Le fonctionnement de la zone a évolué : il y a eu un système de contrôle des passagers aériens, l’agence européenne des gardes-frontières et garde-côtes Frontex, de nouvelles règles… Et le système est appelé à évoluer. Une idée notamment portée par le président français Emmanuel Macron qui évoque une "refondation".
Pour la Commission européenne, il fallait renforcer les frontières extérieures de cet espace. Avec le déploiement de contingents supplémentaires pour le corps Frontex, qui devrait atteindre 10.000 gardes-côtes et gardes-frontières d’ici 2027. Avec plus de coopération policière, avec aussi la pleine interopérabilité d’ici 2023 des systèmes d’information pour l’enregistrement des entrées et sorties de Schengen. Avec, et c’est le plus compliqué pour l’instant, une réforme de la procédure d’enregistrement des arrivées de migrants.
La pomme de discorde des migrations
L’Italie notamment se rebiffe. Elle ne veut pas supporter toute seule la charge de la migration vers l’Europe. Elle n'est pas seule. L'Autriche, la Belgique font aussi face à un afflux de demandeurs d'asile, dont beaucoup ont déjà été enregistrés dans un autre Etat membre ou y ont une procédure d'asile en cours.
La secrétaire d'État belge à l'asile et la migration, Nicole de Moor, a organisé mercredi une réunion avec plusieurs de ses homologues européens, réclamant "l'application correcte" du règlement de Dublin qui prévoit que le pays d'arrivée dans l'Union d'un migrant est en charge de sa demande d'asile.
Sur la route des Balkans occidentaux, quelque 139.500 entrées irrégulières dans l'Union ont été détectées depuis janvier, selon Frontex. Un chiffre toutefois loin des 764.000 entrées enregistrées en 2015, au moment de la crise des réfugiés.
La situation a notamment conduit l'Autriche et la République tchèque à réintroduire des contrôles aux frontières et poussé la Commission européenne à présenter un plan d'action pour tenter de réduire l'afflux par cette voie, comme elle l'a fait pour la route de la Méditerranée centrale.
La Commission propose entre autres de déployer l'agence européenne Frontex non seulement aux frontières de l'Union avec les Balkans occidentaux mais également entre ces pays. Elle appelle aussi ces Etats (Albanie, Bosnie-Herzégovine, Monténégro, Macédoine du Nord et Serbie), dont les ressortissants n'ont pas besoin de visa pour se rendre dans l'Union, à s'aligner sur la politique de visas de l'Union.
La Serbie, accusée de contribuer à la hausse des arrivées de migrants dans l'Union, a commencé à le faire, en arrêtant de dispenser de visas les Tunisiens et les Burundais.
Roumanie et Bulgarie recalées
Cela fait plus de dix ans que la Roumanie et la Bulgarie patientent dans l’antichambre de Schengen. La Commission européenne réclame cet élargissement de longue date et a renouvelé son appel en novembre.
Bucarest et Sofia ont rejoint l’Union européenne avant Zagreb, dès 2007, et remplissent les critères techniques depuis 2011, mais il leur a été demandé des progrès en matière de justice et de lutte anti-corruption.
Placés sous la surveillance du Mécanisme de coopération et de vérification, les deux pays danubiens en sont sortis en 2019 pour la Bulgarie et le 22 novembre dernier pour la Roumanie.
Des pays réfractaires comme la Suède ont revu leurs positions ces derniers mois suite aux efforts fournis par la Roumanie, notamment face à la gestion des réfugiés ukrainiens et à l’importance stratégique du pays pour l’Otan. Dernièrement les Pays-Bas ont fait de même et donnent leur feu vert à la Roumanie mais restent préoccupés par la Bulgarie.
Veto autrichien
Mais l’Autriche a durci son discours, dénonçant un afflux de demandeurs d’asile qui s’aggraverait en cas d’élargissement de l’espace Schengen.
"Je voterai aujourd’hui contre l’élargissement de Schengen à la Roumanie et la Bulgarie", a annoncé le ministre autrichien de l’Intérieur Gerhard Karner en arrivant à Bruxelles. Le refus de Vienne reflète surtout des enjeux de politique intérieure, dans un contexte de montée de l’extrême droite dans les sondages.
L’Autriche fait face à une forte hausse des demandes d’asile et redoute que la levée des contrôles aux frontières avec ces deux pays accroisse encore les arrivées de migrants. "Cette année, nous avons enregistré plus de 100.000 passages illégaux de la frontière en Autriche", ajoute le ministre autrichien.
"Ils ne passent pas par la Roumanie", mais majoritairement par la Serbie, a réagi le ministre roumain de l’Intérieur Lucian Bode, faisant référence aux plus de 128.000 migrants comptabilisés de janvier à octobre par l’agence européenne Frontex sur la "route des Balkans de l’Ouest".
Cette route passe aussi par la Hongrie, qui a construit un mur à sa frontière sud avec la Serbie. Mais les barbelés voulus par Viktor Orban s’avèrent une passoire. Les passages clandestins continuent de plus belle : soit en perçant physiquement les grillages installés à grand prix après la crise migratoire de 2015, soit avec l’aide de passeurs prêts à tout pour échapper aux policiers et aux "chasseurs frontaliers" hongrois.
Ces passages en camionnettes ou en fourgon se poursuivent au-delà, vers la Slovaquie et l’Autriche où des incidents meurtriers ont eu lieu cette année lors de courses-poursuites avec les gardes-frontières autrichiens.
Outre l'Autriche, un autre Etat membre, les Pays-Bas, s'est prononcé contre l'entrée de la Bulgarie dans Schengen. Le ministre néerlandais de la Migration, Eric van der Burg, avait expliqué jeudi que son pays avait des inquiétudes concernant "la corruption et les droits humains" dans ce pays et demandait un nouveau rapport à la Commission sur ces points. "Pour nous c'est un oui à la Croatie et un oui à la Roumanie", avait-il dit.
La Commission européenne a promis de veiller à ce que la demande de la Bulgarie et de la Roumanie soit de nouveau examinée l'année prochaine par les ministres de l'intérieur.
Un maire allemand d'une ville roumaine demandait l’ouverture de Schengen
La fin de non-recevoir adressée à la Bulgarie et la Roumanie risque de renforcer l’euroscepticisme dans ces deux pays, notamment en Bulgarie qui a déjà eu quatre élections ces deux dernières années.