Agriculture

En Tunisie, la permaculture s'épanouit face aux défis climatiques

Une femme conduit des moutons à Cap Negro, dans le nord de la Tunisie.

© FETHI BELAID

Par RTBF avec AFP

"Non, ce ne sont pas des mauvaises herbes !" Saber Zouani montre des orties et pissenlits en passe d'envahir ses plants d'oignons : il pratique les techniques naturelles de la permaculture, qui commence à prendre pied en Tunisie face aux défis climatiques.

Depuis qu'il est revenu il y a deux ans sur les terres familiales nichées dans une forêt à Cap Negro, à 150 km à l'ouest de Tunis, l'obsession de cet ex-chômeur de 37 ans est de garder constamment ses sols humides. Une gageure : la Tunisie a subi ce printemps une sécheresse sans précédent, sous l'effet du changement climatique. S'il cueille un oignon ou un radis, il remet immédiatement les fanes aux pieds des pousses de piments ou de sorgho, déjà abritées par l'herbe, pour éviter une évaporation trop rapide.

Les déjections animales enrichissent les sols, comme autrefois

Dans la permaculture, concept théorisé par deux écologistes australiens dans les années 1970, rien ne se perd et tout est lié. Près de l'indispensable bassin de rétention des eaux pluviales créé avec une bâche, Saber Zouani a installé ses cultures maraîchères et ses animaux (chèvres, vaches, moutons et poules), dont les déjections servent pour le compost utilisé comme engrais.

"Il faut créer un sol vivant, attirer les vers de terre, les champignons et tous les nutriments pour nos plantes et nos arbres", explique-t-il. Il limite strictement l'arrosage, n'utilise que des semences de sa production et aucun pesticide, uniquement des répulsifs naturels.

La permaculture, c'est "retourner à nos racines, aux méthodes traditionnelles qu'employaient nos grands-parents", souligne-t-il, en montrant des monticules non labourés alternant semis, compost, terreau et feuilles mortes selon un agencement très précis.

De jeunes chômeurs formés et assistés financièrement

En Tunisie, la permaculture s'épanouit face aux défis climatiques.
En Tunisie, la permaculture s'épanouit face aux défis climatiques. © FETHI BELAID

Saber Zouani gagne environ 300 dinars (à peine 100 euros) par mois mais avec ses parents retraités et son frère, ils sont autosuffisants sur le plan alimentaire. Et dans deux ou trois ans, il compte "tirer un revenu digne" grâce à son "business plan", qui transformera aussi leur ferme de trois hectares, rebaptisée "Om Hnia", en table d'hôte, puis gîte rural.

Ce diplômé en biotechnologies qui, comme beaucoup de jeunes Tunisiens, n'a pas trouvé de travail dans son secteur, a décidé sa reconversion quand il a perdu son emploi de serveur à cause du Covid. L'Association tunisienne de permaculture (ATP), connue par hasard, l'a formé gratuitement puis épaulé financièrement pour ses équipements de base.

Saber Zouani est l'un des bénéficiaires du projet "Plante ta ferme", qui vise à créer en cinq ans 50 micro-fermes en Tunisie, dont une trentaine déjà actives.

"Le but, c'est d'avoir des centaines d'hectares et de démontrer aux autorités et aux autres agriculteurs que la permaculture est un système agricole rentable et efficace qui favorise la biodiversité alors que les sols sont épuisés à force de labours et d'intrants chimiques", explique la présidente de l'ATP, Rim Mathlouthi.

Le programme, financé notamment par des fonds suisses, concerne toutes les régions, même à climat hostile, avec un objectif de développement local en faisant revenir de jeunes chômeurs sur des terrains familiaux délaissés.

Vers un autre modèle agricole ?

L'ATP espère aussi contribuer à "changer un modèle tunisien où l'agriculteur perd de l'argent car il dépense sans cesse pour un tout petit rendement en achetant semences, engrais et pesticides", selon Rim Mathlouthi.

Un système centré sur les céréales (blé, orge...) et d'autres cultures gourmandes en eau alors que la disponibilité en Tunisie est tombée à moins de 500 m³ cubes par an et habitant, considérés comme le "seuil de pénurie absolue" par la Banque mondiale.

Justement, aux yeux de Rim Mathlouthi, "les crises comme le stress hydrique ou la guerre en Ukraine (qui augmente le coût des engrais et pesticides) sont des opportunités pour mettre en valeur des solutions comme l'agroécologie et la permaculture". L'ATP a récemment lancé le label "Nourriture citoyenne" et des "marchés paysans" à prix accessibles, pour rapprocher producteurs et acheteurs.

Inscrivez-vous aux newsletters de la RTBF

Info, sport, émissions, cinéma... Découvrez l'offre complète des newsletters de nos thématiques et restez informés de nos contenus

Tous les sujets de l'article

Sur le même sujet

Articles recommandés pour vous