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Dystinct, le chanteur belgo-marocain dont le morceau "Ghazali" est devenu l’hymne des Lions de l’Atlas en Coupe du Monde

Dystinct, l’artiste derrière "Ghazali".

© AVALON MUSIC

Par Propos recueillis par Karim Fadoul

Difficile de ne pas se souvenir de l’incroyable parcours de l’équipe du Maroc lors de la dernière Coupe du Monde de football au Qatar. Difficile de ne pas se souvenir, non plus, quand on est supporters des Lions de l’Atlas, qu’une chanson a accompagné ce chemin vers l’accession aux demi-finales du Mondial. "Ghazali" ("ma beauté" en arabe), a très clairement été l’hymne de la sélection emmenée par les Ziyech, Bounou et autre Amrabat.

Ce titre est un peu belge. Dystinct (Iliass Mansouri de son vrai nom), l’artiste qui l’interprète est originaire de la région d’Anvers, mais a aussi vécu à Bruxelles, notamment à Jette et à Molenbeek. "Que ma chanson soit reprise par les joueurs de foot du Maroc, c’était complètement fou. Le succès de 'Ghazali', pour moi, était totalement inattendu", nous dit l’homme de 25 ans, sollicité de toutes parts depuis la Coupe du Monde. Son morceau a déjà totalisé près de 70 millions de vues sur Youtube (41 millions de streams sur Spotify) et Dystinct, bientôt reçu par le bourgmestre de la Ville de Bruxelles, se produit désormais sur les cinq continents.

Rencontre avec l’artiste alors que sort ce 9 juin son nouvel album, intitulé "Layali" et qu’il se produira au Cirque royal (Le Club) de Bruxelles le 16 juin.

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Première question toute simple : comment expliquer ce succès de "Ghazali" que vous chantez avec le rappeur belge Bryan MG ?

Pour être honnête, "Ghazali" ne devait pas sortir. Ou plutôt, la chanson devait sortir mais beaucoup plus tard. Mon équipe, mes producteurs, mon manager, insistaient pour qu’on la sorte mais je n’étais pas convaincu du timing. J’avais d’autres chansons dans mon agenda de sortie et "Ghazali", que je chante en dialecte marocain avec un rap en français, était un style différent. Je leur répondais : "Pas tout de suite, pas tout de suite !" Mais ils m’ont convaincu. J’ai dit qu’on verrait ce que ça donne. Elle est donc sortie un peu avant la Coupe du monde de football. Et la suite est devenue de l’histoire. Au final, cela montre que je ne dois pas être trop têtu !

Mais de là à ce qu’elle devienne l’une des chansons de la Coupe du Monde…

En fait, tout a commencé lorsque moi et mon équipe regardions les matches du Maroc en Coupe du Monde et que l’équipe se qualifiait pour les quarts de finale. On était trop heureux, trop contents ! Et puis je me souviens que j’ai regardé mon manager (qui est aussi mon meilleur ami) dans les yeux. Et lui aussi me regardait dans les yeux. Et on a compris ce que l’un et l’autre avaient en tête : partons au Qatar et allons voir un match du Maroc ! J’ai cherché à avoir des tickets et je me suis tourné vers un ami footballeur au sein de l’équipe du Maroc, Ilias Chaïr, qui vient aussi d’Anvers. Il nous a aidés à avoir des places et je l’en remercie. Et nous voilà partis au Qatar !

Et ensuite ?

J’étais au stade. L’ambiance était indescriptible. Et puis après le match et la qualification pour les demi-finales, on me fait parvenir une vidéo du vestiaire du Maroc dans laquelle on voit les joueurs danser et chanter sur ma chanson. Tout est parti du joueur Abdelhamid Sabiri en fait. C’est un fou, lui (rires) ! C’est lui qui a décidé de lancer le mouvement. Alors, sur le moment, quand je vois la vidéo, je ne réalise pas encore l’impact. Mais je constate en tout cas que cette vidéo devient rapidement virale. Ce n’est que le lendemain que je prends conscience de l’ampleur du truc, que "Ghazali" devient en quelque sorte la chanson des Lions de l’Atlas parce que les joueurs dansent dessus et célèbrent leur victoire. Et tout cela arrive la semaine au cours de laquelle je suis au Qatar, pour assister à la Coupe du Monde… C’était indescriptible et totalement inattendu !

La chanson a même été jouée dans les stades avant les matches suivants du Maroc. Ce succès vous a dépassé ?

"Ghazali" a fait son chemin dans le monde arabe. Mais ce que moi j’essaie de faire, c’est de représenter le Maroc de la meilleure manière. Que ce soit lors d’un concert à Genève, au Canada ou à Londres, j’essaie toujours de représenter dignement le Maroc, j’arbore le drapeau de mon pays. Je veux montrer l’image d’un Maroc qui apporte de la joie, des sourires… Et c’est cela qui est le plus beau dans la musique : apporter de la joie et rassembler les gens.

Justement, quelles sont les réactions de votre public quand vous le rencontrez ?

Que de l’amour ! Je suis toujours heureux de retrouver ce public. Ce qui est aussi surprenant, c’est de rencontrer des personnes, par exemple ici en Belgique, qui ne sont pas marocaines, qui ne parlent pas un mot d’arabe et qui chante "Ghazali" en entier. Quand je vois cela, je me dis que cela fait du bien de partager une partie de sa culture.

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Vous avez 25 ans aujourd’hui. Mais êtes-vous dans la musique depuis longtemps ?

