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Emmanuel Agbadou (Eupen) sur le Gril : "L'Ukraine ? J'ai vu des charniers de cadavres en Côte d'Ivoire..."

Emmanuel Agbadou (Eupen) en mode selfie
Emmanuel Agbadou (Eupen) en mode selfie © Tous droits réservés

A Eupen, le colosse ivoirien mène l'opération-maintien de l'Alliance... mais pense aussi à la Coupe de Belgique. A la veille de la demi-finale retour à Anderlecht, il évoque Stef Peeters, le ski, Google, son père footballeur, Marquinhos, la musculation, Kurt Zouma et Vladimir Poutine. Mais aussi Edo Kayembe, les autogoals, Dieu, Wayne Rooney, les phases arrêtées, le Real Madrid, l'allemand et Didier Drogba. Et surtout... le look-sapin du Ronaldo brésilien. Emmanuel Agbadou passe "Sur Le Gril".

Plein soleil sur Eupen en ce Rosenmontag (Lundi des Roses)… et pourtant : pas de Mardi gras, pas de Carnaval, à nouveau, en raison de la pandémie. Pas trop de raisons de faire la fête non plus côté pitch : le club local attend sa première victoire depuis… une vingtaine de matches et a solidement piqué du nez au classement. Il n’empêche : à 3 jours du duel de Coupe à Anderlecht, sourire accueillant, l’hôte du jour a sacrifié son jour de congé, spécialement pour nous.

Emmanuel Agbadou en lutte avec Charles De Ketelaere
Emmanuel Agbadou en lutte avec Charles De Ketelaere © BELGA

La première fois que mon agent m’a parlé d’une offre d’Eupen, je suis allé taper sur Google car ce club ne me disait rien… " sourit Emmanuel Agbadou. " J’ai regardé quelques matches et cette équipe m’a semblé être un bon tremplin. On a tout fait pour m’intégrer et la présence de 3 Ivoiriens au club était un avantage. Le club était structuré autour d’une Académie, donc on est habitué ici à accueillir des joueurs étrangers. Mon transfert a un peu traîné car on était en plein 1e période Covid : les finances des clubs souffraient et mon ex-club (NDLA : Monastir en Tunisie) réclamait trop d’argent. On a failli aller devant la FIFA, mais finalement tout s’est arrangé : entre-temps, Eupen aurait pu engager un autre joueur… mais il m’a attendu, c’est un cadeau de Dieu ! (NDLA : tout au long de l’interview, ce joueur très croyant réfèrera à Dieu) Il fait froid ici ? Oui… et c’est ici que j’ai vu la première fois la neige ! Mais je me suis vite habitué aux terrains gelés : quand t’es chaud, tu ne sens pas le froid ! (sic) Du ski ? Je n’ai jamais essayé, mais pourquoi pas un jour ? (clin d’œil) Parler allemand ? Euh, je sais dire ‘Ja’… Ca signifie ‘Merci’, hein ? Ah bon, ça veut dire ‘Oui’ ? Bon, ben je ne parle pas allemand alors ? (Il éclate de rire) Mais ici, tout le monde parle anglais ou français, donc ça va... "

" Venant d’Afrique, vous êtes plus déterminé à réussir… "

Arrivé durant l’été 2020 pour 300.000 euros, le roc ivoirien a décuplé sa valeur marchande : il est le plus coté des Eupenois avec le buteur bosnien Smail Prevljak. De tous les défenseurs de Pro-League, il est aussi le meilleur buteur de la saison : 5 goals, tous inscrits… de la tête après une phase arrêtée.

Emmanuel Agbadou (Eupen) sur le Gril : "L'Ukraine ? J'ai vu des charniers de cadavres en Côte d'Ivoire..."
Emmanuel Agbadou (Eupen) sur le Gril : "L'Ukraine ? J'ai vu des charniers de cadavres en Côte d'Ivoire..." © BELGA

Moi, le meilleur joueur d’Eupen ? Pas du tout : les meilleurs, c’est Smain et Stef Peeters ! Le foot belge est un foot exigent, mais j’aime les défis et je me suis vite adapté : le coach me prenait à part, me montrait des vidéos et c’est comme ça que j’ai progressé. J’ai aussi bossé mon jeu de tête avec l’ex-préparateur physique : il me montrait des actions de Kurt Zouma, ça m’a fort inspiré… mais moi, je respecte les chats, hein ! (clin d’œil) Mon but est de marquer 10 buts par saison : si vous défendez bien, et qu’en plus vous êtes décisif devant le but adverse, vous attirez la convoitise des clubs étrangers ! Quand vous venez d’Afrique, où la vie n’est pas toujours rose, vous êtes plus concentré et plus déterminé à réussir : avec mon salaire, j’aide financièrement mes parents car je veux leur rendre ce qu’ils m’ont donné. Mon père est lui-même un ancien footballeur et il connaissait les difficultés : il ne voulait pas que je me lance dans cette voie, il voulait que j’étudie. Mais il avait déjà refusé pour mes trois grands frères, alors cette fois c’est ma mère qui a décidé pour lui : elle disait ‘Tu ne vas pas l’empêcher lui aussi !’ (clin d’œil). Aujourd’hui, mon père est fier de moi et il m’appelle après chaque match pour débriefer ! "

" D’abord la Coupe, après le maintien ! "

A courte échéance, c’est le Sporting d’Anderlecht qui se dresse jeudi sur la route des Eupenois en Coupe. Lors de la demi-finale aller, les deux équipes s’étaient séparées sur un 2-2 marqué par mal de polémiques autour des penalties.

