Catastrophes naturelles

En Asie centrale, la peur d'un grand séisme

Vue aérienne d'Almaty.

© Ruslan PRYANIKOV

A Almaty, deux millions d'habitants vivent sur 27 failles tectoniques. Et le séisme dévastateur en Turquie et en Syrie a réveillé leur peur de voir un jour la plus grande agglomération du Kazakhstan s'effondrer.

"Nous sommes aussi en danger", s'inquiète Klara Imangalieva, quadragénaire habitant cette ville dominée par les majestueuses montagnes du Tian Shan. "Je recherche un nouveau logement pour déménager dans une maison de plain-pied et avoir au moins une chance de survivre en cas de séisme", dit cette femme qui vit au neuvième étage d'un immeuble du centre-ville.

10% du bâti ne résisteraient pas à un tremblement de terre important

L'architecte et urbaniste kazakh Almas Ordabaïev.
L'architecte et urbaniste kazakh Almas Ordabaïev. © Ruslan PRYANIKOV

Trois tremblements de terre ont ravagé Almaty à la fin du XIXe siècle et au début du XXe si bien que la cité a été largement construite à l'époque de son appartenance à l'Union soviétique.

L'architecte et urbaniste Almas Ordabaïev, l'un des plus connus du pays, rappelle ainsi que "les normes sismiques ont évolué depuis la fin des années 1930". Si "les bâtiments construits actuellement sont faits pour résister aux séismes les plus dévastateurs", la situation est différente pour les anciens bâtiments.

"Tous (ceux) construits jusqu'à la fin des années 1950 et n'ayant pas été renforcés ne survivront pas à un séisme comme celui en Turquie", ajoute cet homme à l'esprit vif de bientôt 85 ans. Selon les estimations, 10% d'Almaty entrent dans cette catégorie.

Mais M. Ordabaïev note aussi que personne ne sait vraiment ce qui adviendra des immeubles bâtis durant le chaos économique et politique post-soviétique dans un pays gangréné par le clientélisme. "Seul un séisme fort révélera ce qu'il arrivera aux bâtiments construits dans les années 1990 par des entreprises corrompues et criminelles", dit-il.

40.000 secousses en 5 ans au Kazakhstan !

Un des responsables de l'Institut de sismologie d'Almaty, Noursaren Ouzbekov.
Un des responsables de l'Institut de sismologie d'Almaty, Noursaren Ouzbekov. © Ruslan PRYANIKOV

"J'espère que le séisme en Turquie servira de leçon à nos autorités et à nos constructeurs", ajoute-t-il, en référence aux libertés qu'auraient pris des promoteurs immobiliers, notamment turcs, avec la mise en place des normes parasismiques.

Le risque n'est pas théorique.

La terre tremble sans cesse dans tout le sud et le sud-est du Kazakhstan.

"Quelque 40.000 séismes ont été enregistrés ces cinq dernières années" au Kazakhstan et en moyenne, "neuf à quinze sont ressentis chaque année par la population", explique Noursaren Ouzbekov, l'un des responsables de l'Institut de sismologie d'Almaty. Son institut étudie scrupuleusement chaque mouvement de la terre et même le comportement des animaux : serpents, oiseaux, lapins, poissons.

Les sismologues travaillent avec un matériel obsolète

Le sismologue kazakh Grigory Kotchkarov au travail dans la station sismologique de montagne Medeo, dans les environs d'Almaty.
Le sismologue kazakh Grigory Kotchkarov au travail dans la station sismologique de montagne Medeo, dans les environs d'Almaty. © Ruslan PRYANIKOV

Son collègue Grigori Kotchkarov travaille, lui, dans une station sismologique perchée dans les montagnes dominant Almaty. Devant lui, des écrans pour scruter en temps réel les mouvements de la terre. "S'il y a un tremblement de terre, nous le voyons immédiatement à l'écran, nous recevons un signal sonore et en dix minutes maximum, nous transmettons l'information", explique-t-il en ouvrant une lourde porte encastrée dans la terre.

Devant lui, quelque 300 mètres de galerie où "normalement, personne n'entre", abritent des instruments de mesure extrêmement sensibles, sortes de stéthoscopes géants auscultant notre planète. "Les appareils ne s'arrêtent jamais et ressentent des vibrations jusqu'à 3000 kilomètres à la ronde", ajoute le chef de patrouille à la fine moustache. En témoignent ces kilomètres de feuilles de papier d'archives, certaines datant des années 1930. Mais la majorité des sismographes et sismomètres datent de l'URSS et sont insuffisants, situation à laquelle le gouvernement kazakh a dit vouloir remédier.

Le tremblement de terre turc a réveillé des peurs ancestrales

Le lac Sarez, qui culmine à 3300 m dans les montagnes du Pamir, au Tadjikistan.
Le lac Sarez, qui culmine à 3300 m dans les montagnes du Pamir, au Tadjikistan. © KADAM MASKAYEV

En Asie centrale ex-soviétique, d'autres grandes villes vivent avec la peur d'un tremblement de terre destructeur.

Au Kirghizstan, pays montagneux, les autorités ont promis de tester la résistance des bâtiments.

En Ouzbékistan, la capitale Tachkent a également été en grande partie détruite en 1966. Le retraité Nouriddine Ibraguimov s'en souvient :

"J'avais environ 13 ans, Tachkent était en ruines et les autorités (soviétiques) ont caché le nombre de morts".

Achkhabad, la capitale du Turkménistan, a, elle, été rasée en 1948, un désastre qui fait quelque 100.000 morts selon les estimations. Ce pays, l'un des plus reclus au monde, prend "les mesures nécessaires pour préserver l'intégrité de la structure des bâtiments", assure une source gouvernementale.

Et au Tadjikistan, le lac Sarez, lui-même formé par un séisme, fait planer une menace sur un quart du pays, si le barrage naturel le contenant devait céder.

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