Tendances Première

Education: l’hyper-parentalité, un concept dont il faut se détacher en ces temps d’incertitude selon Bruno Humbeeck

Tendances Première : Les Tribus

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Par RTBF La Première via

L’hyper-parentalité devient aujourd’hui injouable, déjà avec la profusion des écrans. Mais il n'est pas facile non plus de planifier pour nos enfants un monde parfait, en ces temps de pandémie, de guerre à nos portes. Sans compter une forme d’incertitude générale, à la fois par rapport à la planète et au climat, et à la fois sur ce que nos enfants vont devenir plus tard. Analyse du psychopédagogue Bruno Humbeeck.

L’hyper-parentalité n’est ni une maladie ni désordre, mais une tendance, celle de parents très exigeants vis-à-vis d’eux-mêmes, qui ont décidé de mettre au monde non pas un enfant, mais un enfant heureux et destiné à le demeurer jusqu’à la fin de leur vie. Mais tout faire pour son enfant, c’est aussi étouffer pour lui.

Nous vivons aujourd'hui dans une incertitude complète qui rend la position des parents très difficile. Bruno Humbeeck observe en particulier une crispation intense au niveau de l’école, en particulier en ce qui concerne le CEB. Les parents sont hyper-tendus, comme si l’avenir de leurs enfants allait se jouer avec le CEB !

L'hyper-parentalité : un phénomène encore méconnu

"Il faut qu’ils se détendent, car c’est eux qui créent la tension dans l’acte pédagogique, parce que les résultats scolaires ne sont pas des prédicteurs absolus de réussite de la vie de l’enfant. […] Le but du jeu est d’aider son enfant à trouver la bonne chaussure. Il n’y a pas que l’école comme source de développement. L’enfant n’est pas le bulletin, il n’est pas que l’élève, que l’étudiant. Il y a des tas de façons de réussir sa vie."

Redéfinir le bonheur

La désillusion est très forte pour le moment. Alors, il faut sans doute, en ces temps d’incertitude, modifier un certain nombre de manières de concevoir ce qu’on proposait en tant qu’hyper-parents à nos enfants. On sait, par exemple, que la joie continue, le contentement permanent, la satisfaction totale, ne sont pas possibles.

Il faut pouvoir ensemble définir autrement le bonheur, accepter que nous sommes dans des zones d’incertitude, accepter le renoncement à la triple illusion de la perfection et d'éviter les attentes éducatives excessives : je dois être un parent parfait, mon enfant doit être un enfant parfait, le monde doit être parfait.

Un changement de paradigme est nécessaire

Nous, adultes, n’avons pas particulièrement appris à gérer l’incertitude.

C’est parce que nous avons subi moins massivement l’hyper-parentalité, parce que pour la plupart d’être nous, nous sommes des heureux événements, éventuellement des accidents. Nos parents se sentent beaucoup moins responsables de notre venue au monde, explique Bruno Humbeeck,

"Par contre, pour cette génération-ci, les enfants ont été quasiment convoqués à naître. Il y a une forme de programmation de la naissance. Les parents se sentent donc hyper-responsables de leur venue au monde. C’est pour cela que pour le moment, c’est encore beaucoup plus compliqué d’être parents. Est-ce une bonne idée de convoquer à naître un enfant dans un tel monde ? Et donc, la posture de l’hyper-parent est très inconfortable."

Chasse aux fausses idées

Si l’on ne change pas de paradigme éducatif par rapport à cela, si on continue avec cette hyper-parentalité qui se concentre sur le développement individuel de l’enfant, on risque de produire des enfants-tyrans qui sont même, à terme, un danger pour la démocratie, parce qu’ils ne seront plus sensibles à ceux qui sont autour d’eux.

Il faut rendre l’enfant sensible aux émotions de chacun à l’intérieur de la famille. On n’est plus sur ce focus intégral porté sur le développement de l’enfant, parce que ce modèle a sans doute atteint ses limites.

© Getty Images

Comment faire pour ne pas devenir hyper-parent ?

Être hyper-parent, ce n’est pas un défaut, c’est juste une tendance. Mais pour éviter de le devenir, il faut garder à l’esprit que la véritable posture soutenante par rapport à notre enfant, notamment en période d’évaluations, est d’être disponible sans être envahissant. On doit être là pour lui.

Être envahissant, c’est être invasif parce que l’enfant est censé nous rapporter les résultats attendus, comme une fiche de paie, qui atteste de son travail, de ses efforts ou qui nous rassure sur l’étendue de ses qualités.

Beaucoup d’enfants sont tétanisés, non pas par l’effet que va produire le bulletin sur eux, mais par l’effet qu’il risque de produire sur leurs parents. C’est pour cela que le parent doit rassurer d’emblée. L’enfant sait qu’il y a bien sûr des attentes, mais elles gagnent à être explicites.

La pression aux résultats

Il y a cependant une pression sociale aux résultats scolaires, aux performances scolaires, dont le parent doit protéger son enfant et lui garantir un avenir heureux. Le but, à l’école, n’est pas d’obtenir des performances, il est de préserver son plaisir d’apprendre, en réalisant un parcours qui ne va pas fermer des portes.

Les adolescents sont très forts pour fixer eux-mêmes l’effort suffisant, mais pas excessif, par rapport à ce qui est attendu. Avec souvent une forme d’incompréhension de la part des parents, qui parlent de crise d’adolescent, alors qu’ils sont plutôt eux-mêmes en crise, parce qu’ils se demandent ce qu’ils vont faire de lui, observe Bruno Humbeeck.

" Ramène-moi un beau bulletin " : quand, déjà, on signifie cela à un enfant tout-petit, notamment à l’âge du CEB, cela fait peur. Il y a énormément de parents stressés et donc d’enfants stressés, alors qu’ils ne sont absolument pas en danger sur le plan de la réussite, mais simplement parce qu’on veut une réussite supérieure à celle des autres, de l’ordre de l’excellence."

L’école de l’excellence ? Il faut apprendre à accepter l'imperfection du monde

Certaines écoles poussent aussi à l’excellence. Le rôle du parent est alors toujours de dire : "Mais mon enfant a d’autres qualités, il peut se développer dans d’autres domaines". Il faut savoir qu’il n’y a pas de corrélation entre les résultats scolaires et la réussite ultérieure dans la vie, en termes de performance.

Le parent peut faire paravent face à cette agression que fait l’école, lorsqu’elle oblige les enfants à mettre une pointure qui ne leur convient pas, une forme d’intelligence qui convient à un certain nombre seulement.

Si on a un enfant qui a des difficultés, notre rôle de parent est de lire le bulletin avec lui de façon à rendre son avenir toujours ouvert, à ne pas fermer de portes. Ce n’est pas exiger de lui des performances ou plus d’efforts !


Pour aller plus loin : Et si nous laissions nos enfants respirer ? – Comprendre l’hyper-parentalité pour mieux l’apprivoiser, un livre de Bruno Humbeeck, paru à La Renaissance du Livre.


 

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