La réforme du régime fiscal des droits d’auteur est à nouveau aujourd’hui sur la table du gouvernement fédéral. Cette réforme a suscité les inquiétudes du monde de la tech et du numérique. Mais leur intense lobbying s’est heurté à la réalité politique de la vivaldi. C’est sans doute la fin de la ruée vers l’art.
Le code et l’art
Un codeur est-il un artiste ? Un programmeur est-il un auteur ? Une ligne de code est-elle comme un tableau, une partition, une pièce de théâtre ? Est-ce qu’un développeur doit bénéficier du même régime fiscal favorable qu’un danseur ? C’est à ces questions épineuses qu’est confronté le gouvernement fédéral. Car si les droits d’auteur bénéficient d’un régime fiscal très favorable avec un précompte de 15%, c’est parce que l’Etat souhaite favoriser la création et selon la loi les "œuvres littéraires et artistiques".
Or définir l’art c’est très compliqué. 2600 ans de discussion philosophique n’ont pas suffi. Classiquement on oppose l’art à la technique. La technique est reproductible et vise une utilité fonctionnelle (une machine à laver). L’art vise la contemplation, l’œuvre vaut pour elle-même, elle ne sert qu’à elle-même (un tableau de Vélasquez). Mais cette définition ne cesse d’être dépassée par l’art. Puisque par exemple il y a des objets usuels, des cafetières dessinées par de grands artistes, qui sont aussi des œuvres d’art.
La loi et l’art
La législation des droits d’auteur est plus terre à terre. Résultat, de plus en plus de “créateurs d’œuvres” sont entrés dans le régime fiscal des droits d’auteur : les journalistes indépendants, les architectes, les informaticiens. Ces dernières années on assiste à une inflation de créateurs en Belgique. Depuis l’entrée en vigueur de la nouvelle loi en 2014, l’Echo avait rapporté que les bénéficiaires avaient augmenté de 150%. Quant aux montants déclarés ils ont explosé eux de 270%. Bref une vraie ruée vers l’art.
Le ministre des finances, Vincent Van Peteghem du CD&V, considère qu’une partie de la ruée vers l’art est d’abord une ruée vers l’or, une ruée fiscale qui n’est pas justifiée par la protection des œuvres littéraires et artistiques. Il a proposé d’instaurer des plafonds et de limiter le périmètre de la niche. Mais donc puisque définir l’art est ontologiquement impossible, il a rajouté dans la loi que les œuvres devront être destinée à “une communication au public, ou de son exécution ou de sa représentation publique ". Les créateurs de jeux vidéo pourront s’y retrouver, beaucoup moins les concepteurs d’un logiciel de gestion ni un architecte.
Déception de la tech
Les patrons de la tech belges risque fort d'être déçus. Depuis l’annonce de cette mesure ils militent pour continuer à profiter du système faisant valoir que leurs informaticiens perdront entre 200 et 600 euros net par mois.
Mais leurs demandes risque de se heurter à un double problème. Premièrement, l’accord a été négocié dans un conclave budgétaire fait d’un savant équilibre. Une rénégociation du texte risque de rouvir la boîte de pandore politique. Le MR tente de modifier le texte. Sans succès jusqu'à présent.
Deuxième problème pour l’IT et le numérique, leurs très bons chiffres, leurs trop bons chiffres. Durant le Covid ce secteur a bénéficié à plein de la demande croissance en service numérique. Pourtant il a bénéficié comme les autres des mesures corona alors qu’il a pu fonctionner presque normalement grâce au télétravail. Ajoutez à cela que c’est un secteur très peu impacté par la crise de l’énergie ou par les risques géopolitiques. Bref, même si personne n’ose le dire comme ça au gouvernement, le secteur n’avait pas besoin de cette niche fiscale. Bien sûr ce n’est pas l’avis des acteurs du numérique qui justifient le recours aux droits d’auteur par la difficulté d’attirer les talents et l’absence de brevet logiciel comme aux Etats-Unis. Comme le disait Didier Reynders, dans chaque niche, il y a un chien.