Mais, pour Régis Leymarie, délégué adjoint Normandie du Conservatoire du littoral, intervenir, résister n’a pas de sens : "Le rapport coût/bénéfice n’est pas favorable. Les coûts sont colossaux. En tout cas dans les endroits où il n’y a pas d’enjeux humains, il vaut mieux accompagner le phénomène, et, par exemple, déplacer un sentier du littoral. Il faut qu’on réapprenne que le littoral est une interface mobile. L’homme du 20e siècle l’a oublié !"
Il faut qu’on réapprenne que le littoral est une interface mobile. L’homme du 20e siècle l’a oublié !
Stéphane Costa abonde dans le même sens, et donne l’exemple du secteur de Ault-Onival, au nord de Dieppe. Dans les années 70, on y a placé un confortement sur les falaises. "La commune s’est endettée pendant quarante ans, or la falaise est en train de se fracturer à nouveau, elle va s’effondrer. Donc, on peut tout à fait décider de protéger un endroit mais ce ne sera que momentané. On se donne juste du temps pour se replier."
L'érosion côtière rattrape l'urbanisation
L’érosion côtière rattrape aujourd’hui l’urbanisation qui s’est approchée un peu trop près du rivage, résume le professeur. Des villages sont déjà menacés, comme Criel-sur-Mer, en France. Ou Happisburgh, en Angleterre. En 20 ans, 35 maisons y ont été englouties.
Paradoxalement, l’érosion des falaises leur apporte une protection naturelle : les matériaux érodés viennent alimenter les plages, qui protègent les pieds des falaises. "Les sédiments sont le meilleur tampon protecteur contre l’assaut des houles" confirme Stéphane Costa.
Or, pendant longtemps, on a extrait des quantités astronomiques de sables sur les côtes européennes, pour la construction, pour les routes. Cela a donc participé à la fragilisation de nos côtes.
Une accélération des vitesses de recul
Mais l’érosion des falaises est évidemment le résultat d’une multiplicité de facteurs : les ruissellements, les infiltrations, l’alternance gel/dégel, l’attaque de la mer au pied des falaises, l’évolution du toit de la nappe phréatique à l’intérieur de la falaise.
Et, même si ce n’est encore qu’une hypothèse scientifique, elle devrait s’intensifier : "On pense que l’attaque de la mer est le facteur le plus important. Or, elle va s’accentuer avec l’élévation du niveau de la mer due au changement climatique. On imagine donc qu’il va y avoir une accélération des vitesses de recul des falaises."
La capacité de résilience des littoraux, des écosystèmes, on la voit tous les jours.
Face à cela, Régis Leymarie, du Conservatoire du littoral, veut rappeler, qu’en ce qui concerne les espaces naturels, des formes d’adaptation sont possibles : "La capacité de résilience des littoraux, des écosystèmes, on la voit tous les jours."
Cet article a été publié pour la première fois le 16 avril 2021.