"Pourquoi les handicapés devraient-ils être mal habillés?" Ils sont nombreux à se poser la question et souffrir des mêmes difficultés. Impossible de trouver un smoking. La sensation pénible de "n'avoir rien à se mettre", si ce n'est un jogging, une jupe trop grande. Alteo a voulu mettre les pieds dans le plat, en organisant un relooking et un défilé de mode. Reportage.
"Entrez, entrez! C'est ici!" Christiane nous reçoit chez elle à Mons, dans un appartement adapté aux personnes à mobilité réduite. Handicapée moteur, elle se déplace en chaise roulante. Elle a toujours besoin de quelqu'un pour l'habiller, et question dressing...le choix est vraiment limité. "Personnellement, je fuis les miroirs. Une femme bien habillée va se regarder dans les vitrines, en ville. Mais moi pas ! et je voudrais que ça change. Mais j’ai quand même peur ! Il va falloir défiler devant tout le monde..."
"Est-ce que je vais m'aimer?"
Christiane a décidé de relever le défi du relooking. L'idée a été abordée lors des réunions à l'espace d'expression d'Alteo (mouvement social des mutualités chrétiennes). "Là-bas, on est entre nous, on se confie. Des choses qu'on ne dira même pas à sa famille. Des émotions, des manques. On parle du regard des autres..." Françoise Sevrin, l'animatrice du groupe, a proposé un projet un peu fou. Faire venir une styliste et rhabiller, de pied en cap, quelques volontaires. "C’est assez stressant. Je me demande si je vais vraiment M’aimer...".
Nous sommes à quelques heures de l'apothéose, le défilé en public. Sarah Colmant est venue essayer une dernière fois les vêtements créés pour Christiane. "On pouvait choisir si on voulait un tailleur, une robe, une veste…moi j’ai choisi pantalon et tunique". Le pantalon, parlons-en..."Quand on est toujours assis dans notre chaise roulante, le dos est tjs trop bas. Ici ça a été adapté, la taille est plus haute. Ce sont des petites choses, mais il y a plein de petites astuces".
Du jogging au smoking
La styliste a multiplié les ruses, tantôt pour faciliter l'enfilage du vêtement, tantôt pour fermer un vêtement. "J'ai eu souvent recours aux boutons pression, plus pratiques que les tirettes. Les scratchs fonctionnent aussi, mais ils sont moins esthétiques". Le défi est double: il faut concevoir des vêtements jolis et confortables. Sarah n'avait jamais eu de "commande" de ce type. Ce qui l'a convaincue de dire "oui", c'est un témoignage. "Un homme du groupe m’a dit, et cela m’a beaucoup touchée, qu’il n’avait jamais porté un smoking. Il était toujours en jogging. Je crois que ça lui posait énormément de problèmes de confiance aussi, surtout par rapport aux regards des autres".
Les fashionistas ne font pas que du 34
Christiane est à la fois stressée, et impatiente à l'idée de monter sur le podium. Sarah n'en mène pas large, tellement soucieuse de bien faire et de contenter les personnes qui lui font confiance. "J'espère aussi que cela va faire réfléchir certains stylistes et casser cette image où la mode n’est portée que par des personnes de taille 34 qui font 1m85. Je n’ai jamais été dans cette optique là et je pense qu’en tant que styliste on doit faire en sorte d’habiller la personne pour qu’elle se sente bien, élégante, et pas camoufler la morphologie. Qu’elle se sente mise en valeur". Christiane espère qu'il y aura une suite, après ce défilé. "J'aimerais qu'il y ait plus de sur-mesure, abordable! car souvent c'est très très cher..."
Lors des réunions préalables, d'autres projets avaient été imaginés par l'équipe d'Alteo et la styliste. "On a aussi parlé d’aller avec la personne faire les magasins, dans des magasins que la personne apprécie, la conseiller et regarder comment des vêtements peuvent être adaptés pour leur faciliter la vie. Je pense que la mode actuelle peut etre adaptée à eux pour autant qu'une personne soit prête à relever le défi !" Christiane croise les doigts, mais très vite. Car il reste un rendez-vous coiffeur à caser dans l'agenda! Le défilé a lieu ce vendredi soir à 19h aux Anciens Abattoirs de Mons.
