Cyclisme

Du judo au vélo, il n’y a qu’un... O-Goshi qu’Yves Lampaert a franchi: "Casse et Nikiforov méritent plus de respect!"

Avant de fêter des succès sur son vélo, Yves Lampaert, bien encadré par son entraîneur de l'époque Geert Bossu, a décroché quelques jolis trophées en kimono!

© BELGA / RTBF

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Par Samuël Grulois

Remco Evenepoel a été un excellent footballeur. Victor Campenaerts a été un excellent nageur. Primoz Roglic a été un excellent sauteur à ski. Julian Alaphilippe a été un excellent… joueur de batterie. Et puis, il y a Yves Lampaert, champion de Belgique en ligne en 2018, double champion de Belgique du contre-la-montre en 2017 et en 2021 et, peu de gens le savent, champion de Belgique de… judo au début du siècle ! " J’avais 13 ou 14 ans, c’était donc en 2004 ou en 2005, je ne me rappelle plus vraiment, s’excuse le Flandrien occidental. En revanche, je me souviens très bien de la catégorie : les cadets moins de 42 kilos ! " Avant de fêter des victoires sur son vélo, Lampaert a décroché pas mal de médailles en kimono.

Le petit Yves a découvert les tatamis en 1997. À l’époque, le dessin animé japonais à succès " Judo Boy " n’était déjà plus diffusé chez nous. Mais le judo était un sport à la mode en Belgique, superbement mis en vitrine par une incroyable génération dorée. Cette année-là, lors des Championnats d’Europe organisés à Ostende, les Belges sont véritablement devenus prophètes en leur pays en décrochant neuf médailles grâce à Gella Vandecaveye, Ulla Werbrouck, Marisabelle Lomba, Inge Clement, Brigitte Olivier, Johan Laats, Daan De Cooman et Harry Van Barneveld (dans deux catégories différentes) ! De quoi attirer un paquet de gamins dans les dojos.

C’est ainsi qu’Yves Lampaert s’est affilié au Judoclub Kawaishi Ingelmunster, un tout bon club de la région de Courtrai. Entraîné par Geert Bossu, il a rapidement pris goût à ce sport de combat. " J’avais une bonne technique et ça m’a permis de faire quelques résultats chez les jeunes ! " Et parmi ces résultats donc, plusieurs médailles lors des Championnats de Belgique cadets, espoirs et juniors, avec ce titre national en apothéose.

Mais voilà, accaparés par leur dur labeur d’agriculteurs, son père et sa mère éprouvaient de plus en plus de difficultés à l’emmener aux entraînements et aux compétitions. Alors l’ado a changé de discipline, optant d’abord pour le duathlon, puis uniquement pour le cyclisme. " Je débutais mes sorties d’entraînement chez moi et je les terminais… chez moi. Mes parents ne devaient plus gérer les transports ! " Du judo au vélo, il n’y a qu’un O-Goshi qu’Yves Lampaert a franchi. Sans regret. Même s’il garde encore aujourd’hui une réelle affection pour cet art martial qui a marqué sa vie.

Yves, que vous a apporté le judo dans votre pratique du vélo ?

" Ce que j’ai surtout gardé de mes années de judo, c’est la discipline. Le judo est un sport vraiment difficile ! Les entraînements sur le tatami sont beaucoup plus durs que les entraînements sur le vélo. Pour les compétitions, c’est différent. Chez les jeunes, je faisais quatre ou cinq combats de trois minutes chacun alors qu’une course cycliste prend plusieurs heures. Et puis, le judo m’a forgé un gros mental. Quand tu entames un combat et que tu saisis pour la première fois le judogi de ton adversaire, tu sens directement s’il est costaud ou pas. S’il a beaucoup de force, alors tu prends un coup au moral ! Dans une course cycliste, c’est totalement autre chose. En général, le favori est invisible pendant un long moment, bien caché dans les roues, sans travailler et il apparaît dans les dix derniers kilomètres, très fort. Enfin, le judo m’a apporté beaucoup pour le ‘body stability’. J’ai un dos plus musclé que la moyenne. Depuis le début de ma carrière, je n’ai presque jamais eu de douleurs alors que de nombreux coureurs souffrent du dos à cause de la position sur le vélo, cette position qui est la nôtre depuis dix ou vingt ans. Grâce à mes onze années de judo, j’ai développé un bon physique. 

