Double Shot : I Put a Spell on You

A l’origine Hawkins, qui avait été boxeur et membre de Tiny Grimes and His Rocking Highlanders, avait l’intention d’interpréter une belle chanson d’amour raffinée, une ballade blues classique mais l’Histoire du Rock en décida autrement. Voici ce qu’en a dit l’interprète : ''Le producteur Arnold Maxin avait ramené des ribs et du poulet et a saoulé tout le monde. Ce qui nous amena à faire cette version bizarre. Je ne me souviens même plus l’avoir enregistrée. Avant ce disque, j’étais un chanteur de blues tout ce qu’il y a de plus normal, j’étais simplement Jay Hawkins. Mais après, tout est devenu évident et s’est mis en place. Je me suis rendu compte que j’étais plus fort en détruisant une chanson et en la hurlant à mort qu’en l’interprétant normalement.''

Une première version avait été enregistrée comme une ballade classique en 1955 pour Grand Records mais n’avait jamais vu le jour à l’époque. L’année suivante, Hawkins la réenregistra pour Okeh Records (Columbia) dans sa version hurlée qui sortit fin 1956. Cette version fut d’ailleurs bannie par la majorité des programmateurs pour son style outrageusement cannibale. Une version modifiée, sans les grognements et gémissements de la fin de la chanson, fut sortie mais cela ne fit pas changer d’avis les programmateurs. L’interdiction de passage fut maintenue… Mais malgré ce bannissement le disque se vendit à plus d’un million d’exemplaires.

Le morceau fit se rencontrer Hawkins et le DJ Alan Freed qui l’incorpora à sa ''Rock And Roll Revue'' en lui suggérant d’en remettre encore une couche en misant sur le côté démentiel de la chanson. Hawkins se mit à porter une grande cape, à faire son apparition en sortant d’un cercueil entouré de brouillard, à porter de petites défenses dans le nez et à utiliser des serpents et des feux d’artifice ainsi qu’un crâne (nommé Henry) qui fumait une cigarette, transformant ainsi Hawkins en version afro-américaine de Vincent Price.
 

Cette prestation très théâtrale en fit une des premières de ce qu’on appela le ''shock rock'', illustré par des groupes comme Screaming Lord Sutch, The Move, Arthur Brown, Alice Cooper…

The Plasmatics, GWAR, Marilyn Manson et bien d’autres…

''I Put a Spell on You'' a été souvent repris par des artistes de tous horizons, il y a des centaines de versions différentes. Retenons-en quelques-unes qui sortent du lot mais n’essayent en général pas d’atteindre la folie d’Hawkins, comme celles de Nina Simone sortie en 65 (et ressortie en 69), celle de l’Alan Price Set en 66, celle du Creedence Clearwater sortie en 68 et jouée à Woodstock en 69…

De Bryan Ferry en 93, de Sonique en 98 (ressortie en 2000), ainsi que celles de Them, des Animals, de The Crazy World of Arthur Brown, de Fever Tree, d’Audience…

De Dee Dee, de Tim Curry, de Leslie West, de Diamanda Galas, de Marilyn Manson…

De Bonnie Tyler, de Manfred Mann, de Jeff Beck avec Joss Stone, d’Annie Lennox…

De Bette Midler, de Nick Cave and the Bad Seeds, de Tab Benoit, de Chaka Khan, de Bill Wyman’s Rhythm Kings…

Ou encore d’un collectif réuni pour récolter des fonds pour subvenir aux besoins des victimes du désastre naturel à Haïti qui comprenait Nick Cave, Chrissie Hynde, Shane Mc Gowan, Johnny Depp, Bobby Gillespie, Mick Jones, Glen Matlock, Paloma Faith et Eliza Doolittle.

Notons aussi l’interprétation un peu folle de la norvégienne Angelina Jordan, âgée de 9 ans, dont la vidéo de son compatriote Per Heimly, fit le tour du monde en août de cette année.