vagues de chaleur. "Les vagues de chaleur sont moins localisées dans l’espace et la prédiction est un peu plus floue dans le temps", ajoute Jean-Pascal van Ypersele.

Quant aux inondations, c’est encore plus compliqué de les anticiper de façon précise. "Les vagues de chaleur affectent des régions entières et tous ceux qui se trouvent dans cette région sont soumis à cette vague de chaleur. Au niveau des inondations, ce n’est pas uniquement un phénomène météorologique ou climatique. Ça dépend aussi de la manière dont le territoire est aménagé, ça dépend de la proximité des rivières, de l’imperméabilisation des sols, de la manière dont les cultures sont menées, etc."

Dans le cas des inondations, il y a donc de nombreux autres facteurs que l’intensité des pluies. Par ailleurs, "l’intensité peut fortement varier d’un endroit à l’autre."

"Mieux comprendre les alertes"

Par ailleurs, comme le rappelle Jean-Pascal van Ypersele, nous avons déjà des "noms" pour différents événements météorologiques. "Après tout, nous avons déjà des labels sur un certain nombre de phénomènes : les alertes jaunes, rouges, etc. Mais est-ce que tout le monde comprend bien ce que cela signifie ? Est-ce que tout le monde comprend bien le niveau de risque associé à alertes ? Est-ce que donner un nom améliorerait la compréhension de ce que signifient les alertes en question ?"

Il faudrait accroître la pédagogie et la compréhension des phénomènes extrêmes

"Plutôt que de passer du temps – voire perdre du temps – en donnant des noms à des phénomènes, je pense qu’il faudrait accroître la pédagogie et la compréhension des phénomènes extrêmes.Nous gagnerions donc à mieux comprendre ces signaux que nous connaissons déjà.

"On gagnerait plus en diminution des dégâts et des dommages en travaillant sur ce plan-là qu’en donnant des noms à des phénomènes", conclut le professeur.


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Faut-il nommer les catastrophes naturelles ? La question n’est pas tranchée. Si la pratique perd de son sens dans le cas des canicules et inondations, elle n’en demeure pas moins plus intelligible par tous. Reste à voir si elle finira par être appliquée par la Grèce.

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JT 06/08/2021

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