Cuisine

En Italie, les nouveaux aliments sont perçus comme un danger pour les traditions culinaires

 En Italie, les nouveaux aliments sont perçus comme un danger pour les traditions culinaires.

© e-anjei

Par RTBF avec ETX

Alors que le pays de Dante veut préserver ses traditions culinaires en inscrivant sa cuisine au patrimoine mondial de l'Unesco, les autorités transalpines entendent réglementer de plus près la commercialisation de produits alimentaires à base d'insectes, souhaitant même interdire la farine issue de cette nouvelle nourriture dans la pizza et les pâtes.

Krills, ces petits insectes qui vivent dans les eaux froides dont on extrait une huile riche en acides gras, grillons domestiques, vers de farine, criquets migrateurs... Et l'on pourrait peut-être un jour ajouter à cette liste la viande de synthèse si les autorités sanitaires européennes lui accordent la dénomination "novel food", les nouveaux aliments.

"Novel food" : des protéines moins impactantes pour la planète

"Novel food" : des protéines moins impactantes pour la planète.
"Novel food" : des protéines moins impactantes pour la planète. © Imagesines

"En vertu de la réglementation de l'UE, tout aliment n'ayant pas été consommé de manière significative en Europe avant mai 1997 est considéré comme un nouvel aliment. Cette catégorie couvre les 'nouveaux aliments', les aliments provenant de nouvelles sources, les nouvelles substances utilisées dans les aliments ainsi que les nouveaux moyens ou technologies de production des aliments" : voilà comment l'EFSA, l'autorité européenne de sécurité des aliments, définit cette catégorie de nourriture.

Alors que la filière de la viande est responsable de 14,5% des émissions de CO2 liées à l'activité humaine d'après les estimations de la FAO, l'organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture, les nouveaux aliments sont souvent brandis comme une solution pour repenser notre système alimentaire afin de le rendre plus vertueux pour la planète. Entre la déforestation, le transport ou encore la transformation des productions, le GIEC avait estimé en 2022 que les filières alimentaires mondiales génèrent 40% des gaz à effet de serre.

Evalué à 500 millions de dollars en 2019 avec une croissance prévisionnelle de 19,7% par an à l'horizon 2025 selon des chiffres de Businesscoot, le marché des insectes comestibles est perçu comme un moyen d'amoindrir l'empreinte humaine sur la planète. La production d'insectes requiert très peu d'eau et il ne faudrait que deux kilos de végétaux pour en élever. Par comparaison, un élevage de bovins nécessite de fournir huit kilos d'aliments pour produire un kilo de viande.

L'Italie veut protéger son patrimoine et garantir la transparence

L'Italie veut protéger son patrimoine et garantir la transparence.
L'Italie veut protéger son patrimoine et garantir la transparence. © LukaTDB

Pourtant, en Italie, on n'entrevoit pas cette solution d'avenir comme un moyen de réduire l'empreinte carbone de notre assiette. La nouvelle filière des insectes est davantage perçue comme une mise en danger des traditions culinaires. Plusieurs arrêtés interministériels ont été pris au mois de mars afin que la farine d'insectes ne soit pas utilisée dans la fabrication de recettes typiquement méditerranéennes comme la pizza, le pain et les pâtes.

Les autorités italiennes souhaitent mettre en place un étiquetage spécifique sur les produits alimentaires contenant de la farine d'insectes.

"Notre objectif est d'apporter une information claire et de renforcer la capacité de discernement des personnes sur la question fondamentale de la nutrition. Je ne considère pas les insectes en concurrence avec les aliments du régime méditerranéen mais je pense qu'il est essentiel d'éviter que les produits Made in Italie ne soient confondus avec ces farines", a indiqué le ministre de l'Agriculture Francesco Lollobrigida, selon le journal L'indipendente.

Si l'argument de la mise en péril de l'héritage culinaire italien est brandi, le gouvernement italien utilise aussi celui de la transparence vis-à-vis des consommateurs. Selon un argumentaire bien rodé, ces derniers doivent être en capacité de savoir ce qui se trouve précisément dans la nourriture qu'ils achètent.

Et ce n'est pas tout. Le ministère de l'Agriculture veut aussi que l'étiquetage comporte une mention à propos des risques d'allergie. C'est une réalité : manger des grillons peut chez certaines personnes produire les mêmes effets qu'après la consommation de mollusques chez les patients allergiques. L'Anses, l'Agence nationale de sécurité sanitaire française, avait partagé cet avis en 2015.

L'UE a trois mois pour trancher

L'Italie a aussi l'intention d'interdire la production, l'importation et l'exportation de viande de culture.
L'Italie a aussi l'intention d'interdire la production, l'importation et l'exportation de viande de culture. © MICROGEN IMAGES/SCIENCE PHOTO LIBRARY

Pour que les autorités italiennes appliquent leur décision, il faudra que l'Europe donne son feu vert. L'Union dispose de trois mois pour rendre un avis. Après le ver à farine séché et le criquet migrateur, l'UE avait en effet autorisé la consommation de grillons domestiques début 2022.

Hasard ou coïncidence, le va-t-en-guerre de l'Italie contre l'usage de farine d'insectes dans ses bastions culinaires que sont la pizza et les pâtes est intervenu au même moment où le pays demandait l'inscription de sa cuisine au patrimoine mondial de l'Unesco.

En matière d'aliments dit "du futur", le pays de Dante ne se concentre pas d'ailleurs uniquement sur les insectes. Il a aussi l'intention d'interdire la production, l'importation et l'exportation de viande de culture.

Pourtant, l'histoire de l'alimentation humaine a toujours été constellée de nouveaux produits. Comme l'indique l'EFSA, "en raison d'une mondialisation et d’une diversité ethnique croissante mais aussi parce que de nouvelles sources de nutriments sont continuellement identifiées, de nouveaux types d'aliments s'invitent en permanence à notre table". Ainsi, il fut un temps, les bananes mais aussi les épices, le riz ou encore les fruits tropicaux n'étaient pas considérés comme des aliments traditionnels. Ils étaient indiqués comme des "novel food"...

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