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Dupond-Moretti mis en examen aujourd’hui, n’est pas le seul membre du gouvernement français à avoir des démêlés judiciaires

Eric Dupond-Moretti ministre de la justice française se rend devant la cour de Justice de la République le 16 juillet 2021

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Par Nausicaa Maugé

Le ministre de la justice française, Eric Dupond-Moretti se retrouve inculpé par la cour de Justice de la République. Il est poursuivi pour "conflit d’intérêts", et "prise illégale d’intérêt" suite à son ancienne activité d’avocat.

Le garde des Sceaux se disait pourtant "serein", et "particulièrement déterminé" ce matin devant les caméras. "Le ministre de la justice n’est pas au-dessus des lois mais il n’est pas non plus en dessous", avait-il déclaré, affichant un grand sourire. Sourire qu’il a dû effacer peu de temps après l’annonce de la cour.
C’est une première en France qu’un ministre de la justice soit mis en examen alors qu’il est encore en fonction.

Rappel des faits

Dès son arrivée au ministère il y’a plus d’un an le garde des sceaux a usé de sa fonction pour régler des comptes avec des magistrats anti-corruption. Magistrat qu’il avait affronté en tant qu’avocat par le passé et lançant plus tard contre eux des enquêtes administratives non fondées. C’est l’une des raisons pour lesquelles il est convoqué aujourd’hui devant la cour de Justice de la République.

Des documents révélés par Médiapart prouvent que les services du Premier ministre Jean Castex se sont acharnés dans l’opération contre les magistrats anti-corruptions. Le Premier ministre avait en mars puis en avril dernier saisi le Conseil supérieur de la magistrature de poursuites disciplinaires contre des magistrats du Parquet national financier. Alors que l’Inspection générale de la justice, saisie auparavant par Éric Dupond-Moretti, n’avait rien trouvé à leur reprocher.

Des échanges de mail découvert par Médiapart affirment le véritable acharnement dont ont fait preuve les services de Jean Castex (ancien collaborateur de Nicolas Sarkozy à l’Elysée) dans cette affaire.

Dans un autre dossier il est reproché au ministre de la justice d’avoir lancé des poursuites administratives contre un ancien juge d’instruction détaché à Monaco, Edouard Levrault, qui avait mis en examen un de ses ex-clients.

Les syndicats de magistrats ont par ailleurs signalé à la commission d’instruction de la CJR trois autres interventions du garde des Sceaux qu’ils jugent problématiques, dont une à l’automne auprès de détenus corses alors qu’il avait été l’avocat de l’un d’eux, Yvan Colonna.

Récemment Eric Dupond-Moretti a "oublié" de déclarer plus de 300.000 euros d’impôt ce qui lui vaut une nouvelle ouverture d’enquête.

Le garde des sceaux parle de "manœuvre politique"

D’après lui ces accusations relèvent de "manœuvres politiques" afin "d’obtenir un nouveau garde des Sceaux".

"On ne fait pas de politique. A aucun moment, d’aucune manière nous n’avons demandé la démission du ministre", rétorque Céline Parisot, présidente de l’USM, syndicat majoritaire dans la magistrature.

Le ministre de la justice garde tout de même le soutien d’Emmanuel Macron. "Je pense que le garde des Sceaux a les mêmes droits que tous les justiciables, c’est-à-dire celui de la présomption d’innocence de pouvoir défendre les droits qui sont les siens", a-t-il dit, se posant en "garant de l’indépendance de la justice".

De son côté, le Premier ministre, Jean Castex a renouvelé "toute sa confiance" à son ministre de la Justice.

Une longue liste de membre du gouvernement Macron mis en cause par la justice

Emmanuel Macron président français
Emmanuel Macron président français © AFP or licensors

La liste est longue : Richard ferrant, Robert Rochefort et Marielle de Sarnez, Sylvie Goulard, Jean-Paul Delevoye, Gérald Darmanin, Alain Griset, Olivier Véran, Jérôme Salomon, Edouard Philippe et Agnès Buzyn, Sibeth Ndiaye, François Bayrou…

Tous ont ou ont eu des problèmes avec la justice. A peine nommé ministre de la Cohésion des territoires, Richard Ferrand est épinglé par le "Canard enchaîné" qui révèle en 2011, que les Mutuelles de Bretagne qu’il dirigeait alors ont loué des locaux commerciaux appartenant à sa compagne. Il quitte le gouvernement le 19 juin 2017 et succède à François de Rugy à la présidence de l’Assemblée nationale le 12 septembre 2018.

La prescription des faits sera retenue, mais elle n’est pas définitive d’autres rebondissements peuvent avoir lieux. Robert Rochefort, Marielle De Sarnez, Sylvie Goulard élus européens au Modem (Parti de François Bayrou) sont accusés d’emploi fictif en mars 2017 et abus de confiance en juin 2017. Marielle De Sarnez est devenue en 2017 ministre des affaires étrangères, Sylvie Goulard ministre des armées et François Bayrou ministre de la justice. Peu de temps après le début des enquêtes ils ont tous quitté le gouvernement.

Fin 2019, Mmes Goulard et De Sarnez sont mises en examen pour "détournement de fonds publics" et François Bayrou pour "complicité" de ce délit. Mme De Sarnez est décédée en janvier 2021.

En 2019 Jean-Paul Delevoy, Haut commissaire aux retraites du gouvernement est mis en cause pour la non-déclaration de plusieurs mandats à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique. Il démissionnera en décembre 2019. Le parquet a donc ouvert une enquête qui est toujours en cours pour "abus de confiance", "abus de biens sociaux" et "recels".

Les anciennes membres du gouvernement Sibeth Ndiaye, Agnès Buzin, ainsi qu’Edouard Philippe, Jérôme Salomon et l’actuel ministre de la santé sont sous le coup d’une enquête ouverte en 2020 pour : "Abstention à combattre un sinistre" dans le cadre de la pandémie de Covid-19. Ils sont notamment accusés de "lenteur" et "absence" dans le cadre de la lutte contre le virus.

En 2020, deux enquêtes sont ouvertes à Paris et Lille concernant Alain Griset, ministre délégué chargé des PME, après des signalements, notamment de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique, pour soupçon d'"abus de confiance". Son entourage plaide une "maladresse", sans "volonté d’enrichissement personnel".

Gérald Darmanin actuel ministre de l’intérieur reste en poste tandis qu’il est accusé "d’abus de faiblesse" et "viol" par une habitante de Tourcoing (Nord) qui affirmait avoir été contrainte à des relations sexuelles en échange d’un logement et d’un emploi. Mais il est aussi accusé de "viol" et de "harcèlement sexuel" par une autre femme dans le cadre de ses fonctions à l’UMP en 2009.

La première affaire sera classée sans suite en 2018. La deuxième quant à elle sera aussi de classer sans suite en 2017 et 2018, mais la plaignante obtient la reprise des investigations en juin 2020. Le ministre est auditionné neuf heures durant face à son accusatrice en mars 2021, sous le statut de témoin assisté. Le ministre de l’intérieur, affirme n’avoir " jamais abusé de la faiblesse ou de l’intégrité de quiconque ".

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