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Elon Musk chez Twitter : un danger pour les femmes ?

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Par Marine Mélon pour Les Grenades

Le lundi 25 avril dernier, le rachat de Twitter par Elon Musk pour 44 milliards de dollars a été révélé par plusieurs médias. Il s’agit en réalité d’une offre d’achat et il est toujours possible que le milliardaire se retire.

Quoi qu’il en soit, Elon Musk a déjà annoncé les mesures qu’il souhaiterait mettre en place sur la plateforme avec comme objectif de faire de Twitter une arène ouverte à la liberté d’expression. Depuis l’annonce de lundi, les esprits s’échauffent à ce sujet, notamment lorsque l’on sait que plusieurs plaintes pour sexisme et racisme au sein de son entreprise Tesla ont déjà été déposées antérieurement, sans réaction claire d’Elon Musk. La culture de Tesla consiste à "mettre en scène la transgression, le non-respect des règles", commente David Lowe, l’avocat de plusieurs femmes ayant porté plainte.

Plusieurs choses pourraient inquiéter la sécurité des femmes, et des minorités en général, si Elon Musk décide de passer à la caisse. Théoriquement, si les messages ne sont plus régulés sur la plateforme, les utilisatrices, notamment celles occupant un poste à visibilité, pourraient de plus en plus faire face aux messages violents en tout genre. Il faut toutefois rester au conditionnel.

Premièrement, parce que rien n’est fait et que plusieurs spécialistes doutent que la transaction ait finalement lieu. Et ensuite, parce que chez nous, Elon Musk devra se frotter au règlement européen.

Ouvrir plus de liberté "dans les limites de la loi"

Elon Musk promet en effet de respecter la loi. Il est vrai que le "Free Speech" américain permettra aux utilisateurs de s’exprimer comme ils le veulent. En Europe, en revanche, les choses se compliquent.

Mateusz Kukulka, expert en médias sociaux, explique que, si le milliardaire rachète le réseau social, il devra se préparer à un bras de fer avec des instances européennes fortes. En effet, le 23 avril dernier, le Digital Services Act a été adopté par le Conseil et le Parlement européen. Ce texte a pour but de freiner et réprimer les contenus illégaux sur les réseaux sociaux, notamment en suspendant les utilisateurs qui tiendraient des discours haineux. Thierry Breton, commissaire européen au marché intérieur, a d’ailleurs rappelé que le patron de Tesla devrait, lui aussi, se plier aux règles européennes si le rachat est acté.

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Mateusz Kukulka nuance. "Twitter est un réseau toxique. Les femmes qui sont des personnalités publiques ou qui défendent des causes sont fortement exposées. Mais la majorité des utilisateurs ne voient pas cette toxicité." Trop souvent, la seule solution pour nombre de femmes est de quitter le réseau social quand leur santé mentale est impactée par cette violence. "Et il y a aussi la voie de la justice", rappelle l’expert.

Vijaya Gadde dans le viseur de Musk

Une femme fait déjà les frais de cette offre d’achat. Vijaya Gadde, responsable juridique de Twitter a été la cible de moquerie de la part du milliardaire américain. Au travers d’un mème (image parodique) posté sur son compte Twitter dans lequel la juriste est mise en scène, Elon Musk critique la politique de modération de la plateforme. Les fans et admirateurs de l’homme le plus riche du monde s’en sont pris à Vijaya Gadde. Les insultes sexistes et racistes n’ont pas tardé, la juriste a reçu un déferlement de haine sur son compte Twitter.

Twitter est un réseau toxique. Les femmes qui sont des personnalités publiques ou qui défendent des causes sont fortement exposées

Cette femme est considérée comme "l’autorité morale" de Twitter. "Elle est à la tête des équipes chargées de gérer les contenus sensibles, les cas de harcèlement et les propos dangereux", explique l’Echo. Vijaya Gadde est notamment à l’origine de la suppression du compte de l’ancien président américain Donald Trump.

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Le patron de Tesla a également déterré un dossier datant de 2020 dans lequel la plateforme à l’oiseau bleu avait décidé de bloquer un article du New York Post relatant des liens entre Hunter Biden, le fils du président américain Joe Biden, et une entreprise ukrainienne. Critiquant cette décision qu’il juge "inappropriée", il estime qu’il s’agit d’une preuve que Twitter censurait la liberté d’expression.

Des décisions pour aider les victimes se retournent contre elles

Le 30 novembre 2021, Twitter avait décidé de mettre en place un système qui permet de supprimer les photos publiées sur la plateforme sans le consentement de la personne qui apparait à l’image. Le but était de contribuer à réduire le harcèlement et les intimidations qui touchent notamment les femmes, les activistes et les minorités. "En réalité, les premières personnes qui ont utilisé cette fonction sont d’extrême droite ou des personnes qui s’attaquaient aux antiracistes, etc. Dans les premières semaines, ce sont en majorité les agresseurs qui ont utilisé cet outil, plutôt que les victimes", précise Mateusz Kukulka.

Elon Musk voudrait aussi supprimer l’anonymat sur Twitter. Mais l’expert des médias sociaux ne voit pas ce choix d’un très bon œil : "On pense que ça va permettre aux oppresseurs d’être démasqués. Mais que vont faire les activistes de la cause homosexuelle dans les pays où c’est interdit par exemple ? Prendre une décision sur la manière de gérer Twitter n’est pas toujours facile, il faut penser à tout. On s’imagine aider les victimes, mais ce n’est pas forcément le cas."

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Il poursuit : "Cela fait plusieurs années déjà qu’au sein de Twitter, les employés mettent des choses en place et ont des projets pour améliorer la plateforme. Ces personnes ne veulent pas de l’arrivée d’Elon Musk. Il y a quand même beaucoup d’inconnu dans la suite des événements. On ne sait pas s’il achètera finalement Twitter et on n’est pas sûr de ce qu’il en fera. La culture de Twitter et celle de Musk sont largement différentes." L’offre de rachat devrait être officiellement validée d’ici trois à six mois.

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Elon Musk débourse 44 milliards pour s’offrir Twitter – JT

Cet article a été écrit lors d’un stage au sein de la rédaction des Grenades.

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