Grandeur nature

Du surf à la montagne, des baleines aux pottoks

© LN. Bernard

Izadia. Traduisez " Nature " en langue basque. C’est dans ce parc bien nommé que l’équipe de " Grandeur Nature " a commencé son périple dans le Pays basque français.

A un jet de pierre des plages de l’Océan Atlantique, au beau milieu de deux lagunes et à la frontière entre les Départements des Landes et des Pyrénées atlantiques, ce parc écologique a pour vocation de sensibiliser le grand public à la nature. Dominique Gibaut Gentilly en est la directrice : " Nous sommes là pour entretenir ce petit trésor de 15 hectares, classé Natura 2000, l’enrichir et le partager. "

Le 30 juillet 2020, un terrible incendie a ravagé un tiers du parc et une grande partie de son habitat forestier, brûlant ses pins maritimes et ses chênes-lièges. Il a fallu procéder à une vaste reforestation et à la reconstruction de l’habitat naturel de toute une faune, dont les oiseaux, brutalement privés de leur logement. Huit mois après le sinistre, le parc a rouvert ses portes au public : " On a pratiqué le recépage pour les arbousiers qui n’avaient pas totalement brûlé : on taille jusqu’en bas de la souche et l’arbre ressuscite sous le pied. Sous l’effet du feu, les pommes de pin sont tombées dans le sol, se sont ouvertes et les graines se sont disséminées dans le sol. Depuis un an, de petits pins se sont mis à sortir de terre. On a aussi replanté plus de 2000 végétaux locaux. "

Un cri de crécelle rompt le silence des lieux. C’est le chant très caractéristique de la fauvette mélanocéphale, un petit oiseau gris à longue, coiffé d’un capuchon noir. Très commune dans le sud-est de l’Hexagone, elle est beaucoup plus rare ici. Elle supporte mal les fortes gelées et s’est réfugiée ici depuis une vingtaine d’années, où le réchauffement climatique lui est plus favorable. Le parc recense une centaine d’espèces d’oiseaux, dont de nombreux oiseaux d’eau. Les lapins de Garenne, autrefois très communs, y sont encore présents, et cohabitent avec les renards et d’autres petits mammifères. Parmi les plantes, il en est une que l’on ne retrouve qu’ici : elle appartient à la famille des gentianes, une fleur très délicate et d’un rose vif. Les découvertes sont au bout de chaque tournant des petits sentiers sinueux du parc qui invite aux promenades et à la pratique de nombreuses activités sportives.

A quelques bornes d’Anglet, l’équipe d’Adrien Joveneau n’a pu résister aux embruns de l’Atlantique et est montée à bord du catamaran Atalaya qui mouille au port d’Hendaye, dernière ville côtière du Pays basque français avant l’Espagne. Sophie Prato est la capitaine de ce bateau de 17 mètres de long sur sept de large, un observatoire idéal pour la découverte des mammifères marins, comme les dauphins ou des baleines. Aujourd’hui, la mer est déchaînée. Pas question d’affronter ces hautes vagues qui se fracassent sur les murs de pierre de la côte. " Nous embarquons pendant une journée pour faire découvrir à un public de tous âges un univers méconnu et mystérieux. Un guide naturaliste leur explique pourquoi on peut observer ces cétacés dans cette zone et comment les repérer. La première qualité requise, c’est la patience. Il faut observer la mer, scruter le moindre détail qui accroche l’œil. "

La pollution a remplacé le harpon

C’est ici que s’étend le plus grand canyon sous-marin d’Europe qui descend jusqu’à 4000 mètres de profondeur. " La biodiversité y est exceptionnelle, ce qui explique qu’un nombre important de cétacés viennent y trouver refuge : des dauphins communs, des globicéphales à la tête ronde, des cachalots, des baleines à bec et même des orques. C’est magique. Le temps des harpons pour la chasse à la baleine est révolu. On les a remplacés par des jumelles et des appareils photos. " Les baleiniers appartiennent désormais au passé sur la Côte Atlantique.

Mais si les mammifères marins y jouissent aujourd’hui d’une certaine quiétude et si l’Océan ne se teinte plus de leur sang, ils doivent aujourd’hui faire face aux ravages de la pollution. A Biarritz, l’ONG Surfrider Foundation Europ, fondée en 1990 par un groupe de surfeurs soucieux de préserver leur terrain de jeu, lutte chaque jour contre les atteintes à l’environnement. Tess, l’une des 2000 bénévoles de l’ONG nous détaille sa récolte de la veille sur une plage de St-Jean de Luz : " Beaucoup de plastiques, du polystyrène, des pailles, des cotons-tiges, des bouchons de bouteilles, des mégots de cigarette, une balle de tennis. " Clément fait partie de l’équipe " expertise " : " Il est important de recueillir des informations sur tout ce que l’on trouve sur les plages. Ce n’est pas en ramassant ces déchets qu’on va résoudre le problème. Chaque marée en ramène de nouveaux. Il faut agir à la source. En livrant ces données aux scientifiques et grâce à notre travail de lobbying auprès des industriels et des politiques, on espère faire bouger les lignes durablement. "

