Élections de mi-mandat aux États-Unis : les ravages du changement climatique n’ébranlent pas les convictions en Floride

Après l’ouragan, une bonne gestion de la catastrophe

Les Américains sont appelés non seulement à élire la Chambre des Représentants, mais aussi à renouveler un tiers du Sénat. En Floride, ils doivent également élire leur gouverneur. Les intentions de vote donnent une large avance au gouverneur républicain sortant Ron DeSantis, face à son challenger démocrate Charlie Crist.

Lors de sa visite en Floride pour constater les dégâts de l’ouragan Ian, le président Joe Biden avait félicité le gouverneur républicain, Ron DeSantis, pour sa bonne gestion de la catastrophe. De quoi couper l’herbe sous le pied du challenger démocrate.

En ce mois de novembre, la chaleur reste accablante : selon les régions, il fait encore plus de 30 degrés. Tous ceux que nous avons interrogés, qu’ils votent pour les démocrates ou les républicains, reconnaissent, dans les faits, le changement Climatique.

Alors, pour lutter contre les inondations qui vont revenir, les autorités font des aménagements d’urgence, des stations de pompages, des murets, des rues surélevées. Le gouverneur Ron DeSantis a mis à disposition des autorités locales plus d’un milliard de dollars pour ces projets.

A Miami Beach, on a les moyens de se protéger

Autre carte postale de la Floride : Miami Beach, ville cernée par les eaux, qui n’est reliée que par des ponts à la partie continentale de Miami. Ici, les prix de l’immobilier ont bondi de 30% depuis le Covid. "Nous avons beaucoup de chance, nous avons une assiette fiscale solide", se félicite Dan Gelber, le maire démocrate. "Nous sommes en mesure de lever des fonds pour mettre en œuvre un programme pour surélever les routes. Nous avons surélevé 17 km de routes. Nous avons installé une douzaine de stations de pompage d’eau. Quand le niveau de l’eau augmente, on évacue l’eau assez rapidement, même quand il y a une grosse tempête."

Pour le GIEC, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, la Floride est l’état le plus impacté des Etats-Unis par les changements climatiques. Les inondations de plus en plus récurrentes ne sont qu’à leur début. D’ici la fin du siècle, le niveau de la mer s’élèvera de 2 mètres. Les deux tiers de Miami seront submergés.

Les investisseurs rassurés

Alors, les routes surélevées et les stations de pompage sont-elles de solutions à court terme ? "Les murs installés contre la montée des eaux, sont des solutions à long terme, assure le maire. Ceux-ci sont valables probablement pour 30 à 40 ans. La question c’est, comment diminuer les émissions de gaz à effet serre ? Nous avons des stations de recharges électriques dans toute la ville. Nous voulons être entièrement électrique dans les prochaines années. C’est aussi quelque chose que chacun doit faire de son côté quand il le peut."

Les mesures adoptées jusqu’à présent à Miami Beach semblent en tout cas avoir suffisamment rassuré les habitants et les investisseurs. "Nous avons mené une étude qui indique que les valeurs dans l’immobilier ont au contraire augmenté, assure Dan Gelber. L’une des raisons pour lesquelles les acheteurs se sentent en sécurité, c’est que nous faisons tout le nécessaire pour que les routes ne soient pas inondées et qu’elles soient praticables. En fait, là où nous avons mis en œuvre des solutions d’ingénieries, les valeurs immobilières augmentent encore plus…"

Le salut par la technologie

Astrid Vatterodt est propriétaire d’une maison en bord de mer, à Miami Beach. Elle est affiliée au parti démocrate. Malgré la menace de la montée des eaux dans les prochaines années, elle assure qu’elle ne quittera pas les lieux. Pour elle, la science apportera les solutions à la menace climatique. "Ces deux dernières décennies, les développements technologiques et l’innovation ont été très rapides. Je suis très confiante dans le fait que, si nous investissons dans les bonnes solutions techniques et dans les bonnes ressources, nous pourrons sauver beaucoup de choses."

"Par exemple, si vous regardez aux Pays-Bas, ils sont très familiers avec l’augmentation des niveaux de l’eau, et la construction de digues, poursuit Astrid. Ça, ce sont de bonnes solutions à court terme. Miami a investi dans les pompes à eau. Et je pense que c’est très important de trouver des nouvelles technologies pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, de nouvelles technologies pour les voitures. C’est très facile dans la vie de tous les jours d’intégrer les changements. Vous savez nous sommes en pleine crise de l’énergie, ça paraît simple, mais éteindre les lumières…"

Enthousiaste sur les progrès techniques pour éviter les catastrophes climatiques, Astrid avoue ne pas avoir investi elle-même dans les énergies renouvelables, comme les panneaux solaires.

Little Haïti, victime de la gentrification climatique

De plus en plus de familles choisissent de s’installer dans les quartiers construits sur un terrain plus élevé. A une demi-heure de route de Miami Beach est perché Little Haiti, un quartier historiquement à faible revenu, peuplé par des minorités haïtiennes.

Ce nouvel engouement pour les hauteurs y a fait grimper les loyers. Beaucoup d’habitants ont dû quitter leur quartier. Les sociologues parlent de "gentrification climatique".

Dr Mai Christian est propriétaire d’une maison depuis plus de 40 ans. Elle est harcelée par les promoteurs immobiliers : "Ils ont fait exploser mon téléphone", dit-elle. "Maintenant, on essaye de nous faire partir d’ici. Les gens de Miami Beach ont vu ce qui s’est passé à Fort Myers, avec les inondations. Ils viennent ici. Les compagnies d’assurances débarquent, et nous font payer plus cher les polices d’assurance. L’assurance de maison est passée de 2000 à 11.000 dollars !"

Des paroles mais pas d’action

Michael Clarkson est membre de Catalyst, une association qui défend la communauté de Little Haïti. Il vote pour les démocrates, même s’il les accuse de ne pas réaliser leurs promesses. "Ce sont des hypocrites. Les gens attendaient beaucoup de Joe Biden. Est-ce que les choses ont changé ici ? Ce ne sont que des paroles. Parmi les plus grands climatosceptiques, il y a des démocrates ! Ce sont des entrepreneurs, des financiers, des boursiers… Ils n’aident pas les gens."

Les défenseurs de l’environnement veulent des solutions à long terme. Ils comptent notamment, sur le plan climat de Joe Biden, une loi adoptée cet été pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre.