En Occident, beaucoup de femmes font face au problème du plafond de verre. Est-ce similaire en Russie ou pas ?
"J’aime aussi parler de l’ensemble de l’Occident, c’est un terme qui existe chez nous. Mais à mon avis ce n’est pas correct et dans chaque pays de l’Union européenne ou des Etats-Unis, la France, l’Allemagne, le Portugal, l’Espagne, l’Italie, etc., il y a des traditions respectives."
"J’ai travaillé en Occident, j’ai beaucoup d’amis et de collègues qui travaillent et qui habitent là-bas. Dans chaque pays il y a des bonnes et des mauvaises choses, le problème du plafond de verre ou celui du matriarcat, la politique de genre qui est parfois étrange et que je ne comprends pas forcément. Partout, il y a des particularités, il ne faut pas simplifier, il faut regarder chaque cas de figure et le comprendre. Mais dans notre pays et du point de vue de la législation, il n’y a pas de restriction dans l’opinion publique. Personnellement, je ne vois pas d’entrave.
Nous avons eu des dirigeantes, des impératrices. Tous les pays n’ont pas la fierté d’avoir cette histoire
"Historiquement, il n’y a pas eu de moment où il a fallu dépasser certains stéréotypes. Regardez l’histoire, il y a 300 ans ou même plus, puis pendant les temps modernes, les femmes ont toujours joué un rôle particulier. Nous avons eu des dirigeantes, des impératrices. Tous les pays n’ont pas la fierté d’avoir cette histoire. Donc je ne vois pas de problème."
"À mon avis cela dépend du choix intérieur de chaque femme. Dans notre pays, les femmes veulent avoir le temps pour tout. Elles veulent être belles, elles veulent rester femme, elles veulent faire leur carrière, elles veulent être indépendantes d’un point de vue financier, elles veulent avoir une famille et en même temps elles veulent avoir un mari qui correspond à tous leurs critères. Et parfois elles ne comprennent pas qu’il est difficile de combiner tous ces aspects. Parfois, il faut savoir faire un compromis. Et c’est souvent dans la recherche de ce compromis que surgissent les problèmes."
"Dans notre département, il y a beaucoup de femmes. Au ministère, chaque année il y a de nouvelles femmes. 50% de femmes occupent un poste au ministère. Ce chiffre peut varier, mais c’est un pourcentage global. Auparavant, dans l’Union soviétique, la diplomatie, ce n’était pas pour les femmes, mais, aujourd’hui, les jeunes ne voient pas de restrictions, le chemin est ouvert."
Les prochaines élections en Russie auront lieu ce 19 septembre 2021. Y a-t-il assez de femmes à la Douma ? Faut-il plus de femmes au pouvoir ? Et de manière plus générale, les droits des femmes doivent-ils encore être améliorés en Russie ?
"Je pense que ce sont les femmes qui doivent le déterminer elles-mêmes. A mon avis, il est impossible de le faire à la place des femmes. On ne peut pas dire à une femme : 'Toi, tu es obligée d’aller à la Douma, parce que la Douma manque de femmes'. Personne ne peut dire à l’électorat féminin qu’il doit voter pour les femmes parce qu’il y a peu de femmes à la Douma. Si une femme veut y entrer et devenir députée, elle doit faire une campagne qui est digne, proposer son programme, sa vision, sa candidature. Et ce n’est qu’après que l’électorat fait son choix."
"Par exemple, en France, – je ne connais pas le cas de la Belgique – à l’époque j’étais très étonnée en apprenant que dans le ministère des Affaires étrangères, il y avait des quotas, avec par exemple un nombre déterminé de femmes pour certaines postes. Je pense que c’est un peu étrange, parce qu’il n’y a pas une bonne concurrence dans ce cas-là. Or, la concurrence, c’est le gage de nombreux processus. Cette compétitivité normale est nécessaire. Ta carrière ne doit pas dépendre du fait qu’on te désigne à tel ou tel poste, mais elle doit se construire parce que tu es digne, tu es prête du point de vue professionnel."
"De plus, ces quotas mettent en question les qualités professionnelles des femmes. C’est un peu humiliant à mon avis. Et cela crée de nombreux problèmes. Mes collègues français du ministère des Affaires étrangères français me disaient qu’il n’était pas possible de remplir tous les postes à responsabilité parce qu’il n’y avait pas assez de femmes et qu’on ne pouvait pas désigner un homme. Il y a un mot en russe qui signifie qu’on est allé un peu trop loin, et à mon avis c’est le cas dans cette situation-là. Il ne faut pas imposer quoi que ce soit, il faut suivre le choix de la femme. Si la femme se sent capable de participer au processus politique, elle doit avoir le feu vert […]"
Comment voyez-vous le futur de votre carrière ? Est-ce que vous visez un poste de ministre ? Et si oui dans quel domaine ?
"Puisque vous me donnez carte blanche et que vous me dites 'sans fausse modestie', alors je peux répondre en toute franchise. Tous les journalistes ne me posent pas des questions pareilles ou ne me proposent pas de nier toute modestie. Alors en réponse et en guise de remerciement, je peux vous dire je veux être heureuse en tant que personne et en tant que femme. Qu’est-ce que je dois avoir pour ça ? Je vais voir."