Energie

En France, construire sur les toits pour la rénovation thermique des vieux immeubles

En France, construire sur les toits pour la rénovation thermique des vieux immeubles.

© Photographie BORIS BOZINO / AFPTV /AFP

Par RTBF avec ETX

Surélever de plusieurs étages les vieux immeubles : l'opération reste peu fréquente en France mais constitue une piste prometteuse pour les copropriétés désireuses de financer la rénovation énergétique d'immeubles "pas jojo", à condition d'être prêt à se lancer dans une opération de longue haleine.

Louis du Merle en sait quelque chose. Devenu jeune propriétaire accédant à Issy-les-Moulineaux, près de Paris, en 2019, il attend avec impatience le démarrage des travaux dans son immeuble des années 70 de mauvaise facture dont le chauffage collectif est au fuel et passablement obsolète. Quatre étages aujourd'hui, huit demain : le permis de construire a été obtenu en 2022.

"Passoires énergétiques" : céder de l'espace pour financer les travaux

"Si ça réussit, on va démontrer que même une copro pas jojo peut construire un bâtiment performant énergétiquement", imagine-t-il. Fenêtres, isolation par l'extérieur, chaufferie, porte d'entrée, ventilation, tout sera rénové et un ascenseur posé.

"Une belle aventure expérimentale", dit-il, mais aussi un coût de 421.000 euros pour la copropriété, entièrement autofinancé par la vente à un promoteur du droit à construire 500 m² de nouveaux logements en surélévation.

"C'est un exemple très intéressant où l'on va créer six nouveaux logements tout en restant sur une petite unité. C'est ce qu'on appelle de la densification douce cela permet de faire passer un bâtiment passoire thermique à une étiquette C", explique l'architecte Didier Mignery, dont l'agence UpFactor accompagne le projet.

Quelque 5,2 millions de logements, soit 17% du parc, ont un mauvais diagnostic de performance énergétique F ou G, sur une échelle allant de A à G, selon l'Observatoire national de la rénovation énergétique. 

Une réponse efficace à la pénurie de logements

"On ne peut pas tout surélever, heureusement", ajoute M. Mignery, mais "le potentiel est d'environ 10% des bâtiments existants". Tout dépend du plan local d'urbanisme, de l'année et la typologie de construction, des réglementations sismiques et de la possibilité de trouver des promoteurs, qui ont tendance à venir à reculons, explique-t-il.

"Cela ne résoudra pas la crise du logement ou de la rénovation énergétique mais cela y contribue."

"Cela permettrait de traiter 85% des besoins en construction de logements pour les dix prochaines années."

"C'est considérable et c'est une autre façon de réfléchir pour les élus", dit-il.

Evaluée entre 125 et 300 milliards d'euros, la réhabilitation énergétique des bâtiments avance trop lentement en France, relevait en novembre le Conseil économique et social (CESE), en recommandant la surélévation parmi les solutions à activer.

Esthétiquement, ajouter des étages peut apporter une touche contemporaine ou être invisible. Techniquement, cela peut même renforcer l'immeuble, assure l'architecte Jean-Thomas Finateu : "On enlève en poids en retirant l'ancien toit, on construit un nouveau plancher portant l'étage supérieur et on a un chaînage béton autour sur lequel le poids se répartit".

"C'est très long et il faut beaucoup de pugnacité"

Financièrement, c'est la martingale."Ce n'est pas nouveau, ça fait partie de l'évolution naturelle des villes mais cela permet de lever de l'argent pour rénover", souligne l'architecte  François Pelegrin, qui parle de "trésor caché" mais prévient : "C'est très long et il faut beaucoup de pugnacité".

Son livre publié en 2021, "Le bonheur est sur le toit", est truffé d'exemples de projets bloqués par le recours d'un copropriétaire vivant au dernier étage ou par une mairie.

"Il faut énormément de temps et d'argent", abonde Eli Ben Sadoun, directeur commercial du promoteur spécialisé L'Atelier parisien de surélévation qui a livré deux réalisations depuis sa création en 2015. La société revendique une cinquantaine de projets en cours.

"Il faut beaucoup de pédagogie dans les copropriétés et il y a des freins réglementaires en termes d'urbanisme", résume-t-il.

Des factures de chauffage divisées par trois !

Dans le 19e arrondissement de Paris, son entreprise termine la rénovation du n°5 rue du Dr Potain. Trois étages ont été ajoutés à cet immeuble de 1910 qui en comptait six, et six appartements mis en vente, à des tarifs élevés pour le quartier, plus de 10.000 euros le m² justifiés par une vue sur la Tour Eiffel.

Double-vitrages, chaufferie neuve, façades isolées par l'extérieur sur toute la hauteur : rue Potain, le charme de l'ancien n'a pas complètement disparu, ni certains inconvénients comme l'exiguïté des logements, mais l'immeuble s'est offert un lifting, et même un ascenseur.

"C'était une méga-passoire thermique. On a fait tous les travaux pour zéro euro, ça aurait été bête de dire non !", se félicite Patrice Petriarte, président du conseil syndical. 

Même si le chantier, débuté en 2020, joue les prolongations, les économies mensuelles de chauffage sont déjà monumentales : "On est passé de 150 à 45 euros".

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