Emmanuel Agbadou (Eupen) sur le Gril : "L'Ukraine ? J'ai vu des charniers de cadavres en Côte d'Ivoire..."
Emmanuel Agbadou (Eupen) sur le Gril : "L'Ukraine ? J'ai vu des charniers de cadavres en Côte d'Ivoire..." © BELGA

L’an passé, on est tombé en demi-finale (NDLA : face au Standard) et cette fois, on veut vraiment marquer l’histoire du club. Anderlecht est une équipe de possession, avec beaucoup de jeunes joueurs qui font les efforts ensemble (sic), donc ce sera très difficile. À nous d'être plus malins, de jouer sur la défense, de gérer les espaces et de tirer les leçons des erreurs individuelles qui nous avaient coûté trois points en championnat. Le principal, c’est de tout donner pour ne pas avoir des regrets après. Et puis, on s’attaquera au maintien ! "

" Parfois de l’excès de confiance… "

Après un début de saison euphorique… avec même le leadership de Pro-League après 10 journées, Eupen a connu une suite catastrophique, ayant mené voici deux semaines au limogeage du coach Stefan Krämer.

Emmanuel Agbadou (Eupen) sur le Gril : "L'Ukraine ? J'ai vu des charniers de cadavres en Côte d'Ivoire..."
Emmanuel Agbadou (Eupen) sur le Gril : "L'Ukraine ? J'ai vu des charniers de cadavres en Côte d'Ivoire..." © BELGA

Dans chaque saison, il y a des hauts et des bas : au début, le coach nous inculque sa motivation, sa mentalité et sa philosophie. Malheureusement, ça n’a pas continué… L’entraîneur actuel essaie de faire pareil. Vous savez, un coach, c’est celui qui est sur le bord du terrain avec sa télécommande et qui vous pilote (Il mime) : à droite, à gauche… Après, il y a évidemment les aptitudes des joueurs et leur motivation individuelle. Moi, j’essaie d’être une leader sur le terrain et de donner des directives… mais c’est vrai qu’au début, je ne parlais pas beaucoup. J’avais aussi des trous de concentration et des moments d’excès de confiance. Oui, d’excès de confiance… Et là tu fais des bêtises ! " (sic)

" J’avais la coiffure sapin de Ronaldo… "

Buteur à ses heures, Agbadou a aussi exploré plusieurs postes : arrière gauche ou médian défensif à ses débuts au Kehrweg, il est même expédié aux avant-postes quand il faut forcer la décision.

Emmanuel Agbadou (Eupen) sur le Gril : "L'Ukraine ? J'ai vu des charniers de cadavres en Côte d'Ivoire..."
Emmanuel Agbadou (Eupen) sur le Gril : "L'Ukraine ? J'ai vu des charniers de cadavres en Côte d'Ivoire..." © BELGA

Quand je jouais au quartier, mes frères venaient me chercher pour jouer avec les grands… car avec les petits, je ne progressais plus. J’étais attaquant, on m’appelait Ronaldo, comme le Brésilien, et aussi Wayne Rooney : j’avais même adopté la fameuse coiffure du Brésilien avec les cheveux taillés en sapin sur le front ! Le patron de mon père m’a aussi offert un maillot de l’Angleterre avec ‘Rooney’ marqué dessus ! C’est pour ça que j’ai gardé mon sens du but. "

LES PETITS PAPIERS

Le moment de la boîte à papiers-mystères : Emmanuel Agbadou tire au hasard 5 papiers parmi 15 nichés dans une petite boîte. Chacun des mots renvoie à un thème personnel… ou d’actualité.

