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ECHT! : la mécanique du cœur

ECHT! réussit un retour en force avec son deuxième album.

© Mayli Sterkendries

Par Nicolas Alsteen via

Tête de série d'une scène électro-jazz en plein essor, ECHT! met l'humain au cœur de son processus créatif. Impeccable, voire imparable, le deuxième album du quatuor instrumental bruxellois défie les intelligences artificielles via un groove confectionné à la sueur du front, sans unité centrale ni assistance informatique. De quoi se dégourdir les guiboles et renvoyer les robots à leurs algorithmes. Let's dance !

Installée sur les rives du canal, à Anderlecht, une ancienne friche industrielle sert de planque à quelques artisans de la scène locale. L'endroit s'appelle le Volta. Là-bas, retranchés sous les voûtes en béton de leur local de répétition, les garçons de ECHT! s'activent au milieu de leurs instruments. "Nous sommes ici tout le temps", indique le batteur Martin Méreau. "Quand nous ne sommes pas en tournée et que nous devons plancher sur des compos, il nous arrive même de rester enfermé dans cette pièce sept jours sur sept." Pour l'heure, le groupe est justement en plein préparatif. À la veille de la sortie du nouveau "Sink-Along", il s'agit de resserrer les boulons d'une mécanique de mieux en mieux huilée...

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IA IA, Yeah

Sur les rails depuis 2017, ECHT! s'obstine à court-circuiter les logiques du dancefloor en se privant délibérément des machines. Alors que les robots s'adonnent actuellement à la contrefaçon, en pompant les meilleurs plans de Drake, Oasis ou The Weeknd, la démarche du quatuor bruxellois apparaît comme une antithèse des disques générés par les intelligences artificielles (IA). "Notre musique ne ressemble jamais à ce que nous avons en tête", révèle le guitariste Florent Jeunieaux. "Parce qu'au point de départ, nous essayons de jouer comme des machines. Sauf que... nous sommes des humains. Il y aura toujours un décalage entre le rendu final et nos intentions initiales. Pour évoquer notre travail, on s'en réfère souvent aux propos du musicien suisse Jojo Mayer. Pour lui, ce style de musique, c'est de la "rétro-ingénierie" : l'art de reformuler les codages informatiques avec des moyens humains et de véritables instruments." Sorti en plein confinement, le précédent "Inwane" explorait ainsi d'autres façons d'appréhender le dubstep, la drum and bass et le breakbeat. "Notre nouvel album renforce encore cette esthétique", assure Martin Méreau. "Ce n’est pas un disque avec des mélodies évidentes et des itinéraires tout tracés. L'idée, c'est justement de se perdre dans les ambiances, de s'abandonner à la couleur des sons et de laisser une grande place à l’imagination du public."

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Rester sans voix

Véritable plongée dans les profondeurs orchestrées par ECHT!, "Sink-Along" ose le jeu de mots et la référence aux chants collectifs entonnés lors de grands rassemblements populaires ("sing-along"). "À partir du moment où notre proposition est purement instrumentale, ce titre est forcément paradoxal", remarque Florent Jeunieaux. "C'est le but recherché ! Parce que, depuis toujours, les gens nous questionnent sur l'absence de voix dans notre musique. Avec "Sink-Along", nous continuons de poser la question plutôt que d'y répondre. À quoi pourrait bien ressembler nos compos avec du chant ? Au-delà de ça, nous rapprochons les verbes "couler" (to sink) et "chanter" (to sing). C'est une sorte de métaphore sur l'époque dans laquelle nous vivons. Notre société capitaliste va, semble-t-il, droit dans le mur. Pourtant, nous continuons de chanter et de vivre ensemble, en entretenant l'espoir de meilleurs lendemains..."

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GoodGoodNotBad

Sur son nouvel album, ECHT! creuse toujours et encore le même sillon. Avec passion, obstination et minutie, le quatuor bruxellois enfile des instrumentaux influencés par les chefs-d'œuvre servis par J Dilla, Aphex Twin, Jonwayne ou DJ Rashad. Cette façon d'aborder le groove sans passer par les mots évoque inévitablement les prouesses instrumentales d'un groupe comme BadBadNotGood. "C'est un nom qui revient souvent quand on parle de nous", concède Martin Méreau. "Pourtant, ce n'est pas une formation à laquelle nous sommes attentifs. Chez ECHT!, nous sommes plutôt branchés sur des sons enregistrés par des producteurs et beatmakers internationaux. Le seul groupe qui a eu une grosse influence sur notre musique, c'est Pink Floyd. À l'écoute de nos morceaux, ce n'est pas une évidence. Mais en termes de recherche sonore, d'atmosphères et d'abstraction, ça reste l'un de nos points de référence."

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Jeu de scène

Souvent présenté comme le porte-drapeau de la nouvelle scène électro-jazz, ECHT! reste campé sur sa position privilégiée. "Dans mon esprit, le fer de lance de ce mouvement, ça reste quand même STUFF.", observe le batteur Martin Méreau. "Ce groupe est un peu moins actif pour le moment. Cela explique sans doute pourquoi l'attention se focalise davantage sur nous... L'étiquette électro-jazz nous convient. Même si, de l'intérieur, ce n'est pas évident de se prononcer sur cette dénomination. Nous ne jouons certainement pas du jazz, mais nous venons tous de là. Notre rencontre, au Conservatoire de Bruxelles, découle d'ailleurs d'une pratique quotidienne de ce style musical. C'est notre formation commune, mais pas notre terrain d'expression. Nous sommes plutôt attachés aux logiques de l’électro. L'appellation électro-jazz est peut-être incorrecte, mais elle a le mérite d'attirer l'attention du public et des médias. L'avantage, c'est que cela offre une visibilité incroyable à diffférents groupes belges. On ne va pas s'en plaindre !"

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Tournée générale !

Signé sur le label Sdban (STUFF., Azmari, Black Flower), encensé par Gilles Peterson, DJ, animateur radio et boss du label Brownswood (Kokoroko, Shabaka And The Ancestors), ECHT! est en train de s'imposer sur le continent européen. Déjà annoncé sur des festivals aussi prestigieux que les Nuits Sonores en France ou Lowlands aux Pays-Bas, le groupe bruxellois s'apprête aussi à se produire en Angleterre, avec des dates à Londres et Bristol. "Notre formule instrumentale facilite sans doute nos tournées à l'étranger", remarque Florent Jeunieaux. "C'est plus facile de s'exporter sans le chant. À force de jouer des concerts, on se rend compte que notre musique trouve son public dans chaque pays et dans différents contextes. C'est cool de toucher une audience de plus en plus large. À nos débuts, nous étions juste à quatre, dans notre coin, en vrais geeks, à essayer de jouer comme des machines. C'est grâce aux encouragements de nos potes que nous sommes sortis de notre bulle. Leur enthousiasme nous a conduit à faire les choses correctement, avec l'ambition d'aller toujours un peu plus loin." Sur le point de décoller vers de nouveaux horizons, ECHT! s'échauffe d'abord à la maison, le temps d'une première apparition aux Nuits Botanique. Ce sera ce 5 mai. L'occasion de découvrir les morceaux de "Sink-Along", sur scène, en avant-première.

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