Football

Dossier Edmilson : le Standard fixé ce vendredi sur d’éventuelles poursuites judiciaires

© Bruno Venanzi et le Standard ont rendez-vous avec la justice ce vendredi

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Par Thierry Luthers

Le Standard vit des heures difficiles. Sportivement, financièrement et bientôt judiciairement. Sportivement, la qualification en coupe de Belgique n’a pas été glorieuse. Le succès étriqué et laborieux en terre mouscronnoise a prouvé que le nouveau coach Luka Elsner a encore beaucoup de travail. Financièrement, les temps sont durs. Le COVID et une gestion parfois hasardeuse ont fait leur œuvre. La situation serait devenue très difficile en bord de Meuse. Même s’il se chuchote en coulisses que le club serait sur le point de conclure un accord avec un nouveau partenaire, un fonds d’investissement étranger, nous dit-on. Un dossier que le Président Venanzi gère dans la plus grande discrétion. Enfin, judiciairement, des sombres nuages arrivent.

 

Chambre du Conseil à Hasselt

Bruno Venanzi, comme personne physique, et le club du Standard, personne morale, ont été inculpés dans le dossier du transfert d’Edmilson Junior vers le club qatari d’Al Duhail, en 2018. Le club de Saint-Trond a porté plainte au pénal à Hasselt, contre le Standard et son président, ainsi qu’auprès de la FIFA, de l’UEFA et de l’Union belge de football.

Le procureur du Roi limbourgeois, en charge du dossier, demande leur renvoi en correctionnelle du chef de " faux en écriture et usage de faux ". Ce vendredi, à 9h, la chambre du Conseil de Hasselt a trois possibilités :

1.Suivre le réquisitoire du Parquet et renvoyer les inculpés devant le tribunal correctionnel.

2. Décider d’un non-lieu (pas de poursuite, les charges retenues n’étant pas suffisantes).

3.Reporter sa décision si l’avocate du club du Standard et de son président, Me Sandra Berbuto, demande des devoirs d’enquête complémentaires, ce qui aurait déjà été formulé auparavant selon nos informations.

Dans la première hypothèse, Bruno Venanzi passerait donc du statut d’inculpé à celui de prévenu, pour utiliser les termes judiciaires précis. En correctionnelle, le président liégeois risquerait des amendes (de 26 à 3000 euros multipliés par les décimes additionnels) et une peine de prison (sans doute avec sursis) d’un mois à 5 ans. Le club, quant à lui, pourrait écoper d’une amende très salée.

Rappel des faits

A l’été 2018, Edmilson junior, 23 ans, va être transféré du Standard de Liège vers le club qatari d’Al Duhai Sports club. Le Belgo-Brésilien sort de play-offs fracassants, sous la baguette du coach portugais Ricardo Sa Pinto, et il est au " top " de sa forme. Formé à Sclessin, le fils de l’ancien joueur Edmilson (Seraing puis Standard) a été acheté à Saint-Trond, en 2015, pour 1,2 million. Le club trudonnaire a négocié alors un bonus de 40% sur la plus-value réalisée lors de la revente du joueur dans un autre club. C’est un grand classique du genre entre les clubs en vue des périodes de " mercato ". Mais les deux clubs ne s’entendent pas à l’époque. Ils sont en litige sur d’autres dossiers et le Standard décide de vendre son joueur vedette pour 2 millions seulement au club qatari. Soit un montant largement en dessous du prix du marché pour un jeune attaquant de cette valeur. Diminuant ainsi sérieusement la part du gâteau qui revient aux Limbourgeois dans la revente du joueur.

Convention de transfert

En réalité, deux conventions sont signées en juillet 2018. Et c’est là tout le nœud de cette histoire. Il y a d’abord un accord classique de convention de transfert entre les deux clubs pour le transfert de Junior Edmilson Paulo da Silva (c’est son nom exact) le 24 juillet 2018, pour une somme de deux millions d’euros. La somme doit être payée au plus tard le 10 août sur le compte du club liégeois à la BNP Paribas Fortis.

Cette convention de transfert (en réalité un "transfer agreement " car le document est rédigé en anglais) est signée par le deux parties avec Olivier Renard, directeur du recrutement du Standard et le club qatari représenté par son secrétaire général Adnan Mohamed Al-Ali. Deux choses curieuses à relever : c’est finalement Bruno Venanzi, en sa qualité de président, qui signe pour le Standard et, à côté des signatures, il n’y a pas de date précise, simplement juillet 2018…

Convention de partenariat bidon ?

En réalité, ce contrat ne pouvait être signé qu’à la condition expresse qu’un autre montant soit préalablement payé. Ce montant, c’est celui de l’autre convention, une convention de partenariat entre le Standard et Al Duhai qui prend effet au plus tard le 23 juillet, soir exactement… un jour avant le dernier délai de paiement du transfert ! Il s’agit ici d’une somme de 3,2 millions qui doit être versée sur le même compte bancaire. Dans cette étonnante convention de partenariat, le club qatari et le club liégeois déclarent organiser une coopération pour le futur afin que le club du Golfe puisse " bénéficier de l’expertise mondiale du Standard dans sa formation de jeunes joueurs et les performances de son équipe première" (sic). En échange, le Standard s’engage à promouvoir l’image du club d’Al Duhail, en prenant part à un stage de préparation à Doha, la capitale du Qatar. Ce stage de 10 jours pour 50 personnes, prévu en janvier 2019, sera entièrement financé par le club qatari (avion avec vol direct depuis Bruxelles, hôtel 5 étoiles, nourriture, boissons, terrains d’entraînement, matériel,…). Mais le Standard ne participera finalement jamais à ce stage. Cette seconde convention a toutes les allures d’une fausse convention. Elle finira par arriver dans les bureaux de Saint-Trond qui comprend, très vite, la manœuvre, à ses yeux, frauduleuse. Voyant le Standard vendre Edmilson junior pour 2 millions… tout en recevant 5.2 millions du club qatari, Saint-Trond se serait senti " arnaqué " par le club de Sclessin. Le club trudonnaire n’a donc reçu finalement que 320.000 euros (soit 40% de 800.000 euros, la plus-value " officielle " du transfert, Edmilson Junior ayant été acheté 1,2 million avant d’être revendu pour 2 millions). Cette somme est loin de celle de 1,6 million auquel le club trudonnaire semblait en droit de prétendre (la plus-value réelle sur un transfert à 5,2 millions). C’est ce manque à gagner de 1,280 million qui a motivé la plainte du STVV, en regard de conventions que le parquet estime, de son côté, être bel et bien des faux en écriture.

On verra ce vendredi, ce qu’en pense la Chambre du Conseil de Hasselt. Quelle que soit sa décision, ce n’est pas un jugement définitif qui est attendu, le Standard et son président Bruno Venanzi bénéficiant toujours de la présomption d’innocence.

Quant aux instances disciplinaires du foot, nationale ou internationale, elles attendront sans doute l’épilogue judiciaire de ce dossier avant de décider d’éventuelles sanctions.

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