Ces bénéfices se sont estompés car la croissance n’est pas allée de pair avec une augmentation de la productivité.
D’après Ahmet Insel, journaliste et économiste turc, en Turquie, lorsque la croissance augmente, le déficit de la balance commerciale augmente également : "Pour pouvoir produire, on a besoin d’importer des biens d’équipements et des biens intermédiaires. Il n’y a pas eu de substitution de la production industrielle locale à la production importée des biens intermédiaires. Cette faible augmentation de la productivité est donc surtout une utilisation massive des moyens budgétaires pour la construction, pour les travaux publics, pour les grands projets qui amènent évidemment de l’emploi, une croissance. Mais ces activités sont de faible capacité à augmenter la productivité".
L’autre cause de la crise économique turque c’est la politique monétaire menée par le président ces dernières années. Erdogan a fait baisser les taux d’intérêt à neuf reprises, de 19% en 2021 à 8% aujourd’hui.
Au même moment, la Réserve fédérale américaine et la Banque Centrale européenne faisaient exactement l’inverse et remontaient leurs taux directeurs. L’attitude de la Turquie est donc totalement à contre-courant.
Pourquoi Erdogan s’entête-t-il de la sorte ? Parce qu’il estime, à l’opposé de l’avis des économistes, que des taux d’intérêt élevés favorisent l’inflation. Il a aussi limogé trois gouverneurs de la Banque centrale, qui avaient émis des réserves sur ses théories. "Pour des raisons à la fois de croyance religieuse et en même temps pour soutenir la croissance coûte que coûte Recep Tayyip Erdogan a ordonné à la banque centrale de réduire les taux d’intérêt d’une manière drastique. Alors nous sommes dans une situation que je crois que peu de pays connaissent actuellement : nous avons un taux d’inflation autour des 50 à 60% et les taux d’intérêt des banques sont de 10%. Vous comprenez qu’il y a une fuite devant la monnaie. Les banques donnent des taux d’intérêt officieusement un peu plus élevés, l’état s’endette mais à des taux d’intérêt de 10%. Si jamais le gouvernement est obligé d’augmenter ses taux d’intérêt, tous les papiers du trésor public qui sont dans les mains des banques vont se déprécier. Donc il peut y avoir une crise financière, tout est en instabilité" explique encore le journaliste et économiste turc.