Cinéma

Dune, les Vers de l’infini et au-delà

Dune, la version de Denis Villeneuve

© Warner Bros.

Par Nicolas Buytaers

Ce mercredi 15 septembre, le réalisateur canadien Denis Villeneuve sortira (enfin) sa vision de "Dune", le roman culte de science-fiction écrit par Frank Herbert. Un roman qui a déjà connu quelques adaptations ou tentatives !

Tenter de comprendre le Muad’Dib sans comprendre ses ennemis, c’est tenter de voir la Vérité sans connaître le Mensonge…

Dès les premiers mots de "Dune", le roman de Frank Herbert publié en 1965, le ton est donné. L’histoire que vous allez lire évoluera entre vérités et mensonges, prophétie et tradition, amis et ennemis, culture et exploitation, entraide et domination. Même si sa version de poche fait 900 pages, tentons un petit résumé de cette histoire. Nous sommes en l’an 10.191 et de nombreuses planètes de l’univers sont habitées. Ces planètes composent le vaste empire galactique aristocratique connu sous le nom Imperium ! Arrakis est l’une de ces planètes. Entièrement recouverte de sable, on y cultive l’épice, soit l’élément le plus important de l’univers car il permet entre autres les voyages dans l’espace. Une épice jalousement gardée par de gigantesque vers des sables. Aujourd’hui, cette planète surnommée Dune est dirigée par la famille Atréides. Son chef, le Duc Leto Atréides possède un réel sens commun. Il veut cultiver l’épice main dans la main avec les Fremen, les natifs d’Arrakis… contrairement aux Harkonnen, ses ennemis, qui exploitaient auparavant Dune et ses habitants. Quand les Fremen découvrent l’existence de Paul, le fils de Leto, une prophétie refait surface, celle du Muad’Dib, celle du Messie des Fremen qui les mènera vers la liberté…

Dune, une saga et des romans signés Frank Herbert
Dune, une saga et des romans signés Frank Herbert © Droits réservés

Alors oui, décrypté en quelques mots, le roman d’Herbert se veut avant tout terriblement politique. Il y dénonce l’autoritarisme, les dictatures, le fanatisme religieux, le messianisme, le transhumanisme, l’exploitation de l’Homme par l’Homme mais aussi la destruction de la Nature par l’Homme. Un roman qui dès sa sortie en librairie a titillé l’imagination des producteurs hollywoodiens et étrangers. Avec beaucoup d’appelés et peu d’élus ! Tout commence en 1971 avec Arthur P. Jacobs. Après avoir réussi l’adaptation de "La planète des singes" d’après le roman de Pierre Boule, Jacobs cherchait un autre projet d’une aussi grande envergure. Il acheta les droits cinématographiques de "Dune" mais sa mort, deux ans plus tard, plaça ce projet au placard. En 1975, des producteurs français dont Michel Seydoux, le frère de Jérôme Seydoux (le coprésident du groupe Pathé) reprennent les droits de "Dune" tout en proposant au réalisateur et scénariste de BD Alejandro Jodorowsky cet incroyable ticket pour ce voyage dans l’espace. Jodo est emballé. Un peu trop peut-être. Certainement ! Lui, il rêve d’une production pharaonique avec un générique hallucinant où s’afficheraient les noms d’acteurs comme Orson Welles, Mick Jagger et Salvador Dali. Les décors auraient dû être conçus par Moebius (Jean Giraud, le papa de Blueberry) et HR Giger (le créateur du monstre de la saga "Alien"). La musique aurait dû être composée par Pink Floyd. Un projet trop beau pour être vrai. Et trop cher surtout. On raconte que Dali demandait 100.000 dollars par minute de tournage. Cette vision de Dune a donc été avortée. Et toute cette histoire est remarquablement expliquée dans le documentaire "Jodorowsky’s Dune" de Frank Pavich, sorti en 2013.

Loading...

Au début des années 80, Ridley Scott, fort du succès de son "Alien" se lance lui aussi dans l’aventure "Dune" mais il s’enlise dans cette planète ensablée. Il abandonne le projet pour développer "Blade Runner" (un homme sensé).

Le dormeur doit se réveiller…

En 1984, David Lynch lui accepte et nous propose sa vision des plus baroques du chef-d’œuvre de Frank Herbert. Au générique, on retrouve Kyle MacLachlan (vu dans son "Blue velvet" et plus tard dans "Twin Peaks" évidemment), Patrick Stewart (le Picard de la saga "Star Trek"), le chanteur Sting, Dean Stockwell, Max von Sydow et Sean Young. Un casting de qualité, sans oublier la musique du groupe Toto et quelques morceaux signés Brian Eno et Daniel Lanois. Bref, il y avait là du talent… beaucoup de talent même pour un film qui ne sera pas très bien accueilli à sa sortie. Mais qui, je vous l’assure, a bien vieilli (outre quelques effets spéciaux so eighties). Regardez-le, vous ne serez pas (plus) déçus !

Loading...

Dans les années 90, "Dune" connaîtra des adaptations en jeux vidéo et en BD. Plus tard, en 2000, la télévision prendra le temps de développer l’univers de Frank Herbert à travers deux mini-séries intitulées "Dune" et "Les enfants de Dune". Deux séries aux décors sortis tout droit de l’entrepôt servant à stocker les planètes et autres vaisseaux en carton-pâte de la série "Star Trek : The next generation" (ou presque). Au-delà de cette critique esthétique, ces deux séries sont intéressantes car elles prennent le temps d’exploiter (tous les personnages) et d’explorer l’Imperium.

Loading...

Dans les années 2010, le réalisateur Pierre Morel (aux commandes des productions musclées de Luc Besson "Taken" et "Banlieue 13") avait aussi relu avec intérêt "Dune" pour en tirer un long-métrage. Mais non…

Les rêves sont des messages qui viennent des profondeurs…

Arrive alors ce mercredi 15 septembre 2021 avec la sortie en salles du "Dune" du canadien Denis Villeneuve. ENFIN ! Enfin car cette maudite Covid-19 a perturbé le calendrier de sa sortie et repoussé à plusieurs reprises l’arrivée sur grand écran d’un des films les plus attendus de ces dernières années. Les fans (du livre mais aussi de science-fiction) étaient aux anges car Villeneuve est un réalisateur avec une esthétique bien à lui, un sens de l’image. La preuve avec des films comme "Sicario", "Premier contact" et "Blade Runner 2049". Et puis, comme toujours avec "Dune", le casting proposé est de qualité vu qu’on y retrouve Timothée Chalamet, Oscar Isaac, Jason Momoa et Zendaya. Donc sans rien divulgâcher de votre plaisir cinématographique, sachez que Villeneuve propose une vision romantique du roman d’Herbert alors que Lynch avait une vision baroque. Là où Villeneuve est froid, gris et ténébreux, Lynch était chaud, solaire et flamboyant. À vous de choisir votre style, votre époque, votre température.

Loading...

Inscrivez-vous à la newsletter à la Chronique de Hugues Dayez

Chaque mercredi, recevez dans votre boîte mail la chronique du spécialiste Cinéma de la RTBF sur les sorties de la semaine.

Sur le même sujet

Articles recommandés pour vous