Ce sont des enfants de dix ans, à travers un projet ludique, qui sont sensibilisés à ce fléau, ramassent les déchets, les trient et les envoient pour expertise aux scientifiques. Le phénomène ne disparaîtra pas à court terme. En dépit des interdictions de certains plastiques, les courants marins transporteront des déchets dans les océans pendant des dizaines d’années. Et les déchets plastiques sont largement majoritaires : 8 millions de tonnes de déchets sont rejetées chaque année dans les océans de la planète et 80% d’entre eux sont des plastiques, à raison de 300 kilos déversés par seconde.
Florent Marcou est le directeur de l’ONG et insiste sur l’importance de l’exposition réalisée dans ses murs. " Nous essayons de faire changer les sociétés. A côté de notre rôle d’organisme de pression auprès des institutions, nous estimons qu’il faut aussi sensibiliser le citoyen. Il a un rôle majeur à jouer. Et on utilise l’art pour susciter l’émotion. Nous faisons appel à des artistes pour faire passer le message. "

Et, manifestement, il passe : plus de 90% des gens ayant suivi le programme pédagogique de la Fondation ont modifié leur comportement en adoptant une attitude plus respectueuse de l’environnement. Et depuis 2019, grâce au combat de la Fondation et d’autres acteurs, une directive européenne interdit désormais la production et la consommation de plastiques à usage unique. Elle est appliquée dans tous les Etats-membres depuis juillet dernier.

Les surfeurs, anges gardiens de la pureté de l’océan

La côte basque, c’est aussi le paradis des surfeurs. Gilles Asenjo pratique ce sport depuis des années et a rejoint l’équipe de bénévoles de la Fondation voici 25 ans et qu’il préside aujourd’hui : " Je suis immergé dans l’eau chaque jour de l’année, été comme hiver, quand la tempête ne souffle pas et je constatais que la qualité de l’eau se dégradait et que les déchets s’accumulaient. Cela m’a mis en colère. La communauté des surfeurs est la première à avoir généré une conscience environnementale organisée. J’y ai naturellement adhéré pour protéger la nature, combattre la pollution par les déchets et la bétonisation des côtes. "

L’équipe de Grandeur Nature quitte Biarritz et ses côtes léchées par un Océan en colère ce jour-là pour mettre le cap sur Ustaritz, à un bon quart d’heure de voiture. Première étape : son centre de soins pour la faune Hegalaldia. Traduisez " L’envol ", en langue basque. Stefan explique : " Le rôle de ce centre est de soigner et de remettre dans la nature les animaux de la faune sauvage. Nous disposons d’une infirmerie et de volières adaptées à la réhabilitation de certaines espèces. " Une volière dépasse de très loin toutes les autres par sa taille et offre une vue exceptionnelle sur la vallée. Au bout de leur processus de guérison, c’est de cette volière taquet que s’élancent en douceur les rapaces pour retourner à leur environnement naturel. Mais les jeunes n’ont pas appris à se nourrir et à se défendre de leurs prédateurs. Les responsables du centre ont dès lors aménagé, dans une prairie voisine, une plate-forme garnie de nourriture. Certaines espèces, les plus fainéantes, comme la chouette hulotte, s’y sentent si bien qu’elles peuvent y rester plus d’un mois. D’autres, comme faucon crécerelle, quitteront la plateforme après quelques jours.

Le centre a été créé, il y a vingt ans, pour soigner les vautours fauves et nécrophages (qui se nourrissent de cadavres) avant de les relâcher au sommet de la falaise basque. Sa patientèle s’est ensuite étendue à toutes les espèces d’oiseaux.

 

Joëlle Darricau est la propriétaire des grottes d’Isturitz et d’Oxocelhaya, situées à une demi-heure en voiture de Bayonne, Biarritz et Saint-Jean-Pied-de-Port. A l’entrée de la grotte, un panneau indique : " Ici, l’histoire se tait. Les pierres et les ossements parlent. " La grande salle, de 15 mètres de haut, ressemble à une cathédrale préhistorique. Des hommes y ont vécu sans discontinuation pendant 80.000 ans. C’étaient des nomades, qui ramassaient des matériaux alentour : " Ceci est assez extraordinaire " explique Joëlle Darricau en montrant un os de crâne de cétacé : " Ils l’ont ramené de la Côte pour les travailler ici. On trouve aussi des coquillages percés venus de Méditerranée que l’on a retrouvé sur le sol de la grotte. La faune du quaternaire, comme le mammouth ou le renne, était chassée par ces hommes. "

Rendez-vous sur la plage du Miramar. L’Océan est toujours aussi déchaîné, ses vagues atteignent les 3 mètres de hauteur. Jeff Bernard dirige une école de surf, " Biarritz surf Océan " mais surtout est très engagé dans le développement durable et la protection du littoral. Il intervient chaque semaine sur la chaîne " France Bleue " dans le cadre d’une émission sur la protection de l’océan, à écouter en podcast sous le titre " ça bouge sous vos yeux ".

