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Economie et inflation : la BCE relève ses taux directeurs de 0,25 point, une riche idée ?

Le marché matinal

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Par Kevin Dero sur base d'une séquence d'Aline Delvoye et Sophie Brems via

A l’instar de la FED américaine mercredi, la BCE, la Banque Centrale européenne a relevé ses taux d’intérêt. Cette décision a été prise ce jeudi. Aline Delvoye expliquait dans Matin Première le contexte de cette décision.

Le contexte, c’est une période dans laquelle nous sommes toujours, c’est-à-dire un contexte d’inflation. Les prix grimpent, on parle d’une inflation moyenne de 7% pour la zone euro en avril. Ce qui est bien plus que l’objectif fixé par la Banque centrale européenne, qui veut maintenir cette inflation à 2% en moyenne. Le but de la BCE est d’essayer de contenir cette hausse excessive des prix.

De quoi parle-t-on ?

Tout d’abord revenons sur ces fameux taux directeurs. Charlotte de Montpellier, économiste chez ING, réexplique le terme : "Ce sont les taux qui dirigent l’ensemble des taux d’intérêt. La Banque centrale a un rôle de leader sur les taux, sur les marchés. Elle va fixer un taux de référence qui va servir de base à la création, à la formation de l’ensemble des taux d’intérêt sur les marchés. Par ’ensemble des taux d’intérêt’, je parle des taux à très court terme. Par exemple, une entreprise qui veut emprunter pour trois mois un fond de trésorerie par exemple, mais aussi des taux à plus long terme, quand on veut emprunter pour un crédit à 20 ans, à 25 ans (pour, par exemple, acheter un logement), tous ces taux-là sur le marché, vont être dirigés par les taux directeurs de la banque centrale".

Illustration
Illustration © Getty

Emprunter de l’argent va donc coûter plus cher. Et l’augmentation des taux directeurs d’impacter donc les entreprises et les particuliers. La BCE espère que la hausse des taux d’intérêt va dissuader les ménages et les entreprises d’emprunter et donc de dépenser. Quand il y a moins de dépenses, on fait donc baisser la demande et par ricochet la pression sur les prix. La BCE espère en fait que cela permette de diminuer ou de stopper la hausse des prix.

Décalage temporel

Ce n’est pas la première fois que la Banque centrale européenne le fait. L’institution basée à Francfort a déjà augmenté ses taux directeurs depuis l’été dernier. Et assez rapidement, en passant d’un taux négatif – 0,5% à 3% aujourd’hui. Cela a donc déjà fait baisser le volume des emprunts hypothécaires. Et par là, ça a eu un effet. Aujourd’hui, il était question d’augmenter les taux directeurs encore de 0,25% ou de 0,50%.

 

"Jusqu’à présent, l’inflation paraît encore tout à fait excessive "

Sachons tout de même qu’il y a toujours un décalage assez important entre le moment où la BCE remonte ses taux directeurs et les effets sur l’économie réelle. Comme le constate aussi Éric Dor, professeur d’économie et directeur des études économiques à l’IESEG School of Management à Paris et à Lille : "Toutes les études scientifiques sur le sujet montrent qu’il faut au moins un an pour que la politique monétaire ait des effets sur l’économie réelle. Donc c’est encore un peu trop tôt. On voit bien quelques frémissements d’un retournement à la baisse, peut-être, de l’inflation. Encore que ça dépende des prix de quoi ? Jusqu’à présent, l’inflation paraît encore tout à fait excessive".

A voire aussi, situation dans l’immobilier, dans notre JT du 28 avril

Voir le positif

Cela devrait donc finir, si on en croit les économistes, par avoir un effet sur l’inflation. Mais remonter les taux directeurs implique d’autres effets, notamment en ce qui concerne les banques. Tout d’abord voyons le positif : les – et notamment les banques belges — ont déposé beaucoup de liquidités auprès de la banque centrale. Cela leur apporte déjà aujourd’hui, avec le taux directeur à 3%. La BCE a décidé encore d’augmenter ces taux, cela amène à du 3,25%. Et ça, c’est une très bonne nouvelle pour la rentabilité des banques…

Siège de la BCE à Francfort
Siège de la BCE à Francfort © Getty

Envisager le négatif

Le revers de la médaille, c’est une déstabilisation possible due à cette hausse des taux. L’économiste Eric Dor explique pourquoi : "Les banques détiennent en portefeuille des obligations, des titres financiers – par exemple des obligations émises par l’État belge —. Et lorsque les taux d’intérêt montent, la valeur de revente de ces obligations, si jamais il voulait s’en défaire avant terme, diminue sur le marché". Pure logique souligne-t-il : "On ne va pas payer le même prix pour une obligation qui rapporte un demi-pour cent que pour une obligation qui en rapporte 3%". Donc forcément, pour Eric Dor, "celle qui ne rapporte plus qu’un demi-pourcent émis dans le passé perd de la valeur".

De l’importance d’une bonne communication

Il y a donc un risque si les banques se retrouvent obligées de vendre leurs obligations d’État, si elles devaient faire face à des retraits massifs. Mais force et de constater qu’a priori, rien ne devrait mettre les banques dans cette situation si le marché reste serein et confiant. Les grandes banques européennes possèdent beaucoup de liquidités et les mécanismes de régulation sont forts.

Aujourd’hui, l’important, c’est aussi la communication de la Banque centrale européenne. Comment voit-elle la situation des prochains mois ? La réponse réside dans la décision annoncée ce jeudi.

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