Le judo te permet d’avoir des réflexes qui te font rouler pour amortir la chute et éviter de te briser quelque chose.

Yves Lampaert était rapide mais manquait de puissance. Rédhibitoire pour réussir une carrière de judoka de haut niveau.
Yves Lampaert était rapide mais manquait de puissance. Rédhibitoire pour réussir une carrière de judoka de haut niveau. © RTBF

Tomber sans dégâts

C’est une règle d’or : avant d’apprendre à faire tomber un adversaire, on apprend toujours au judoka débutant à tomber lui-même sans se faire mal. Est-ce que vous vous sentez plus " protégé " en cas de chute ?

" Oui même si, dans un peloton, tu tombes souvent quand tu ne t’y attends pas. Je me suis d’ailleurs cassé une fois la clavicule (NDLR : à Milan-Turin 2020). Mais c’est vrai que le judo te permet d’avoir des réflexes, en VTT ou sur route, des réflexes… bizarres parce que tu as rarement le temps de réfléchir quand tu es pris dans une gamelle. Ces réflexes te font rouler pour amortir la chute et éviter de te briser quelque chose. "

Suivez-vous encore, même de loin, les compétitions de judo ? Que pensez-vous, par exemple, de Matthias Casse ou Toma Nikiforov ?

" J’adore regarder le judo à la télévision ! D’ailleurs, je regrette qu’il n’y en ait pas davantage… d’autant plus avec les champions belges actuels, Casse et Nikiforov notamment. Ce sport est dur, avec une concurrence très internationale. Je pense que nos judokas méritent plus de respect que ce à quoi ils ont droit pour le moment ! "

Le judo est une discipline individuelle, au contraire du cyclisme qui se dispute en équipe. Le Wolfpack de Quick Step-Alpha Vinyl incarne l’esprit collectif. Que préférez-vous ?

" Euh… Je dois reconnaître que gagner en groupe est vraiment chouette. Dans le vélo, tu fêtes ta victoire avec tes équipiers dès que la ligne est franchie. Quand tu gagnes en judo, tu fais la fête… seul. Tu es content mais les autres ne sont pas tous contents pour toi. C’est différent. Pour cet esprit d’équipe, je préfère le cyclisme. "

Vous avez été champion de Belgique de judo chez les cadets. Finalement, auriez-vous pu réaliser une carrière de judoka de haut niveau ?

" Je pense que ça aurait été compliqué. À cause de mes études (NDLR : au Lycée agricole de Roulers), j’ai zappé pas mal de séances de musculation et d’entraînements spécifiques pour la force. J’avais vraiment une bonne technique mais je manquais de puissance. "

Quand je discute avec quelqu’un de mon parcours de judoka, je dis toujours en premier lieu que je suis ceinture noire. C’est vraiment spécial.

Ceinture noire un jour, ceinture noire toujours

Vous êtes ceinture noire et, tous les judokas le disent, la ceinture noire c’est le graal !

" Oh oui ! C’est une indication du niveau du judoka, de son expérience. J’en suis tellement fier ! Quand je discute avec quelqu’un de mon parcours de judoka, je dis toujours en premier lieu que je suis ceinture noire. C’est vraiment spécial. "

Pour nos lecteurs et auditeurs connaisseurs, quelles étaient vos techniques préférées quand vous étiez compétiteur ?

" Uchi-Mata, O-Goshi et puis les mouvements d’épaule comme Ippon-Seoi-Nage et Morote-Seoi-Nage, sur les genoux et à haute vitesse. Comme je n’étais pas le plus musclé, je compensais par ma rapidité. Je n’étais pas très grand mais j’étais plutôt râblé, assez lourd pour ma taille. "

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