" Depuis 20 ans, j’essaie, à travers le sport, de créer " l’écosportif ", le sportif responsable, participant à l’équilibre de la nature par une série de petits gestes. J’initie les jeunes à la pratique du surf et je m’en sers comme média à la sensibilisation de l’environnement, au changement climatique et à la transition sociétale. Cela passe par le ramassage d’un plastique sur la plage, l’utilisation de crème solaire biologique et de produits écoresponsables. "

Biarritz, reine des plages et refuge du gotha

Biarritz, c’est " The Place to be” du Pays basque français. L’équipe d’Adrien Joveneau foule la plage du Miramar, dénommée la " Plage des Rois et la Reine des Plages ". Nathalie Beau de Loménie est attachée de presse de l’ADT (Agence d’attractivité et de développement touristique du Béarn et du Pays basque) et explique : " Depuis 1854, lorsque Napoléon III est venu s’installer à Biarritz, après son coup de foudre pour cet endroit paradisiaque où les brebis paissaient encore dans les prairies, au bord de l’eau, il a invité tout le gotha européen à venir s’y installer. Chacun y est allé de sa construction de villa, pour épater le voisin. On y contemple celle du PDG des chemins de fer de Chicago, la splendide villa " Mimosa ". On y retrouve des architectures de tous les styles européens.

Jeff Bernard ajoute : " Sur cette plage que je piétine depuis près de 30 ans, on découvre la laisse de mer, le produit de l’accumulation des débris naturels transportés par la mer. Il se transformera en compost qui va fertiliser la base de la chaîne alimentaire. " Il a inscrit la démarche écotouristique dans son travail de formation à la sauvegarde de la nature. " Histoire de prendre du recul sur le tourisme de masse, d’insister sur le caractère précieux et fragile de notre environnement, en l’impactant le moins possible. "

© LN.Bernard

La fierté des paysans et des traditions

Le long de ce littoral basque, toujours sur la plage de Miramar, l’équipe de " Grandeur Nature " a fixé " rendez-vous à Anne Littaye, chercheuse océanographe et passionnée d’histoire maritime : " Le Pays basque se situe au bord de l’Atlantique et en zone frontalière. Le développement de la région a reposé pendant six siècles sur la chasse à la baleine. Les animaux, surtout des femelles et leurs petits venaient ici, en hiver, au fond du Golfe de Gascogne pour trouver de l’eau chaude et s’engraisser. Les hommes les ont chassées pour leur huile qui a servi à l’éclairage de toute l’Europe. " La chasse à la baleine est aujourd’hui interdite mais elle n’a pas empêché l’extinction de la baleine dite des Basques. En revanche, d’autres espèces survivent en mer. Anne Littaye organise ici des séjours scientifiques qui permettent aux participants de découvrir la faune des mammifères marins et les trésors de l’archéologie sous-marine, enfouis sous les mers, comme les épaves de bateaux échoués au large.

La dernière étape de ce périple au Pays basque nous fait quitter la Côte pour gagner, à une trentaine de kilomètres vers l’Est, le petit village d’Espelette, réputé pour son piment. L’équipe d’Adrien Joveneau y est accueillie par Panpi Olaizola et sa compagne Leire Iturralde. Accompagnateur de montagne, Panpi a repris en 2010 la ferme familiale, la dernière du bourg avant la montagne. Son nom : Balazkabieta. Traduisez : " Nid d’épervier ". Dans cette zone frontalière, la plupart des habitants sont trilingues : le basque, bien sûr, le français et l’espagnol.

A Balazkabieta, les ânes s’ébrouent à côté de quatre chevaux locaux, les pottoks ou poneys basques des montagnes. Sur les hauteurs, à plus de 600 mètres, le paysage à 360° est exceptionnel et contrasté. Sur le versant de gauche, on aperçoit l’océan depuis le début de la côte landaise jusqu’à la côte basque. Sur l’autre versant, se déroule la province de Navarre, dans un paysage très montagneux. Ici, pas de clôture pour les animaux : " Au Pays basque, on pratique le libre parcours " précise Panpi. " En échange d’une petite taxation, on peut monter nos troupeaux de moutons en toute liberté ". Le couple organise des Astokolk : ce sont des balades en montagne et à dos d’âne pour les enfants. Mais, surtout, il perpétue la tradition et la culture ancestrale, en ayant décidé de vivre en pleine autonomie : " nous voulions conserver et transmettre ce mode de vie initié par nos ancêtres. Oui, nous sommes fiers d’être paysans. "

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