Retour aux sources

Élisabeth de Belgique: ses liens particuliers avec l'abbaye de Maredsous

Le roi Albert et son épouse, Élisabeth…

© GettyImages.

Élodie de Sélys prend un peu de repos, " Retour aux sources " cède sa place au Concours Musical International Reine Elisabeth, cession violoncelle. Repos pour Élodie, alors, pour vous, découverte d’un lieu, d’une institution où la musique a aussi sa place : l’abbaye de Maredsous, en province de Namur… Et vous allez découvrir que la souveraine a bien des liens avec les lieux.

Quels sont donc les liens qu’entretenait la reine Élisabeth avec l’abbaye de Maredsous? L’un des éléments de la réponse, probablement le plus important est celui-ci : dom Columba Marmion.

La reine Élisabeth en compagnie de dom Columba Marmion, Maredsous, 9 juin 1920.
La reine Élisabeth en compagnie de dom Columba Marmion, Maredsous, 9 juin 1920. © Archives Maredsous.

Joseph Marmion est né à Dublin, le 1er avril 1858. Son père, William, est irlandais, sa mère s’appelle Heminie Cordier, elle est française. Joseph n’a que 16 ans quand il entre au Séminaire diocésain de Dublin, avant de poursuivre ses études en théologie à Rome et d’être ordonné le 16 juin 1881.

Nommé vicaire à Dundrum puis professeur au séminaire de Clonliffe, il est attiré par la vie monastique bénédictine et reçoit l’autorisation d’entrer à Maredsous. Sur les hauteurs de la Molignée, le 21 novembre 1886, Joseph prend le nom en religion de Columba.

Rapidement, dom Columba va s’adonner à la prédication. Il écrira trois traités de spiritualité, traduits en une douzaine de langues ! La renommée de celui qui, en 1909, a été élu Père abbé de Maredsous, arrivera rapidement aux oreilles de l’épouse du roi Albert. Élisabeth rendra plusieurs visites à dom Marmion et à la communauté, il arrivera même qu’elle soit accompagnée du prince Léopold…

Quelques exemplaires des écrits de dom Columba, de multiples langues…
Quelques exemplaires des écrits de dom Columba, de multiples langues… © Tous droits réservés.

Rapidement, dom Columba va s’adonner à la prédication. Il écrira trois traités de spiritualité, traduits en une douzaine de langues ! La renommée de celui qui, en 1909, a été élu Père abbé de Maredsous, arrivera rapidement aux oreilles de l’épouse du roi Albert. Élisabeth rendra plusieurs visites à dom Columba Marmion. et à la communauté, il arrivera même qu’elle soit accompagnée du prince Léopold…

Le Jeudi Saint, 17 avril 1919, à l’entrée de la salle capitulaire, en l’absence du Père abbé, le Prieur, dom Gérard, reçoit la reine et le duc de Brabant, Léopold.
Le calice offert par la reine Elisabeth à l’abbaye. Collections Maredsous/Marcel Van Coile.
Détail des armes royales belges… Collections Maredsous/Marcel Van Coile.

C’est à l’occasion de l’une de ses excursions maredsolienne que, le 9 juin 1920, la reine offrira à l’Abbé un calice en vermeil, enrichi de perles et de plusieurs dizaines de rubis. L’œuvre, réalisée chez Armand Bourdon-Debruyne, à Gand, en collaboration avec Wolfers frères de Bruxelles, est ornée des armes de la famille royale belge, le lion, sommé de la couronne, tandis que l’un des médaillons du pied représente sainte Élisabeth exerçant la charité, rappelant le souci de la souveraine pour les plus pauvres.

Il est deux visites de la reine qui sont plus… particulières. L’église abbatiale de Maredsous, qui sera élevée au rang de basilique mineure en 1924, sera dotée d’une sonnerie de six cloches. La dernière n’arrivera qu’en 1923, c’est le bourdon, la cloche la plus importante de l’accord. À l’époque, elle pèse 6.800 kg et habitera en solitaire la tour nord de l’édifice, il est vrai qu’elle a besoin d’espace pour se mouvoir !

