Sommes-nous à l’aube d’un nouveau regain de tensions franco-belges ? Après les terrains de football, c’est sur la route que pourrait se jouer le nouvel affrontement qui oppose notre pays à son voisin frontalier. En cause : une loi française qui interdit les camions de plus de quarante tonnes de pénétrer sur le territoire français et qui fait grincer les dents du monde du transport en Belgique n’en démord : la France agit selon lui "par pur protectionnisme".
"15% de camions en plus sur la route"
Un camion belge pourtant tout neuf pourra désormais être refusé par les autorités françaises à la frontière. En cause, son poids maximal qui peut s’élever jusqu’à 44 tonnes, soit quatre tonnes de plus que le maximum autorisé depuis le 1er janvier 2022. Une nouvelle loi française interdit en effet désormais aux camions de plus de 40 tonnes d’entrer dans l’hexagone.
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Au-delà d’une simple contrainte technique, cette nouvelle réglementation pourrait avoir un effet néfaste sur l’engorgement des routes. "On perd 4 tonnes de marchandise transportée, donc c’est à peu près 15% de camions en plus à partir du 1er janvier sur la route", déplore Yvan Persoon administrateur délégué à la société de transport Dubacque Belgique. Car pour compenser et honorer ses commandes, il devra envoyer plus de camions sur les routes.
L’argument écologique
Le secteur du transport estime qu’il s’agit d’une absurdité écologique, alors qu’il est souvent montré du doigt pour son impact environnemental. Car plus il y a de camions sur les routes, plus la masse totale de pollution rejetée par ces véhicules est importante. "On fait le maximum pour alléger le matériel pour transporter un maximum de charge pour minimiser l’impact de chaque tonne transportée", martèle Yvan Persoon.
Il estime qu'avec les quatre tonnes perdues en vertu de la loi française, les transporteurs belges sont contraints de rejeter "15% en plus d’émissions de CO²" pour un même rendement. Car le secteur estime que 26.000 camions seront nécessaires pour combler le manque à gagner. "C’est énorme", s’insurge administrateur délégué à la société de transport Dubacque Belgique.
Mais les sociétés environnementales ne voient pas la loi française du même œil. Pour elles, elle est un mal nécessaire. "Autoriser des camions plus lourds, c’est entrer en concurrence avec le transport ferroviaire et fluvial. Limiter le tonnage des camions est aussi une mesure qui a été prise au niveau européen pour favoriser les modes alternatifs à la route", et donc encourager les entreprises qui font appel aux transporteurs à ne plus se tourner vers le transport routier lorsque ce n’est pas nécessaire, analyse Pierre Courbe, chargé de mission Fédération interenvironnement Wallonie (IEW).
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Une hausse des prix de certaines marchandises
Mais l’impact pourrait aussi se faire sentir sur le portefeuille des acheteurs des matériaux transportés dans les camions ciblés par la mesure. Car la multiplication des camions déployés sur les routes aura inévitablement des conséquences sur le prix du transport. En premier lieu sur les produits lourds et bon marché, comme les granulats de pierre.
Car les acteurs impliqués soulignent le manque d’alternatives au réseau routier vers la France, que ce soit par voie fluviale ou ferroviaire. Alors en l’absence de solution, une action légale a été lancée. "Nous avons déposé un recours en annulation de cette mesure au Conseil d’Etat français avec l’argument que c’est une entrave grave à la sécurité de marché et que donc il y a une priorité des textes européens sur cette mesure", explique Michael Reule secrétaire général de l’Union professionnelle du transport et de la logistique (UPTR).
Il fustige "un petit changement du Code de la route qui a de grands impacts surtout pour les transporteurs belges".