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Embargo pétrolier et plafonnement du prix du baril russe : quels effets pour les Belges ?

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Ce lundi, deux mesures majeures à l’égard de la Russie entreront en vigueur : d’une part, l’embargo sur le pétrole russe et, d’autre part, le plafonnement du prix du baril de pétrole russe. Quels sont ses effets pour le consommateur belge ? Tour d’horizons.

Tout d’abord, un court rappel des mesures : l’embargo prévoit la fin de l’achat, de l’importation et du transfert de pétrole brut russe acheminé par voie maritime vers l’Union européenne, à quelques exceptions près (la Hongrie, la Slovaquie et la République tchèque). Dès février 2023, cette restriction sera appliquée aussi aux produits pétroliers raffinés. Le plafonnement du prix du pétrole russe à 60 dollars le baril, est, quant à lui, le fruit d’un accord finalisé ce vendredi entre les pays du G7 et l’Australie.

Concrètement, les acteurs belges du secteur estiment qu’il n’y aura pas de problème d’approvisionnement : "L’annonce de l’embargo date de plusieurs mois. Les raffineries belges ont eu assez de temps pour anticiper les éventuels problèmes d’approvisionnement. C’est d’autant plus vrai qu’en Belgique, on produit plus de diesel que ce qu’on en consomme. Et notre pays dispose d’un système de prix maximum lui permettant de ne pas avoir une répercussion directe sur les prix dans le très court terme", détaille Jean-Benoît Schrans, pour Energia, la fédération sectorielle en Belgique des entreprises qui proposent des solutions énergétiques pour la mobilité et le chauffage (anciennement Fédération Pétrolière Belge).

Le pétrole russe importé majoritairement vers l’Europe

Le constat est similaire du côté de l’économiste Bertrand Candelon, professeur à la Louvain School of Management de l’UCLouvain : "En 2021, les importations de pétrole russe représentaient 48,1% en Europe et 29% en Belgique. C’est assez important, mais la décision européenne a été prise assez à l’avance pour que les Etats puissent diversifier l’approvisionnement. L’impact sur le prix devrait donc être mineur."

La Fédération belge des Négociants en Combustibles et Carburants (BRAFCO) se veut, elle aussi, rassurante. Son porte-parole, Olivier Neirynck, rappelle encore une fois à quel point l’anticipation a permis à la Belgique d’être prête pour l’entrée en vigueur des mesures et commente : "Il n’y aura pas énormément de conséquences. Peut-être qu’une petite influence pourrait être visible sur les marchés internationaux et pour le diesel, mais elle devrait être minime."

Ces facteurs externes qui pourraient changer la donne

Pourtant, plusieurs facteurs peuvent faire fluctuer les prix.

"Ces derniers mois, l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) a diminué la production de barils, anticipant sans doute les effets de l’embargo et dans le but de garder un prix un peu plus haut", poursuit l’économiste de l’UCLouvain.

Or, ce dimanche, les représentants de l’Opep et les dix alliés emmenés par Moscou, partenaires de l’accord Opep +, se réunissent pour établir les prochains objectifs de production. Il est probable que la décision précédente de réduire la production de barils soit reconduite, a déclaré une source iranienne à l’AFP.

Ajoutez à cela le facteur "Chine": "La politique zéro Covid a provoqué une diminution de la production, mais si les mesures sanitaires seront assouplies, il faut s’attendre à une croissance de la production et donc des prix", poursuit Bertrand Candelon.

Même constat du côté d’Adel El Gammal, professeur de géopolitique de l’énergie à l’ULB, qui ajoute : "Pour la Chine, il ne faut pas oublier que sa politique zéro Covid est liée au fait que Pékin ne veut pas reconnaître la médiocrité de son vaccin, et que sa population est très faiblement vaccinée et protégée."

Un autre facteur joue un rôle de premier plan, selon les experts consultés : le cours du dollar. "C’est très simple : les prix du pétrole sont liés au dollar, alors que nous achetons en euros. Dès lors, si l’euro se renforce par rapport au dollar, le prix diminue", détaille Adel El Gammal. C’est le cas ce samedi : le prix du baril Brent est de 85,55 dollars, ce qui équivaut à 81,19 euros.

Le plafonnement du prix du baril pour éviter les pénuries

Quant à l’impact du plafonnement, le professeur de l’ULB estime que cette mesure vise à éviter ce qui s’est produit lorsqu’on a arrêté les importations de gaz russe, à savoir une pénurie qui a fait exploser les prix.

"Plafonner les prix du baril de pétrole russe oblige Moscou à diminuer les prix sans restreindre la quantité mondiale de pétrole. Autrement dit, on ne provoque pas de pénurie et les pays qui vont s’approvisionner en Russie, comme l’Inde ou la Chine, le feront à un prix plus bas", explique l’expert.

Cela ne devrait pas non plus avoir d’effet majeur sur les prix à la pompe.

Pas d’effet sur le prix du gaz ou de l’électricité

Dernière remarque importante : ces mesures décidées à la fois au niveau européen et international n’affecteraient pas les prix du gaz et de l’électricité. Pourquoi ?

Les deux marchés sont séparés et différents de celui du pétrole, martèlent les experts consultés. "Ils sont décorrélés et il ne faut pas les réunir, même si parfois on peut utiliser du gaz à la place du pétrole et vice-versa, explique Adel El Gammal. Le prix du pétrole, négocié au niveau mondial, répond à une logique très différente. En revanche, le gaz et l’électricité sont très liés."

Le seul effet qu’il pourrait y avoir est celui que Bertrand Candelon définit comme un "effet de substitution" : "Même si les marchés sont séparés, il pourrait y avoir un effet de substitution, c’est-à-dire que lorsque le prix du pétrole augmente ou diminue, la consommation pourrait se déplacer sur d’autres produits." Mais, pour l’expert, c’est une possibilité très limitée.

Sur le même sujet : Extrait JT (05/12/2022)

Embargo sur le pétrole russe

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