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Elections législatives en Finlande : un bataille serrée en perspective, Sanna Marin en danger, sur fond de rattachement à l'Otan

Une affiche électorale de la présidente du Parti social-démocrate SDP et Premier ministre finlandais Sanna Marin.

© AFP - JONATHAN NACKSTRAND

Par Paul Verdeau avec AFP

Ce dimanche, les Finlandais se rendent aux urnes pour élire leurs députés, dans un contexte particulier, trois jours après les dernières ratifications qui vont permettre au pays d'intégrer l'Otan. Il faut dire que la guerre en Ukraine a réveillé des traumatismes en Finlande, voisine de la Russie, qui a tenté plusieurs fois dans l'histoire d'envahir le pays, notamment en 1939 et 1941. Jusqu'au début de la guerre, une majorité de Finlandais souhaitait que les relations restent neutres entre la Russie et la Finlande. En mars 2022, 60% d'entre eux souhaitaient que le pays rejoigne l'Otan. 

De son côté, la Première ministre Sanna Marin a multiplié les déclarations critiques envers l'opération militaire russe et en défense de l'Ukraine, s'inquiétant de la solidité de l'Europe. "Nous devons être sûrs de construire nous aussi une autonomie stratégique ensemble, avec nos partenaires comme les Etats-Unis, pour ne plus être dépendants des régimes autoritaires comme nous le sommes actuellement", déclarait-elle en février à la chaîne canadienne CBS.

Sanna Marin en difficulté

Nommée plus jeune Première ministre de l'histoire finlandaise en 2019, à 34 ans, Sanna Marin est depuis devenue l'incarnation d'une politique déterminée, tant sur la gestion du Covid-19 que sur la campagne d'intégration à l'OTAN. Si l'opposition comptait jouer sur le scandale du "partygate" cet été, la population ne semble pas s'en formaliser. "Beaucoup de critiques envers elle ont été faites sur ses choix de vie mais pas directement sur ses talents de dirigeante", estime Emma, une électrice citée par Al-Jazeera.

Pourtant, Sanna Marin est plus que jamais sur un siège éjectable. ""Tout le monde n'est pas satisfait. Bien qu'exceptionnellement populaire, elle suscite aussi de l'opposition et le clivage politique s'est creusé", affirme à l'AFP le politologue Juho Rahkonen. La coalition de centre-gauche que dirige Sanna Marin pourrait vivre ses derniers jours. Le parti Kesk (centre) a d'ores et déjà assuré qu'il ne souhaitait pas reconduire l'alliance avec le SPD de Marin, à cause de tensions avec les écologistes de la Ligue Verte.

La situation est d'autant plus compliquée que le SPD est dans un mouchoir de poche avec les conservateurs du Parti de la Coalition nationale (Kok) et le Parti des Finlandais (PS), classé à l'extrême-droite. Dans les derniers sondages, la Kok avait 19,8% des intentions de vote, juste devant le PS (19,5%). Le SPD n'arrivait que troisième avec 18,7% des intentions de vote.

La présidente du Parti des Finlandais, Riikka Purra, le président du parti de la Coalition nationale Petteri Orpo, et la présidente du SPD (et Première ministre) Sanna Marin, lors d'un débat télévisé le 30 mars.
La présidente du Parti des Finlandais, Riikka Purra, le président du parti de la Coalition nationale Petteri Orpo, et la présidente du SPD (et Première ministre) Sanna Marin, lors d'un débat télévisé le 30 mars. © Lehtikuva

La montée en puissance du parti d'extrême-droite et de la droite pourrait toutefois conduire les électeurs de la gauche plurielle à voter pour le SPD plutôt que d'autres petits partis : "Pour la première fois, des gens parlent d'un 'vote tactique' pour les socio-démocrates, affirme Marianna, 27 ans, à Al-Jazeera. Le SPD est derrière d'une courte marge dans les sondages, et les gens préfèreraient voir Marin continuer en tant que Première ministre".

Du côté des conservateurs, on se félicitait d'avoir fait "une excellente campagne" : le président du parti, Petteri Orpo pourrait avoir de grandes chances de devenir Premier ministre. La charismatique cheffe du PS, Riikka Purra, croit elle en une "bonne surprise". Son parti, qui souhaite notamment réduire l'immigration extra-européenne, pourrait faire rentrer la Finlande dans la liste des pays où le nationalisme triomphe, après la Hongrie, l'Italie ou encore la Suède voisine. Le SPD a d'ores et déjà affirmé qu'aucune coalition ne pourrait se faire avec le parti, qualifié d' "ouvertement raciste" par Sanna Marin.

Officiellement, le PS envisage une sortie de l'Union européenne, même si selon Juho Rahkonen, il s'agit surtout d'une "tactique" populiste. Il s'inscrit également contre l'objectif de neutralité carbone de la Finlande en 2035, souhaitant le décaler à 2050. En revanche, comme tous les autres partis, il approuve l'intégration de la Finlande dans l'Otan. Riikka Purra a d'ailleurs affirmé son attachement à aider l'Ukraine "avec des armes lourdes, de l'aide humanitaire et d'autres mécanismes".

Un vote, un café et un "pulla"

Quoi qu'il en soit, on connaîtra vers 20h (19h heure belge) les premières estimations du vote. Autre moyen de sonder les tendances : les réseaux sociaux. La tradition veut qu'après avoir voté, on prenne un café accompagné d'un' pulla, une brioche typique des pays nordiques. "Les Finlandais sont stricts sur le secret des élections, et on ne parle pratiquement pas du vote proprement dit, explique l'auteur Satu Jaatinen sur le média Yhteishyva. Cependant, après avoir voté, de nombreuses personnes mettent une photo d'une tasse de café sur les réseaux sociaux et écrivent : "devoir accompli"." Le type de pulla (viennoiserie) choisi (cardamome, cannelle, myrtille, sirop d'érable...) pourrait mettre sur la piste du vote.

Deux "pullat" et un café.
Deux "pullat" et un café. © bonchan / Getty

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