Belgique

Élections en Turquie : pourquoi les Belgo-Turcs choisissent-ils majoritairement Erdogan ?

Pourquoi les Turcs de Belgique votent-ils en faveur de Recep Tayyip Erdogan? (LP 25/05/2023)

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Les Belgo-Turcs sont le cinquième groupe d’origine immigrée vivant en Belgique, le troisième en Flandre. 85.000 d’entre eux ont voté au premier tour de l’élection présidentielle turque, le 14 mai dernier. 72,31% ont choisi le président sortant Recep Tayyip Erdogan et seulement 24,65% ont voté pour le candidat de l’opposition Kemal Kiliçdaroglu. Les résultats sont similaires dans les pays voisins, aux Pays-Bas, en Allemagne, en France et au Luxembourg.

Des immigrés d’origine différente

Les Turcs sont arrivés massivement en Belgique dans les années soixante comme "travailleurs invités". C’était une population pauvre, originaire d’Anatolie centrale et venue travailler dans le secteur de la construction et, bien sûr, des mines. Après les coups d’État militaire de 1971 et 1980, c’est un autre type d’immigration qui arrive : les réfugiés politiques, les Kurdes, les Arméniens, les Assyriens, les Araméens. Ils sont instruits, politisés, engagés.

Aujourd’hui, la diaspora turque majoritaire en Belgique est constituée des descendants, enfants et petits enfants des Turcs arrivés dans les années soixante. "Ce sont eux qui votent majoritairement pour Erdogan", explique Dogan Özgüden, journaliste exilé en Belgique depuis 50 ans. Les descendants des travailleurs pauvres ont gravi l’échelle sociale.

"Lavage de cerveau"

"Ils sont devenus des commerçants prospères, des hommes d’affaires, ils exercent des professions libérales ou sont fonctionnaires. Quand ils vont en Turquie, ils apprécient leur pouvoir d’achat élevé, d’autant plus avec la crise économique profonde que traverse le pays".

Mais le plus important pour Dogan Özgüden, c’est "le lavage de cerveau" exercé par l’AKP (Parti pour la Justice et le Développement) depuis 20 ans. Le parti du président contrôle fermement les représentations turques basées à l’étranger, que ce soit les consulats, les associations culturelles et bien sûr les mosquées.

Des représentants de l’AKP viennent régulièrement rencontrer les Belgo-Turcs à travers tout ce réseau d’influence et exacerber les sentiments nationaliste et religieux.

La fierté nationaliste et religieuse

L’identité musulmane est une identité importante pour les Belgo-Turcs, vécue de manière fière et positive, à la fois religieusement et politiquement. Le président Erdogan a su en jouer parfaitement en autorisant le port du voile islamique dans les écoles et les universités où il était interdit. Une décision vécue par beaucoup comme un signe de liberté, dans un État où la laïcité a été longtemps l’un des chevaux de bataille du pouvoir autoritaire.

Les électeurs d’Erdogan admirent le leader fort, défenseur du monde musulman, et qui tient tête aux États-Unis, à la France dont il n’hésite pas à insulter le président, et à Israël. Ils mettent en exergue le développement des infrastructures de la Turquie mais refusent de voir les emprisonnements de magistrats, d’avocats, d’enseignants, d’écrivains, de journalistes, de défenseurs des droits humains.

Une presse aux ordres

Ce conditionnement, cette "emprise" disent les opposants, est aussi renforcé par la presse turque. "Avant Internet, les grands journaux proposaient une édition européenne à destination de la diaspora. Aujourd’hui, les grands titres de la presse quotidienne sont à la botte du président Erdogan", raconte le journaliste dissident Dogan Özgüden.

Les 20 années d’exercice du pouvoir ont permis à l’AKP de renforcer son emprise, au départ assez faible, sur les médias turcs : presse écrite, radio et télévision. Le processus s’est appuyé tout à la fois sur la création de nouveaux médias, favorables au parti au pouvoir, et sur la prise de contrôle de grands groupes médiatiques. Les voix critiques ont été emprisonnées, ont dû se taire, rentrer dans le rang ou s’exiler.

Une Europe du centre pro-Erdogan

Le vote au premier tour des 5 millions de Turcs européens est quasi identique à la Belgique chez nos voisins directs. Les électeurs ont été 68,4% à voter Recep Tayyip Erdogan aux Pays-Bas, 65,4% en Allemagne, 64,2% en France et 59,2% au Luxembourg.

Par contre, son adversaire Kemal Kiliçdaroglu domine au Royaume-Uni, en Suède, en Europe du sud et dans les Balkans.

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