Le baptême du bourdon Elisabeth, en présence de la reine et de sa dame d’honneur, Ghislaine de Riquet, comtesse de Caraman-Chimay.
Quelques adaptations ont été indispensables pour entrer le bourdon dans l’église abbatiale…

Comme il se doit, le bourdon est baptisé le 20 décembre 1923, par l’Abbé, dom Célestin Golenvaux, en présence d’une nombreuse assistance et de la reine Élisabeth qui lui a donné son nom et en est la marraine. Le baptême a lieu dans l’église. Pour y entrer le mastodonte, plusieurs portes ont dû être adaptées à son gabarit ! " Élisabeth " sonnera vaillamment de son timbre sourd et grandiose jusqu’au 10 mai 1940, ce jour-là, elle annonce l’invasion du pays.

La communauté monastique décide alors que le bourdon se taira tant que durera le conflit. Mais c’est sans compter sur la réquisition des métaux par l’occupant… Le 24 février 1944, pas moins de 33 hommes débarquent à l’abbaye pour y saisir les cloches. Pour essayer d’épargner cette ignominie, les moines ont fait installer d’autres cloches et un vieux clavier dans la tour sud, arguant ainsi qu’il s’agit d’un carillon, non réquisitionnable. Mais les Allemands ne sont pas dupes…

La saisie des cloches de l’abbaye, 1944…
La saisie des cloches de l’abbaye, 1944… © Archives Maredsous.

Élisabeth (note Sol), Marie (note Mi, 2.506kg), Benoît (note Sol, 1.100 kg), Michel (note La, 1.045 kg), Placide (note Si, 510 kg) et Pierre (note ré, 300 kg) sonnent une dernière fois avant d’être descendues, seul Placide, étant considérée comme cloche d’appel, demeurera en place.

Pour Élisabeth, les choses vont se corser. Une fois arrivée au rez-de-chaussée de sa tour, la cloche ne passe pas par les portes menant au collège voisin ; la décision tombe rapidement : qu’on la brise ! Deux petits fragments de la défunte Élisabeth sont conservés aux archives de l’abbaye… Heureusement, le 10 octobre 1945, les cloches saisies et les morceaux du bourdon rentrent à l’abbaye où elles sonneront la prochaine fête de Noël… sauf bien entendu, Élisabeth.

Les morceaux du bourdon de Maredsous, en 1944…
Les morceaux du bourdon de Maredsous, en 1944… © Association campanaire Wallonne.

Un nouveau bourdon est fondu, avec les restes du précédant, mais on le voit un peu plus grand encore : 7.100 kg. Le 6 juillet 1947, la reine est de retour à l’abbaye pour le baptême de l’imposante masse dotée d’une inscription éloquente : " Des amis m’ont donnée à l’Abbé Columba au temps du jubilé. Les Germains m’ont brisée et enlevée dans la fureur de la guerre. Je suis revenue avec la paix. Deux fois Slégers, à Tellin, m’a fondue, et deux fois Célestin m’a ointe. Deux fois une Reine a dit mon nom : ELISABETH. Moi-même ayant souffert, je chante deuils et joies ".

Mais les aventures d’Élisabeth " 2 " n’en sont pas pour autant terminées… La nuit de Noël 1948, tandis qu’elle annonce la messe de minuit, l’une de ses anses se rompt, précipitant la masse dans le vide qui crève la voûte du rez-de-chaussée de la tour. Des moines se précipitent et, entendant un râle qui leur fait craindre que l’un de leurs frères ait été écrasé – une coule dépasse du fatras provoqué par la chute – seront vite rassurés : ce " râle " n’était que le bruit du moteur qui, tout en haut, continuait à fonctionner !

Élisabeth « 2 », après sa chute…
Élisabeth « 3 », de nos jours…

Une restauration sera tentée mais une nouvelle fonte sera inévitable. Une fois encore, Élisabeth prendra du poids pour arriver à 8 tonnes ! Elle sera baptisée le 30 janvier 1952, son inscription sera identique à son prédécesseur et, cette fois, la communauté abbatiale n’osera pas proposer à la reine d’assister à la cérémonie ! Depuis, Élisabeth sonne les belles heures de l’Église, mais aussi les tristesses de Maredsous : lorsque, de façon inopinée, le bourdon se met à sonner, c’est l’annonce du décès de l’un des moines.

Si vous passez par Maredsous, à l’occasion des festivités du 150e anniversaire de la fondation de l’abbaye (1872-2022), peut-être aurez-vous l’occasion d’entendre la voix grave et majestueuse d’Élisabeth " 3 "… En attendant, admirez !

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