Premier mot : VLADIMIR POUTINE. (Il grimace) " Tout le monde est inquiet, avec cette guerre en Ukraine. Moi-même, j’ai vécu trois conflits en Côte d’Ivoire, donc je ne souhaite ça à personne : il faut le vivre pour ressentir ce que c’est… J'ai des proches qui ont perdu la vie, des personnes qui sont mortes devant moi, tuées sous nos yeux. J’ai vu des cadavres entassés dans des charniers : ce sont des traumatismes… car dans les guerres, les plus touchés sont toujours les civils. J’essaie d’oublier pour avancer, mais forcément j’ai appris à savourer les belles choses qui m’arrivent… "

Emmanuel Agbadou (Eupen) sur le Gril : "L'Ukraine ? J'ai vu des charniers de cadavres en Côte d'Ivoire..."
Emmanuel Agbadou (Eupen) sur le Gril : "L'Ukraine ? J'ai vu des charniers de cadavres en Côte d'Ivoire..." © BELGA

Deuxième mot : DIDIER DROGBA. (Son visage s’éclaire) " C’est le papa de tous les footballeurs ivoiriens ! Je lui ai serré la main lors mon unique sélection en Equipe Nationale (NDLA : l’automne dernier face au Malawi) : sa main était ferme ! (clin d’œil) C’est un modèle car lui aussi a percé sur le tard, à 26 ans… et moi j’aurai 25 ans en juin prochain ! Il est la preuve que tout est possible. Je n’ai pas de regrets de pas avoir été repris pour la CAN : c’est que Dieu estimait que c’était trop tôt pour moi… C’est une grosse compétition, avec beaucoup de pression, et pas mal de favoris ont souffert cette année. Si l’Afrique gagnera un jour la Coupe du Monde ? C’est possible… mais il faudra encore améliorer les infrastructures et inculquer une mentalité professionnelle aux jeunes joueurs. Mais on se structure : Didier Drogba vise la Présidence de la Fédération ivoirienne et Samuel Eto’o a déjà pris les pouvoirs au Cameroun. Avec de telles légendes aux manettes, les choses peuvent changer vite. "

" Mon modèle ? Je veux être moi-même ! "

Troisième mot : MUSCULATION. (NDLA : Emmanuel Agbadou est un colosse d’1,92 m) " Je fais un peu de pompes, d’abdos et de gainage, mais je suis surtout naturellement musclé… car c’est de famille ! (Il nous montre une photo de son père, effectivement bien charpenté) Je ne fais pas trop de muscu, car je ne veux pas perdre ma vitesse, très utile comme dernier défenseur. Dans le foot d'aujourd'hui, le gabarit est un atout… mais l’intelligence tout autant : Thiago Silva et Marquinhos ne sont pas le plus grands, mais ils font de très grandes carrières ! Ce qui compte, c’est ton envie et ta détermination. Je n’ai pas de modèle comme défenseur : je veux d’abord être moi-même ! " (clin d’œil)

Emmanuel Agbadou (Eupen) sur le Gril : "L'Ukraine ? J'ai vu des charniers de cadavres en Côte d'Ivoire..."
Emmanuel Agbadou (Eupen) sur le Gril : "L'Ukraine ? J'ai vu des charniers de cadavres en Côte d'Ivoire..." © BELGA

Quatrième mot : AUTOGOAL. (Il éclate de rire) " Vous faites référence à mon auto-but contre le Standard ? Il y a eu un manque de communication avec mon gardien : j’ai voulu lui remettre de la poitrine… et le ballon a touché mon épaule. La prochaine fois, je dégage ! Ca m’a fait mal car ça nous a coûté des points, mais c’est le genre de faute qui te fait grandir et ressortir plus expérimenté. Tous les grands joueurs sont passés par là. " (sic)

" Mon rêve ? Le Real Madrid… "

Cinquième mot : EDO KAYEMBE. (le médian eupenois, parti à Watford au mercato hivernal) " Ca, c’est mon frérot ! (Il sourit) Edo nous manque beaucoup, sur le terrain et dans le vestiaire : c’était une pièce maîtresse pour nous. Mais je suis très heureux pour lui car il a décroché son rêve. J’avais aussi des offres cet hiver (NDLA : on évoque La Gantoise, le Club Bruges, Nice… et Watford) mais je préfère viser l’été pour mieux préparer mon départ : je ne veux rien précipiter. On m’a fait comprendre que j’étais important pour le club et je veux participer au maintien. Après, je rêve d’un transfert en Espagne. Où ? Au Real Madrid ! " (sourire)

Emmanuel Agbadou (Eupen) sur le Gril : "L'Ukraine ? J'ai vu des charniers de cadavres en Côte d'Ivoire..."
Emmanuel Agbadou (Eupen) sur le Gril : "L'Ukraine ? J'ai vu des charniers de cadavres en Côte d'Ivoire..." © BELGA

Avant de prendre congé, on lui demande sa destinée… s’il n’avait pas emprunté le chemin du foot…

Je ne me suis jamais posé la question : le foot était une évidence pour moi. Mais aujourd’hui, j’ai grandi et j’ai des idées pour mon après-carrière : j’investis dans la terre, l’agriculture et la construction. Sinon, j’ai une vie assez simple et je suis casanier : je joue à la console, je danse… et je chante. "

Et l’Ivoirien d’entonner un long chant biblique, justesse et vibrato inclus… De quoi clairement assurer l’homélie au vestiaire.

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