En Somalie, le spectre de la famine : "Tous les jours, de nouvelles familles arrivent, totalement démunies"

Autour de la ville de Baidoa, un océan de petites huttes en forme de dôme s’étend dans toutes les directions. Des abris de fortune, bricolés avec des branchages, des morceaux de tissu et des bâches. Après cinq saisons des pluies manquées, à travers le pays, plus d’un million de personnes ont abandonné leurs maisons pour des camps de déplacés insalubres et surpeuplés.

"Tous les points d’eau étaient à sec. Il n’y avait plus que de la poussière", témoigne Safiya Isak, une femme d’une soixantaine d’années, son petit-fils sur les genoux. Quelques mois plus tôt, elle s’est résignée à quitter sa terre, où plus rien ne pousse. Sur la modeste ferme, les récoltes ont flétri, le puits s’est asséché, les chèvres et les vaches sont mortes. "Il ne reste plus personne là-bas, dit-elle. Nous nous sommes dit que la vie serait meilleure ici". Sa fille lave des vêtements pour gagner un peu d’argent. Elle, mendie de la nourriture pour les enfants auprès de voisins, qui donnent ce qu’ils peuvent. Sur le marché, les prix ont grimpé en flèche.

Autrefois, cette région de la Somalie, le Bay, était un grenier à sorgho. Puis, sont venues les guerres. Et la situation n’a cessé d’empirer. À seulement quelques kilomètres de Baidoa, les vastes plaines arides sont sous le joug de la milice Al Shabab. Les djihadistes, qui commettent régulièrement des attentats meurtriers dans les villes, empêchent les organisations humanitaires d’opérer dans les secteurs sous leur contrôle. Impossible de savoir combien d’enfants ont succombé chez eux, faute de soins.

Ces dernières semaines, il est tombé quelques gouttes d’eau sur Baidoa. Mais les prévisions des météorologues suggèrent que la prochaine saison des pluies, qui doit commencer en mars, pourrait également être insuffisante. La Somalie a toujours connu des cycles de sécheresse.

Selon les observations des scientifiques, sous l’impact du changement climatique, elles sont désormais plus longues et plus fréquentes. La pauvreté et des décennies de conflits rendent la population particulièrement vulnérable. "En 2011, la majorité des décès ont eu lieu avant que la famine ne soit officiellement déclarée", rappelle Adam Abdelmoula, coordinateur de l’action humanitaire au sein de la Mission d’assistance des Nations Unies en Somalie. Baidoa était alors toujours sous le contrôle d’Al-Shabab.

Aujourd’hui, la réponse a été plus efficace. Les autorités somaliennes, les Nations unies et les ONG présentes dans le pays ont rapidement tiré la sonnette d’alarme. Mais, pour l’instant, seuls 55% des 2,7 milliards de dollars jugés nécessaires par l’ONU, pour répondre à la crise, ont été reçus.

Sur les sites où se sont installés les déplacés, la nourriture, l’eau, tout manque. "Tous les jours, de nouvelles familles arrivent, totalement démunies", constate Hassan Ali, responsable adjoint des programmes d’assistance aux déplacés pour l’ONG Acted. "Et les ressources pour les prendre en charge n’augmentent pas en proportion".