J’ai toujours été dans la musique en fait parce que mon père était chanteur. Et il chante mieux que moi. Il faisait autre chose, c’était un autre style. Mais je me suis un peu inspiré de lui. En grandissant, mon attrait pour la musique et la chanson n’ont cessé de grandir. Alors, oui, quand j’étais ado, comme tous les gamins, je voulais devenir footballeur. Mais la musique a pris le dessus finalement.

Et justement, ce père, votre famille, quel regard porte-t-elle sur votre succès ?

Sur la musique, ils me laissent faire, même si parfois ils me disent pourquoi j’ai pris telle pose dans tel clip vidéo (rires). Par contre, ils me donnent des conseils sur le milieu, l’entourage… Ils sont fiers de moi. Ma maman aime partager mes nouvelles chansons avec ses copines. C’est amusant.

Le succès vous porte mais il vous oblige à répondre à toutes les sollicitations. Comment gère-t-on cela ?

Alors, avec tout ce qui passe, j’ai encore plus faim. Je veux faire plus de choses, travailler davantage… Je veux avoir un planning de travail bien rempli. Ce n’est pas toujours facile, je ne suis pas souvent chez moi, je l’avoue. Mais j’essaie d’en profiter et cela, avec toute mon équipe car, sans elle, il n’y a pas de Dystinct. On vit un rêve en ce moment. La prochaine étape ? Tentons d’abord de profiter du moment présent, d’assurer la sortie de mon nouvel album "Layali" et puis on verra… Le challenge est grand en ce moment. Et je préfère ne pas trop y penser pour ne pas me créer un stress inutile… C’est en tout cas plaisant de pouvoir recueillir une certaine reconnaissance pour son travail.

Justement, ce nouvel album, "Laylali", contient pas mal de collaborations dont des noms de la scène urbaine française comme Naza, Franglish, MHD, Moha K mais aussi la star marocaine de la chanson arabe Hatim Ammor… Cela fait beaucoup de collaborations et pas des moindres…

Je ne force personne à collaborer avec moi. Les choses doivent se faire naturellement, il n’y a rien de vraiment planifié. Si cela doit arriver, cela arrivera. Mais je voulais en fait élargir mon horizon, découvrir d’autres cultures musicales… Sur la chanson "Ku Je Ti" (NDLR : déjà sept millions de vues en moins de deux semaines), je chante avec la chanteuse kosovare Dafina Zeqiri et le rappeur suédois d’origine araméenne Richie Rich. Je trouve cela passionnant de combiner les univers musicaux et que chacun puisse présenter l’univers de l’autre à son propre public. Dans mon premier album "Mon voyage", le titre parlait de lui-même. Je voulais raconter mon chemin, mon parcours dans la musique. Dans ce deuxième album "Layali", qui veut dire "la nuit" en arabe, je veux poursuivre mon récit et notamment expliquer ce que représente la nuit pour moi. Ces nuits au cours desquelles je travaille, je ne dors pas, je suis en studio… Beaucoup d’implication, de fatigue aussi mais pour des résultats qui en valent la peine. Et ce nouvel album est justement un nouveau challenge. J’ai des objectifs. Nous savons clairement, mon équipe et moi, vers où nous souhaitons aller.

"Ghazali" de Dystinct totalise près de 70 millions de vues.
"Ghazali" de Dystinct totalise près de 70 millions de vues. © Avalon Music

Vous êtes néerlandophone, originaire de la région d’Anvers, vous chantez en arabe, parfois en français… Vous avez vécu à Bruxelles aussi…

Mon français n’est pas bon du tout. Je suis beaucoup plus à l’aise en néerlandais, en anglais et en marocain. Oui, j’ai vécu, très peu de temps certes, à Bruxelles. C’était à Jette et dans le quartier Etangs noirs à Molenbeek. C’est un quartier que j’ai vraiment aimé qui représente Bruxelles, une ville où les habitants sont connectés. Quand j’habitais Bruxelles, je connaissais mes voisins et même toute la rue. Ce n’est pas le cas dans d’autres villes. En fait, j’aime énormément Bruxelles car c’est une ville pleine de vie, qui me fait un peu penser à Amsterdam. Et puis on mange très bien à Bruxelles. La sauce andalouse combinée à la sauce blanche, c’est une spécialité (rires). Mon père et mes deux frères vivent toujours à Bruxelles. Et pour la petite histoire, mes deux frères parlent français et pas du tout néerlandais alors que moi, c’est plutôt l’inverse. Pour en revenir à Bruxelles, cette ville compte aussi une importante communauté marocaine. Et c’est cette communauté en général que je veux représenter de manière positive.

Vous cumulez les vues sur Youtube, les concerts… Votre notoriété dans le monde arabe et au sein des communautés arabes dans le monde est établie… Et pourtant, vous n’avez pas la reconnaissance du public belge. Frustrant ?

Une question délicate… Si on veut rester logique, c’est un peu normal. Ma musique est différente de celle qu’on a l’habitude d’entendre à la radio en Belgique. Ensuite, je chante dans une autre langue, l’arabe, le marocain dialectal. Mais c’est vrai que ce qui peut être interpellant, c’est d’obtenir une reconnaissance en Belgique seulement après avoir eu du succès à l’étranger. Mais il faut l’accepter. Car ce qui m’importe, c’est de rendre mon public, quel qu’il soit, heureux. De rassembler les gens.

Dernière question, pourquoi ce nom de scène Dystinct ?

En fait, quand j’ai commencé dans la musique et que celle-ci était plutôt anglophone, je ne pouvais pas me présenter en tant qu’Iliass. Cela aurait sonné un peu en décalage. Puis j’ai choisi Dystinct, qu’on écrit normalement avec un I et non pas un Y. Mais le fait de changer l’orthographe, ça permettait de me 'distinguer', cela me permettait de dire modestement que j’étais unique.

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