Belfast n’est pas Berlin
Mais à entendre Jonny Byrne, professeur de justice pénale à l’Université d’Ulster, ces murs semblent plutôt voués à rester : "Les gens pensaient qu’il y aurait ici un moment comme le mur de Berlin en termes d’enlèvement des murs, vous savez, les communautés sortiraient, prendraient des masses et feraient tomber les murs et il y aurait des pelleteuses. Cela ne s’est jamais produit et ne se produira jamais, car nous n’avons pas de structure de mur de Berlin ici. Les murs de la paix font désormais partie intégrante de l’environnement bâti et des communautés. On peut traverser des zones sans même savoir qu’ils sont là parce qu’ils font désormais partie des bâtiments et de l’architecture de ces communautés".
Des communautés qui vivent officiellement en paix depuis 25 ans et la signature de l’accord du Vendredi Saint, appelé aussi accord de Belfast, ce qui n’a pas empêché quelques épisodes tendus qui ont parfois fait craindre une résurgence de cette douloureuse époque. Mais comme l’explique Juliette Renard, doctorante en Sciences politiques à l’Université de Liège et spécialiste de l’Irlande du Nord puisqu’elle lui consacre une partie de sa thèse, le climat politique actuel n’est pas vraiment apaisé : "L’accord de paix de 1998 a mis en place un partage de pouvoir entre catholiques et protestants. Après les élections de mai 2022, le Sinn Fein, parti catholique nationaliste, est devenu le premier parti en Irlande du Nord, le tout sur un fond de Brexit qui a très fortement déstabilisé les relations au niveau politique. Le DUP, le premier parti unioniste protestant, a refusé de négocier pour former un gouvernement (les deux camps doivent obligatoirement s’entendre pour former le gouvernement) en mettant dans la balance le retrait du protocole nord-irlandais, ce protocole qui fait en sorte qu’il y a une frontière en mer d’Irlande, entre le Royaume Uni et l’île d’Irlande, pour éviter un retour d’une frontière physique entre l’Irlande du Nord et la République d’Irlande. Et depuis près d’un an, il n’y a pas de gouvernement".
Cette absence de gouvernement aux compétences pourtant cruciales puisqu’elles contiennent la santé et l’éducation génère donc des tensions. Mais la doctorante liégeoise apporte cette nuance : "Du point de vue de la population en général, la situation depuis l’accord de paix a fortement évolué : il y a une diminution de la violence, et surtout, une condamnation par la majorité de la population et aussi des responsables politiques des épisodes violents qui ont resurgi il y a deux ans à cette période-ci, autour de Pâques". Les violences ont été condamnées par les deux communautés l’ont condamné. Régulièrement, des jeunes dissidents républicains se retrouvent à Derry/London-derry pour célébrer à leur manière l’insurrection de 1916 contre les occupants britanniques, ce fut encore le cas ce 10 avril 2023. Mais malgré ces quelques épisodes de tensions, l’évolution de la situation au fil des années est relativement positive.